Contrairement à ce qu'annoncent certains oiseaux de mauvais augure, l'Espagne ne sera probablement pas le prochain pays à demander l'aide de l'Europe. Aucun vent de panique n’a saisi la bourse espagnole jeudi, au lendemain de l’appel au secours lancé par le Portugal.
Ceux qui craignaient que la quatrième économie de la zone euro ne succombe aussi à la crise de la dette, après la Grèce, l’Irlande et maintenant le Portugal, dans un effet domino, sont pour l'instant démentis.
Nous sommes une économie beaucoup plus grande [que l'économie portugaise] beaucoup plus diversifiée et avec un potentiel beaucoup plus vaste. Nous faisons des réformes importantes à un rythme plus rapide que le Portugal (…) Une possible contagion est absolument écartée",
a assuré la ministre de l'économie espagnole, Elena Salgado, sur la radio nationale Cadena Ser.
Rien de comparable avec le Portugal
Volonté de rassurer les marchés? Politique de l'autruche? Pas seulement. A Bruxelles, un porte-parole de la Commission européenne (cité par l'AFP) a reconnu que l'Espagne faisait face "à des défis importants" mais que Madrid "remplissait ses engagements" en matière de réformes économiques.
Alors que le Portugal s'est résolu à demander de l'aide à l'UE, en Espagne, c’est le calme plat sur les marchés. L’indice de référence, l’Ibex 35, en hausse de 10% depuis le début de l'année, progressait encore aujourd'hui, et le Trésor Public émettait dans la matinée 4,13 milliards d’euros de dette (à trois ans) à un taux très légèrement inférieur à celui de la dernière émission.
Améliorer la compétitivité
La situation espagnole n’est, en fait, pas aussi dramatique que celle du Portugal. La dette publique du pays, de 62% en 2010, reste inférieure de vingt points à la moyenne européenne. Les exportations ont augmenté de 17,4% en 2010, boostées par la croissance mondiale et l’amélioration de la compétitivité espagnole. Selon la Ministre de l’économie Elena Salgado, la demande extérieure ne compensera toutefois pas la faiblesse de la demande interne en 2011.
La reprise se fait attendre
La consommation des ménages reste en effet modeste, freinée entre autre par un taux de chômage de 20,33% (qui sera encore de 16% en 2014, d’après le gouvernement) et l’inflation de 3%.
Par ailleurs, les marchés semblent satisfaits des mesures de rigueur mises en place par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero depuis un an (baisse du salaire des fonctionnaires, suppression du "chèque-bébé", gel des retraites, hausse de la TVA…) qui ont permis au pays de réduire son déficit de 11,2% en 2009 à 9,2% en 2010.
Les mesures d’austérité risquent, cependant, de différer le retour croissance économique. L’économie espagnole s’est contractée de 3,7% en 2009 et n’a pas pu enregistrer une croissance positive en 2010. Difficile d’avancer dans de telles conditions.
Les banques irlandaises, toujours pas sauvées
L'Espagne ne devrait donc être le prochain domino à tomber. La Grèce par contre, qui a bénéficié d'un plan de sauvetage de 110 milliards d'euros il y a un an, peine à s'en sortir. Une restructuration de sa dette publique semble inévitable avant la fin de l’année dans la mesure où celle-ci devrait dépasser 152% du PIB. Athènes pourrait alors renoncer à rembourser une partie de ses emprunts.
En Irlande, premier pays à avoir profité du Fonds européen de soutien aux pays en difficultés, l’avenir n’est pas meilleur: la Banque centrale irlandaise prévoit que 24 milliards d’euros supplémentaires devraient être demandés, portant ainsi à 70 milliards les fonds débloqués pour sauver le pays de la faillite.
Seul "bon point", tout relatif, à cette série de sauvetages: l’Europe est de plus en plus réactive, ce qui permettra, peut-être, de pouvoir intervenir en Espagne, si besoin est, avant que la situation ne soit trop désespérée.