Le parti populiste des "Vrais Finlandais" pourrait remporter les élections législatives, dimanche, et entrer au gouvernement. Son discours anti-immigration et anti-européen séduit les laissés-pour-compte.
Au lendemain des Législatives du dimanche 17 avril, les Finlandais se réveilleront-ils avec Timo Soini comme premier ministre? Timo Soini, le père des "PerusSuomalaiset", le parti des "Vrais Finlandais", chef de l’exécutif finlandais ? Ce serait une bien mauvaise gueule-de-bois dans un pays qui les collectionne, ayant vu sa consommation d’alcool augmenter dangereusement ces dernier temps…
Pourtant le retour à la Prohibition (la Finlande l’a connue de 1919 à 1932, comme les USA) ne fait pas partie du programme des PerusSuomalaiset ("Persut" pour les Finlandais qui adorent abréger).
Sortir de l'Europe
En revanche, la fermeture des frontières aux étrangers, Européens ou pas, est bien prévue. Les "Vrais Finlandais" sont favorables à la "préférence nationale". Le parti est aussi résolument anti-européen:
Les banquiers suédois se félicitent de ne pas avoir adopté l’euro. Ils sont convaincus que sous deux ans la zone euro n’existera plus! Nous, les PerusSuomalaiset sommes du même avis: il faut abandonner l’euro et l’Union Européenne (UE) pendant qu’il est encore temps,
martèle Timo Laihinen, chef des Persut de Turku, 5ème ville de Finlande en nombre d'habitants, ancienne capitale du pays (jusqu’en 1812) et … Capitale Européenne de la Culture 2011.
Laissés-pour-compte
Agriculteurs en difficulté, ouvriers au chômage, restaurateurs finlandais fragilisés par l’apparition des grandes chaînes de fast-food, tous ces Finlandais sont persuadés d'être les laissés-pour-compte de l’UE. Force est de reconnaître qu’ils n’ont pas réussi à prendre en marche le "train européen".
Nous trouvons absolument inique de ne bénéficier que de toutes petites subventions européennes pour l’agriculture, alors qu’en Finlande, à cause du climat, nous ne pouvons effectuer qu’une seule récolte par an. Les fruits et légumes en provenance des Pays-Bas, de France ou d’Espagne, subventionnés par Bruxelles et qui inondent nos supermarchés, comment voulez-vous que nous luttions contre ça?",
se lamente un couple de cultivateurs.
Les Africains bouc-émissaires
Dénonciation des multinationales européennes à l’assaut du marché finlandais, des bureaucrates de l’Union, des grands partis "pro-européens" finlandais, tout y passe avec ces "Persut" frustrés et rassemblés autour de leur stand de campagne dans la rue principale de Turku.
Mais leur bouc-émissaire favori reste les émigrés africains, et tout particulièrement les Somaliens, invités par l’ex-président Mauno Koivisto à se réfugier en Finlande dès 1992.
Nous n’avons rien contre les Africains mais quand ils arrivent chez nous, ils n’arrivent pas à travailler à notre rythme. Il en vient d’abord un, puis sa famille suit, puis sa tribu et on se retrouve à trente dans un grand appartement payé par l’Etat finlandais, par nous les contribuables,
poursuit Timo Laihinen.
Tout cela sort de l’imaginaire produit par la propagande du parti. L’un des ténors "Persut", Jussi Halla-aho, ne prétend-il pas que les immigrés venus d’Afrique sont le plus souvent responsables des viols commis sur territoire finlandais?
Propagande
La Finlande n’est pourtant pas une terre d’immigration: rigueur du climat, lourde fiscalité, éloignement, difficulté de la langue et introversion des habitants font que le pays n’attire pas les migrants. Le pays n'accueille que 100 000 étrangers, soit 2% de sa population. Des Russes surtout (35 000) et des Estoniens (10 000). Contre 7 à 8 000 Africains, toutes nationalités confondues.
Des "déçus de la gauche"
Peut-on établir un parallèle entre le Front National et les Persut? Une profonde aversion à l’UE rassemble les deux partis. Pour le reste les "Persut" font plutôt penser à des "déçus de la gauche", comme l’a judicieusement fait remarquer l’ex-président Koivisto. A l’instar du FN, les Persut ne supportent pas les trois grands partis politiques qui se partagent le pouvoir en Finlande depuis la guerre: les centristes du Keskusta, ex-parti agrarien, les socialistes du SDP et les conservateurs du Kokoomus.
"Tous sont pour l’Europe, tous tirent leur épingle du jeu et tous nous racontent n’importe quoi", profère un partisan plus excité que les autres. C’est l’"establishment finlandais", dirait, en France, Jean-Marie Le Pen. Sinon les Persut restent des Finlandais placides et non-violents. Inconcevable ici de les voir défiler en hurlant ou de lancer injures et slogans racistes. Finlandais ils sont, Finlandais ils resteront. Et cela fait 67 ans que les partis d’extrême-droite sont légalement et strictement interdits en Finlande.
Pas d'alliances en vue
Dès la semaine prochaine, il est probable qu’une poussée des PerusSuomalaiset à 18-20% (ils en étaient à 9% au dernières législatives de 2007) leur procurera une trentaine de députés, la répartition des sièges se faisant à la proportionnelle. Et même si les Persut arrivaient en tête pour le nombre de voix, il leur faudrait s’allier pour gouverner.
Or tous les autres grands partis finlandais sont pour l’Europe. Il serait donc surprenant que Timo Soini devienne Premier ministre.