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Une nouvelle constitution hongroise ultra-catholique

lundi, 18 avril, 2011 - 12:51

La nouvelle constitution hongroise a été adoptée ce lundi par le Parlement hongrois. La famille est remise au centre de la société, dont le christianisme est considéré comme un élément fondateur. Un véritable "putsch" constitutionnel pour l'opposition.

"La nouvelle constitution est moins démocratique que celle de 1989", explique Daniel Kaderjak. L'avocat du mouvement "Nouvelle génération" est un des organisateurs des manifestations des 7 derniers jours contre le nouveau projet du gouvernement de Viktor Orban. Cette nouvelle constitution, jugée ultra-conservatrice par les opposants, a pourtant été adoptée lundi par le Parlement hongrois: 262 voix pour, 44 contre et une abstention.

"Nous avons vécu un moment historique", a déclaré le président du parlement, Laszlo Kövér. "Le texte reconnaît le christianisme comme la base de notre civilisation, mais la constitution garantit la liberté morale", a-t-il ajouté, avant d'appeler les députés à chanter l'hymne national hongrois.

Un "putsch" constitutionnel

La nouvelle constitution fait du christianisme un élément fondateur et de la famille traditionnelle le pilier de la société hongroise. L'historien Andras Mink n'a pas hésité à dénoncer un "putsch" constitutionnel. Les détracteurs considèrent que ce texte viole les libertés fondamentales et permet, avant tout, au Premier ministre d'asseoir son pouvoir et celui de son parti.

La Hungarian Civil Liberties Union (TAZS), association de défense des droits démocratiques, très influente en Hongrie, a dénoncé un texte adopté de manière unilatérale qui "ne faisait pas valoir un Etat de droit". Dans un avis publié le 28 mars, la Commission européenne a également souligné le manque de transparence et le processus d’adoption à la hussarde. 

Certains partis politiques, des organisations non gouvernementales et des associations ont défilé dans l'après-midi pour manifester leur opposition. La mobilisation avait déjà été forte contre la loi sur les médias, rassemblant au plus fort de la contestation plus de 10 000 personnes dans les rues de Budapest.    

Le fait du Prince

Viktor Orban a beau être présenté comme un autocratre à l’étranger, il garde pourtant une forte popularité dans son pays. Fort de son son combat pour la démocratie du temps du pouvoir communiste, il jouit encore d'un certain prestige et a été reconduit à la tête du gouvernement conservateur en 2010.

En lui donnant la majorité absolue au Parlement avec plus de deux-tiers des députés (263 sur 386), les Hongrois lui ont confié le pouvoir de finir le travail laissé en suspens en 1989 et de mettre fin au communisme pour de bon. Mais cette "Constitution Orban" n’est que le fait du Prince. Le Premier ministre l’a rédigé tout seul, sans en débattre avec les autres partis politiques élus.

Ceux-ci ont refusé d’être associés au processus d’élaboration, pour éviter de jouer les figurants et servir de caution. Même le parti d’extrême-droite Jobbik a abandonné les discussions en cours de route.

Face à cette levée de boucliers, Orban a organisé une grande consultation populaire en 12 points sous la forme d’un questionnaire envoyé par la poste aux Hongrois. Moins de 10% lui sont revenus. Les questions largement orientées omettaient les aspects les plus controversés.

Au nom de la "Sainte couronne"

La Constitution en vigueur en Hongrie date de 1949. Elle fut amendée en 1990 au moment de la chute du communisme pour enlever toutes les traces du régime totalitaire. La nouvelle Constitution, conçue comme une version améliorée approuvée par l’ensemble de la Nation, rompt, en fait, avec les valeurs du texte précédent.

Le préambule pose le christianisme comme élément fondateur de la Hongrie. La nation est décrite en termes culturels et non politiques. La "Sainte Couronne" des Rois catholiques hongrois est prise comme référence de l’unité de la nation, rompant ainsi avec une constitution républicaine. Le Christianisme, quasiment érigé en religion d’Etat, exclue de fait les populations juives et les athées du pays.

L’irrédentisme est aussi réaffirmé: les Hongrois de l’étranger (520 000 en Slovaquie et 1,4 million en Roumanie notamment) auront la nationalité hongroise. Le mariage est défini comme “l’union de base la plus naturelle entre un homme et une femme et fondement de la famille”. Un coup porté aux projets d’autorisation d'union entre deux personnes du même sexe. "Le texte de 1989 ne contenait pas une telle restriction. Le mariage n'était pas défini", affirme Daniel Kaderjak. Le droit à l’avortement pourrait aussi devenir illégal, alors que la Hongrie a l’une des législations les plus libérales en la matière.

Exaltation des valeurs familliales

Viktor Orban veut ainsi remettre la religion catholique au cœur du pays et exalter les valeurs familiales. Ce n’est pas un hasard puisque les alliés du parti du Premier ministre, la FIDEZS, sont les députés de la KDNP, le parti populaire chrétien démocrate, aux idées plutôt conservatrices.

"Le but est de donner plus de pouvoir au gouvernement. C'est pour cela que les manifestations ont été appelées 'funérailles de la démocratie'", selon l'avocat de "Nouvelle génération", bien décidé à poursuivre la protestation.

Reste au Président hongrois, Pal Schmitt, à signer le texte le 25 avril pour que celui-ci entre en vigueur dès le 1er janvier 2012. L’avis du Conseil européen ayant été sollicité, il faudra également attendre les conclusions indicatives de Herman Van Rompuy sur la conformité du texte avec le droit européen. Mais vu le peu d’enthousiasme des eurodéputés à prendre position sur le sujet, la très sainte constitution hongroise risque fort d'être avalisée par Bruxelles.




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