Permettre aux pères à s’occuper à plein temps de leurs chérubins pour réduire les inégalités entre hommes et femmes au travail. L'idée fait son chemin en France. S'il n'est pas obligatoire, le congé paternité est en vogue dans plusieurs pays d'Europe. (Article du 31 mars 2011 actualisé)
"L’instauration d’un congé paternité obligatoire – pour commencer, moins long que celui de la mère – permettrait de rétablir un regard plus égalitaire sur les jeunes parents", s’enthousiasmait lors de la journée de la femme, le 8 mars dernier, Laurence Parisot. La présidente du Medef confiait alors au au magazine Elle qu'une telle réforme aurait un double avantage: inciter "les pères à partager, dès le premier jour, les tâches familiales" et éviter de pénaliser la carrière des jeunes mamans.
Monique Boutrand, secrétaire nationale de la CFDT Cadres et membre du CES (Conseil économique et social) va plus loin. Elle souhaite l’allongement de la durée du congé paternité à deux mois.
Tant que la jeune femme portera seule le risque potentiel d'une absence longue pour cause de parentalité, quelles que soient ses compétences, elle ne pourra représenter le profil du cadre efficace et investi dans son travail"
Depuis 2002, en plus des trois jours accordés par l’employeur à la naissance d’un enfant, les pères ont le droit de s’absenter onze jours de leur travail pour pouponner (18 en cas de grossesse multiple). La Caisse d’Assurance Maladie verse une indemnité journalière de 77,79 euros maximum. Ce congé paternité doit être pris dans les quatre mois suivant l’accouchement.
Les pays nordiques plus égalitaires
Selon la dernière étude de la Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée en 2005, près de 2/3 des Français l’ont utilisé.
Pas de quoi concurrencer les Norvégiens: 90% des jeunes papas profitent de leur "quota paternel", ces semaines de congés réservées aux pères, et perdues s’ils ne les prennent pas. Les ministres norvégiens de la Justice, Knut Storberget, et de la Famille, Audun Lysbakken, ont récemment attiré l’attention des médias en délaissant un temps leurs fonctions pour s’occuper de leurs nouveau-nés. Les pays nordiques sont les plus engagés dans la lutte contre les inégalités.
En Suède, les congés parentaux s’élèvent à 480 jours: 60 sont destinés au père, 60 à la mère. Ils se partagent librement les 360 jours restants.
Dans la plupart des pays européens, le congé paternité est bien plus modeste. De deux semaines en Belgique et au Danemark, il est réduit à deux jours aux Pays-Bas. Voire inexistant, comme en Allemagne, en Irlande et en Italie. Mais il se généralise de plus en plus.
Royaume-Uni : le Premier ministre donne l’exemple
Des changements déjà visibles au Royaume-Uni. Avec David Cameron en tête. Le Premier ministre s’est personnellement accordé une pause de deux semaines auprès de sa fille Florence Rose Endellion après sa naissance, le 24 août dernier.
Dès avril, une partie du congé maternité pourrait également être transférée aux pères si la mère décide de reprendre son activité professionnelle. Il s’agit d’un congé paternité additionnel, valable de 5 mois à un an après la naissance. L’employeur verse alors 128,73 £ par semaine.
Une indemnité plafond identique à celle reçue par le jeune papa pendant 15 jours consécutifs après l’accouchement de sa femme. Pour en bénéficier, il doit travailler depuis au moins 26 semaines dans son entreprise. Son patron ne peut pas le renvoyer pour avoir déposé une telle demande. Mais le licenciement est possible si la mesure est "juste", par exemple lorsque son département entier est décimé.
Espagne : bientôt quatre semaines
L’Espagne mène également une politique active en faveur des pères. En plus des congés à prendre lors de l’accouchement et le lendemain, ils bénéficient de 13 jours supplémentaires depuis la loi du 22 mars 2007 sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces deux semaines ont été portées à un mois grâce l’adoption d’une loi par le Sénat en septembre 2009.
L’application du texte, prévue pour le 1er janvier 2011, a été repoussée à cause de la crise économique. Selon une porte-parole du ministère du Travail, le gouvernement "reconsidèrera la possibilité d'une entrée en vigueur en 2012".
