Plus de 22 000 migrants ont accosté depuis le début de l'année à Lampedusa, située face aux côtes tunisiennes. La nuit dernière, une embarcation a chaviré et 150 réfugiés sont portés disparus. Dans son documentaire La mer et c’est tout, le réfugié éthiopien Dagmawi Yimer, qui a fait la traversée en 2006, témoigne.
Dagmawi Yimer est un rescapé. Etudiant en droit il a quitté Addis Addeba et a traversé les déserts du Soudan et de la Lybie, survécu aux contrebandiers pour arriver en bateau à Lampedusa le 30 juillet 2006.
Lorsque j’ai mis le pied par terre à Lampedusa, je me souviens juste de ma honte, l’unique chose que je portais avec moi"
Il a raconté son histoire dans deux documentaires, Comme un homme sur la terre (Come un uomo sulla terra) et La mer et c'est tout (Soltanto il mare).
"Tsunami humain"
Les milliers de migrants qui débarquent quotidiennement à Lampedusa – un "tsunami humain", selon Silvio Berlusconi – sont traités par la presse italienne sous l’aspect problématique, sécuritaire. Le regard de Dag sur l’île y réinsuffle une humanité nécessaire.
L'an passé, alors que le sujet n'était sous le feu de l’actualité, Dagmawi Yimer a voulu retourner à Lampedusa pour visiter une île qu’il n’a, en réalité, pas connue. Remerciement de 40 minutes aux habitants de Lampedusa, le documentaire Soltanto il mare qu’il a co-réalisé avec les italiens Giulio Cederna et Fabrizio Barraco, est la regard d’un Ethiopien qui a décidé de parler aussi des problèmes des habitants de Lampedusa, qui autant que les migrants, ne sont désormais racontés que sous l’angle des débarquements.
Nombreux problèmes
Même si nous avons le passeport italien, là-haut [dans le Nord de l’Italie, ndlr], ils ne nous considèrent pas comme tels. Ils ne peuvent pas nous voir, nous, alors imaginez-vous, vous [les migrants]!"
Sans structures sanitaires de base, les femmes de Lampedusa doivent aller sur le continent pour accoucher. "il faut donc rester à l’hôtel, payer les soins supplémentaires s’il y a des complications". Ce qui représente des coûts importants.
Interrogés par un Africain, les habitants donnent une leçon de fraternité. Comme cet homme, fils d’émigrés de Lampedusa au Nord de l’Italie, qui a passé 20 ans de sa vie à rêver de l’île: "Maintenant que j’y suis revenu, rien ne pourra me faire bouger d’ici’. Lui-même s'est improvisé réalisateur de films, dont il montre un extrait traitant des migrations "pour faire comprendre que les gens qui arrivent chez nous aujourd’hui, ce sont nos frères".
Le comble de l’émotion est atteinte lorsque, au bout de son voyage, Dag va remercier l’équipage 282 des gardes côtes qui ont recueilli son embarcation après 2 jours de tempête.
Je me souviens voir des touristes sur la plage et penser à ce que nous avions vécus en mer la veille, deux mondes parallèles".
Le capitaine des gardes côtes est très ému.
C’est la première fois que nous voyions quelqu’un revenir, cela fait tellement plaisir de te voir comme ça, de voir que tu es bien, parce que tu sais, quand nous vous repêchons, et que nous vous ramenons sur la côte, pour nous, c’est un peu comme si on vous ramenait à la maison"