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Les Portugais n’ont plus que leurs yeux pour pleurer

mardi, 12 avril, 2011 - 15:40

Les émissaires de l’Europe et du Fond monétaire international sont déjà à pied d’œuvre à Lisbonne pour examiner la demande d'aide d'urgence. Il faudra sans doute un bon mois pour connaitre les modalités et le montant du prêt accordé par l'UE. En attendant, les Portugais hésitent entre rires nerveux et larmes.

Plus que l’aide de l’Europe, c’est surtout du FMI qu’il est question au Portugal. Et il existe une sorte de traumatisme collectif à l’évocation du Fonds monétaire international. Il est intervenu à deux reprises dans le pays. En 1977, dans la période "post-révolutionnaire" durant laquelle le pain est venu à manquer dans les boulangeries. Puis en 1983, trois ans avant que le petit Portugal n'entre dans l’Union Européenne. Ce n’est pas si lointain, et toute une génération s’en souvient fort bien.

L'histoire se répète

Il faut dire que les conséquences de l’aide débloquée se sont fait sentir directement, "dans la peau" comme disent les Portugais: suppression du 13ème mois, coupes dans les salaires, augmentation des impôts et dévaluation extrême de la monnaie de l’époque, l’escudo (moins 30 %). Mais tous les économistes le confirment, ce fut la planche de salut pour le Portugal, au bord de la banqueroute.

Aujourd’hui les Portugais penchent plutôt pour la résignation. "Il fallait le faire plus tôt", "Assez perdu de temps", "Ce sera dur mais on y arriver" sont les commentaires le plus souvent entendus. Aussitôt ponctués de "Quel gâchis !"  et, surtout, de "Quelle tristesse! ".

Un sondage publié le 6 avril – la veille de la confirmation de l’appel à l’aide par le Premier ministre démissionnaire – montrait la division au sein de l’opinion : 39 % des personnes interrogées ne voulaient pas de l’aide, et 39 % la jugeaient nécessaire. Une égalité parfaite qui peut surprendre au premier abord.

Suppression des primes de vacances

Les Portugais sont, en fait, plutôt inquiets quant aux sacrifices qui vont être exigés. On en est au quatrième plan de rigueur en quatorze mois, et à chaque fois, c’est un tour de vis supplémentaire pour la population.

Les mesures comprises dans le dernier programme – celui-là même qui a été rejeté par le Parlement portugais – seront bel et bien appliquées, et renforcées.

Crainte parmi les craintes: la suppression des primes de vacances et de Noël, véritables institutions, et qui sont dans la réalité des 13ème et 14ème mois de salaires puisque soumises aux cotisations fiscales et sociales.

Ces "indemnités" qui tombent avec une régularité de métronome en juillet et en novembre sont de véritables bouffées d’air frais pour des ménages qui vivent avec des salaires modestes (revenu moyen per capita en 2008: 894 euros par mois, salaires gelés depuis). Ces précieux compléments servent à payer les vacances bien sûr, mais aussi les assurances diverses, les frais de scolarité, l’achat d’électroménager, et les ardoises chez l’épicier.

En clair, un certain niveau de vie auquel les Portugais se sont habitués, sous la double influence de l’appartenance à l’Union Européenne et du sentiment de l’argent facile et inépuisable.

Sans Parlement, sans gouvernement et sans argent

Sans gouvernement depuis la démission du Premier ministre José Socrates le 23 mars, sans Parlement, dissout dans la foulée, et sans argent dans les caisses: le Portugal ressemble fort à une petite barque lancée sans gouvernail dans l’Atlantique. Défaitiste souvent, conformiste généralement, l’opinion publique connaît aussi des sursauts de conscience.

Cela va de l’appel de 47 personnalités pour sauver le Portugal, à des mouvements de jeunes pour proposer des solutions. Les syndicats, eux, appellent à donner de la voix le 25 avril, jour de la commémoration de la Révolution des œillets (25 avril 1974, révolution démocratique) et le 1er mai.

Les chansons engagées reviennent à la mode, comme le célèbre "FMI" de José Mario Branco, composé dans les années 1980, alors que de nouvelles font leur apparition. Une sorte de bouillonnement intellectuel et convivial destiné à repousser l’angoisse et les soucis. Demain sera dur, mais c’est demain !


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