Autre éventualité pour les nouveaux papas, un congé parental non rémunéré d’une durée maximale de 3 ans. Les mères peuvent aussi leur transférer une partie de leurs 16 semaines de congés. Soit au plus 10 semaines, après avoir retranché les 42 jours d’arrêt postnatal obligatoire.
Une législation incitative au Portugal
30 000. C'est le nombre de congés accordés aux pères au Portugal depuis l'entrée en vigueur du nouveau code du travail en 2009, soit 25 % de l'ensemble des demandes de congés parentaux. La législation permet désormais de distinguer le congé parental de 6 mois rémunéré à 83% du salaire et celui partagé par les deux parents payé à 100%. Le premier devrait être allongé de 3 mois et le second de 6. L'indemnité serait alors réduite à 25% de l'allocation habituelle.
Les pères allemands poussés à pouponner
En Allemagne, à la différence du Portugal, les papas n’ont droit à aucun congé spécifique. Mais la législation germanique est elle-même devenue plus incitative en 2007. Le congé parental à partager par le couple est passé de 12 à 14 mois. A une condition: un seul parent ne peut pouponner plus d’un an. Le second doit donc s’occuper de l’enfant au moins 60 jours.
Les deux mois supplémentaires de congé parental introduits par la réforme de 2007 et accordés à l’autre parent qui prend un congé parental, s’ils ne sont pas officiellement réservés aux pères, leur sont clairement destinés et ont pour objectif de les inciter à participer davantage à l’éducation des enfants ",
affirme un document de travail publié en octobre 2009 par le Sénat sur Les congés liés à la naissance d’un enfant.
Chacun reçoit une allocation égale à 67% du revenu mensuel moyen sur les 12 derniers mois. Soit entre 300 et 1 800 euros. Ce pourcentage augmente en cas de salaire inférieur à 1 000 euros. Après cette période de 14 mois, le congé parental peut être prolongé de deux ans au maximum. Cette fois-ci, il n’est plus rémunéré.
Le congé paternité pourrait s’étendre aux homosexuelles en Belgique
Quelques avancées sont également programmées en Belgique. Les papas ont droit à 10 jours consécutifs à prendre dans les quatre mois suivant la naissance de l’enfant. Les trois premiers sont payés à 100% par l’employeur et les 7 restants à hauteur de 82% par la mutualité. Le gouvernement envisage de porter sa durée à 20 jours. Autre proposition, la députée Sonja Becq veut étendre le congé paternité à la compagne homosexuelle d’une mère biologique. Une révolution pour un parlementaire issu des conservateurs flamands.
Dans le secteur privé, les pères choisissent la manière dont ils souhaitent prendre le congé parental : en s’arrêtant complètement 3 mois, en travaillant à mi-temps pendant 6 mois ou en réduisant leur temps d'un cinquième durant 15 mois. Ils touchent respectivement une indemnité nette de 666,30 euros, 307,12 euros et 104,20 euros.
Pas de congés pour les papas irlandais
En Irlande, aucune trace du congé paternité dans la loi. Le pays est pourtant un des plus généreux en Europe avec ses 26 semaines accordées aux mamans. Rien n’empêche les pères de demander à s’absenter quelques jours. Mais leurs patrons ne sont pas tenus par le droit du travail d’accepter, ni de payer.
L'Etat fait figure d’exception. Les fonctionnaires ont droit à trois jours de repos rémunérés après la naissance ou l'adoption de l’enfant. Les employés de la Bank of Ireland ayant plus d'un an d'ancienneté disposent d’une semaine. Pour les autres papas, il reste le congé parental de deux semaines. Il peut être partagé avec la mère. Mais il n'est jamais rémunéré.
Le gouvernement a déjà étudié l’idée d'un congé spécifique pour les pères de famille, notamment en 2007. Sans grandes avancées visibles. Les socio-démocrates du Labour, un des partis dans la coalition au pouvoir aujourd'hui, avaient promis son instauration durant leur campagne. S’ils ne précisaient pas la durée, ils évoquaient le partage entre les parents. Cette proposition est toujours dans les cartons, les autorités ne considérant pas le congé paternité comme une priorité.
Pas de socle commun en Europe donc. Le Parlement européen a tenté d’uniformiser la législation en votant fin 2010 pour un congé paternité de deux semaines. Une proposition rejetée par le Conseil européen.