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Le casse-tête financier de la sortie du nucléaire

mercredi, 20 avril, 2011 - 10:47

Alors que le gouvernement allemand vient d’annoncer sa volonté de sortir au plus vite du nucléaire, les experts commencent à chiffrer le coût d’une telle mesure. Dèjà, de vifs débats opposent l’État, les Länder, les producteurs d’énergie et les consommateurs sur la répartition de la facture.

Sortir du nucléaire, combien ça coûte ? Selon l’institut de recherche économique DIW cité par le quotidien Süddeutsche Zeitung, les investissements nécessaires pour développer les énergies renouvelables s’élèveraient à 200 milliards d’euros d’ici à 2020.

Des calculs effectués par le Spiegel Online tablent, eux, sur 170 milliards d’euros. Si ces chiffres sont partagés par de nombreux experts, la polémique enfle outre-Rhin pour savoir qui va payer la facture et sur la manière dont va être réparti le fardeau entre les trois principaux protagonistes : les producteurs d’électricité, l’État et les Länder, et les utilisateurs.

Les producteurs d’électricité se rebiffent

Les producteurs d’électricité sont déjà montés au créneau, ouvrant la fronde sur plusieurs fronts : après avoir souligné que le passage aux énergies renouvelables nécessiterait de renoncer au confort auquel est habituée la population, ils ont engagé un bras de fer avec le gouvernement en souhaitant remettre en cause l’accord conclu l’année dernière qui, selon eux, est devenu caduque.

En échange de la décision prise à l’époque de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires, les industriels étaient obligés de s’acquitter de taxes sur les émissions de CO2 afin de financer un fonds public destiné à augmenter la part des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité.

En année pleine, ce plan était censé rapporter 2,3 milliards d’euros. En estimant qu’ils ne pouvaient pas, à la fois, payer les taxes demandées et investir, parallèlement, dans les énergies renouvelables, l’objectif des producteurs d’électricité serait en réalité d’obtenir des subventions pour les aider à réaliser les investissements nécessaires dans les énergies propres.

16,3 % d’énergie renouvelable

Ceux-ci sont en effet énormes : les producteurs d’énergie ont en réalité investi très peu dans le secteur. Les quatre grands du secteur – RWE, E.on, Vattenfall et EnBW – qui produisent 68 % de l’énergie allemande, ne réalisent que 3,9% de la production totale d’énergie renouvelable. Le reste vient de fournisseurs régionaux, de collectivités locales ou de parcs éoliens financés par des particuliers.

L’Allemagne a un long chemin à parcourir : les énergies vertes n’assurent que 16,3 % de son électricité. 13 % provient de l’éolien et de solaire et 3,3 % de l’hydraulique. E.on a déjà annoncé vouloir consacrer 13 % de ses futurs investissements aux énergies renouvelables quand RWE souhaite porter cette part à 20 %. Ce qui selon Greenpeace, qui vient de publier une étude sur ce sujet, est encore loin du compte.

Le "vrai" coût du nucléaire

Pour l’association de défense de l’environnement, les partisans du nucléaire poussent un peu trop loin le bouchon en mettant en avant les coûts pharaoniques découlant de la sortie du nucléaire.

En 2010, d'après les calculs de Greenpeace Allemagne, en intégrant les subventions, les "dommages à l'environnement", le retraitement des déchets nucléaires et le démantèlement à terme des centrales, le "vrai coût" de la production d’un KWh d’électricité nucléaire s’élevait à 12,8 cents, soit presque deux fois plus cher que le coût d’un même Kwh produit par les éoliennes (7,6 cents) ou les centrales hydrauliques (6,5 cents) et plus élevé que l’énergie issue des centrales à charbon (12,1 cents).

Depuis 1970, le secteur du nucléaire a, en outre, bénéficié d’investissements publics de 186 milliards d’euros quand dans le même temps les énergies renouvelables n'en recevaient que 28 milliards.

Pas d’augmentation d’impôts

L’État, deuxième acteur, marche quant à lui sur des œufs. Le FDP, le parti libéral qui fait partie de la coalition au pouvoir, a déjà indiqué qu’il n’était pas question pour lui d’accepter une augmentation des impôts pour sortir du nucléaire. Quelques mesures pourraient toutefois permettre à l’État de gagner des marges de manœuvre : en alignant le coût du diesel sur l’essence, quelque 6 milliards d’euros par an pourraient tomber dans ses caisses….

Les Länder pourraient, eux aussi, être mis à contribution. Compte tenu des conditions atmosphériques qui font que les régions du Nord, plus ventés, pourraient être davantage concernées par l’extension du parc d’éoliennes, certains ont déjà expliqué que les régions du Sud, fournies ainsi grâce à la production du Nord, devraient leur verser des compensations…

200 euros de plus pour les consommateurs

Les sociaux-démocrates ont, pour leur part, indiqué qu’il n’était pas question que les consommateurs soient les seuls, au final, à devoir payer la facture. Selon une étude du DIW, celle-ci pourrait en effet s’élever de 200 à 240 euros par an, ces chiffres étant basés sur la consommation d’un ménage de quatre personnes. Des chiffres que conteste le syndicat de l’énergie qui estime pour sa part que le prix du MWh devrait progresser de 7 euros, ce qui correspond à une augmentation de 70%…

La bataille de chiffres ne fait que commencer et si nombre d’experts estiment qu’il est encore trop tôt pour calculer le coût exact de la sortie du nucléaire, le rapprochement des échéances va en tout cas obliger les économistes à faire tourner leurs ordinateurs à plein régime. La loi prévoyant la sortie du nucléaire est déjà en préparation et une première mouture du texte devrait être prête à la mi-juin puis discutée le 17 juin au Bundesrat avant d’être transmise au Bundestag.




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