Après la Grèce et l'Irlande, le Portugal est contraint de passer sous les fourches caudines de l'aide européenne. Elle sera conditionnée à un nouveau plan de rigueur. Pire que le FMI ?
"A l'aide", titre aujourd'hui le quotidien lisboète Publico. Après avoir longtemps tergiversé et contraint le Premier ministre socialiste à démissionner, le Portugal a fini par céder, en se résignant à demander "l'assistance financière" de l'Europe du fait l'"aggravation dramatique" de la situation.
Les taux d'intérêt exigés par les marchés financiers internationaux et les banques portugaises avaient atteint ces derniers jours des niveaux tellement prohibitifs que ceux qui seront proposés par l'Union européenne apparaitront, probablement, comme relativement raisonnables.
Le coup de grâce a été porté vendredi dernier par l'agence de notation Fitch qui avait rétrogradé la note souveraine du Portugal à BBB+, dernier palier avant la catégorie "spéculative". L'agence spéculait, pour sa part, sur le fait qu'il lui semblait peu probable que Lisbonne bénéficie d'une aide extérieure avant les prochaines élections législatives anticipées provoquée par la démission (le 24 mars) du Premier ministre socialiste José Socrates. Démission engendrée par le refus de l'opposition de soutenir son quatrième plan d'austérité. Une erreur de prévision de plus pour Fitch qui aurait pourtant pu se douter que l'UE ne laisserait pas, en dernier recours, tomber le Portugal.
Au moins 75 milliards d'euros
Les détails du plan de sauvetage ne seront pas connus avant la réunion des ministres des Finances de l’UE, vendredi et samedi à Budapest. Mais le Portugal devrait bénéficier d'une enveloppe de 75 milliards d’euro, selon le montant évoqué fin mars par le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.
Il serait alors le troisième candidat à l'aide européenne. La Grèce, au printemps 2010, avait ouvert la voie. Elle a bénéficié de prêts des pays de l'Union européenne et du FMI pour un montant total de 110 milliards d'euros. A l'automne dernier, l'Irlande, à son tour, a été contrainte de faire appel au Fonds de soutien pour les pays de la zone euro en grande difficulté. Le pays est miné par la banqueroute de ses institutions financières a bénéficié d’un montant total de 85 milliards d'euros.
Sauvetage rapide
Le sauvetage de la Grèce avait pris des mois, en raison des réticences de l’Allemagne à payer. Celui de l’Irlande n’avait demandé que quelques jours. Pour le Portugal, tout devrait aller encore plus vite. Il y a urgence : le pays doit rembourser 4,25 milliards d’euros le 15 avril et encore 4,9 milliards le 15 juin. Or, ses taux d'emprunt à dix ans atteignent cette semaine plus de 8% – le plus haut niveau depuis l'entrée du pays dans la zone euro. A ce tarif là, impossible de tenir très longtemps.
L’UE s’est dotée d’instruments adéquats: un Fonds de soutien pour les pays endettés a été créé. Il permet d'emprunter sur les marchés avec la garantie des pays de la zone euro. Sa capacité effective vient d’être relevée de 250 à 440 milliards d'euros.
L'Europe n'est cependant pas généreuse par nature mais par obligation. Si elle vole au secours de pays les plus en difficulté de l'Euroland, c'est, avant tout, pour sauver la monnaie unique. La faillite d'un pays européen mettrait en péril l'ensemble des pays, et notamment de leurs secteurs bancaires qui s'écrouleraient comme un château de carte du fait de leurs engagements réciproques. (Cliquer ici pour voir l'infographie réalisée par Myeurop)
"Ne pas encourager le vice"
L'Europe n'est, pas plus, mécène. Pas question que les contribuables des pays vertueux payent pour d’autres, coupables d'avoir vécu au-dessus de leurs moyens. "Nous ne voulons pas prêter à des conditions super-attractives, pour ne pas encourager le vice", avait averti, droite dans ses bottes, la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.
Et si la France ou l’Allemagne peuvent gagner un peu d'argent par la même occasion, pourquoi se gêner… "La France, comme les autres pays de l'Eurogroup, va prêter à la Grèce, on ne fait pas un don ou une subvention." Ce sera donc 5% (en moyenne) pour la Grèce.
A cette époque, la France empruntait (à dix ans) à moins de 3,3%. De la même manière que les prêts de l'Etat aux banques françaises menacées par la crise financière lui ont rapporté environ 2 milliards d'euros, les 16,8 milliards d’euros (dont 6,3 en 2010) promis par la France à la Grèce devraient faire rentrer de l’argent dans les caisses: "la France se rémunérera environ 200 millions d'euros par an", prévoyait alors Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, cité par le Monde.
A trop tirer sur la corde…
Mais attention à ne pas tirer trop fort sur la corde. Cette manne n’entrera dans les caisses que si la Grèce et l’Irlande aujourd’hui, le Portugal demain, sont capables de rembourser leur dette. C'est pourquoi les dirigeants de la zone euro se sont accordés en mars 2011 pour baisser le taux du prêt à la Grèce, de 5,2% en moyenne à 4,2%. Les délais de remboursement ont aussi été allongés de 3 à 7 ans et demi. "Nous avons décidé d’aligner les taux d’intérêt des deux mécanismes (européen) sur ceux du FMI", reconnaissait alors Nicolas Sarkozy.
L’Irlande n’a pas eu cette chance: puisque Dublin a refusé d’augmenter sa fiscalité sur les bénéfices des entreprises, elle n'a pas bénéficié d’une facilité de paiement et son taux reste, en moyenne, de 5,8% par an.
Pour le moment les Portugais préfèrent faire appel à leurs voisins pour les sauver plutôt qu'au FMI, institution honnie. Les Lusitaniens ont un trop mauvais souvenir de ses interventions dans les années 1970 et 1980 lors du retour à la démocratie après la dictature militaire. La rigueur budgétaire imposée par le Fonds monétaire avait plombé l'économie portugaise et laminé le pouvoir d'achat.
L'aide de l'UE n'ira pas non plus sans contreparties: "il y aurait dans ce cas une rupture d'égalité de traitement avec la Grèce et l'Irlande si on acceptait de donner une partie de l'argent maintenant au Portugal en disant qu'on verra plus tard pour les exigences en contrepartie", souligné un diplomate bruxellois, cité par l'AFP. "Il n'y aura pas de chèque en blanc". assure-t-il. Les textes prévoient explicitement que les prêts ne sont octroyés qu'en échange d'"une stricte conditionnalité", comprenez: un programme sévère d'économies budgétaires.
Le malheur de ses voisins
Si l'Europe fait aujourd'hui de même que le FMI des années 1980, le drapeau de l'UE sera brulé en place publique à Lisbonne comme c'est déjà le cas à Athènes. Un peu plus d'altruisme de la part des pays les plus riches de l'Union européenne permettrait finalement de renforcer l'intégration européenne à bon compte.
A vouloir faire de l'argent sur le malheur de ses voisins au nom d'une morale économique sujette pour le moins à caution, l'Allemagne comme la France, prennent ainsi le risque d'engendrer une rancœur profonde avec les mauvais élèves de la classe européenne, punis pour avoir vécu au dessus de leurs moyens.