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Un protectionnisme social européen est-il vraiment possible?

vendredi, 8 avril, 2011 - 09:52

Dans son programme présidentiel, le PS se prononce pour une autre mondialisation où les normes sociales et environnementales prendraient le pas sur la libre circulation des marchandises. Principale mesure préconisée: des barrières douanières sélectives au niveau européen. Une démarche déjà entamée par le Parlement européen en novembre.

Face au rouleau compresseur de la globalisation de l’économie mondiale où les importations des pays émergents, et notamment chinoises, menacent des pans entiers du tissus industriel du continent européen, le PS a décidé de frapper un grand coup sur la table.

Nous proposons à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) que soient inscrites dans les règles du commerce international les normes fondamentales définies par huit conventions de l’Organisation internationale du travail (interdiction du travail des enfants, non recours au travail forcé, droit reconnu aux salariés de s'organiser pour négocier leur contrat de travail, non discrimination en matière d’emploi et de professions), les normes de lutte contre le réchauffement climatique ainsi que les normes techniques et sanitaires de protection des consommateurs européens, en particulier contre les substances et marchandises dangereuses".

Clivage

Cette proposition vise ni plus ni moins à promouvoir un nouveau paradigme, à mille lieues des pratiques actuelles reposant sur la libre circulation (ou presque) des biens et des marchandises.

Reste que pour arriver à un tel résultat, il faudrait qu’un consensus se dégage d’abord au niveau européen puis au niveau international. Plus facile à dire qu’à faire dans un contexte où depuis plusieurs années, les pays émergents, qui ont tout à perdre de ce changement de philosophie, freinent des quatre fers l’éventualité de donner à l’OIT un statut de membre observateur à l’OMC.

"Ecluses tarifaires"

Sur ce point précis, le PS a déjà trouvé la parade :

En cas d’échec durable des négociations sur les normes, nous proposons la mise en place d’écluses tarifaires aux frontières de l’Europe. Ces écluses seraient flexibles car elles ne s’appliqueraient qu’aux marchandises dont les modes de production de respectent pas les normes pratiquées en Europe",

peut-on lire quelques phrases plus loin dans le programme.

Nul besoin d’être un spécialiste des négociations commerciales pour imaginer la réponse des pays concernés : ils s’empresseraient de saisir l'OMC, seule organisation internationale ayant un pouvoir de contrainte.

L’OIT, par exemple, ne bénéficiant pas de telles prérogatives, en cas de conflits, ce sont toujours les considérations commerciales qui prennent le dessus",

explique Antonio Manganella, Chargé de plaidoyer Responsabilité Sociétale des Entreprises pour le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement) Terre Solidaire, la première ONG de développement hexagonale.

Autre problème : cette mesure pourrait se retourner contre les multinationales européennes elles-mêmes. Celles-ci sont, en effet, responsables d’une grande part des importations européennes en provenance des pays émergents en sous-traitant sur place une partie de leur production… En d’autres termes : les gouvernements européens sont-ils prêts à engager le bras de fer avec leurs entreprises ?

Les Pays-Bas montrent l’exemple

Sur ce dossier aussi, le PS semble décidé à aller de l’avant, indiquant dans son programme qu’il souhaitait engager un débat sur "la Responsabilité Sociétale des Entreprises [RSE], notamment des multinationales européennes qui délocalisent leurs unités de production vers les pays à bas salaire. Elles doivent être tenues pour responsables des dommages environnementaux et sociaux imputables à leurs sous-traitants". Une proposition qui n’est pas sans conséquences : les salariés de pays tiers qui estimeraient être victimes du comportement de multinationales européennes pourraient ainsi saisir les tribunaux de l’UE pour demander la réparation du préjudice.

La Chambre basse du Parlement néerlandais a déjà franchi le pas : elle a approuvé une motion qui exige que le gouvernement étudie les possibilités de création d’un fonds de soutien pour financer les frais de justice que devraient supporter des victimes étrangères du fait du comportement irresponsable des entreprises néerlandaises… Le Parlement européen a, quant à lui, adopté à l’automne dernier quatre résolutions visant à demander de prendre davantage en compte les normes sociales et environnementales lors de la négociation des accords commerciaux internationaux",

rappelle Antonio Manganella.

Reste maintenant à au socialistes français à remporter les élections et à ne pas oublier, par la suite, ses engagements. Autant d'obstacles supplémentaires à franchir.




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