Les Rangers et le Celtic s'affrontent dimanche dans un derby déterminant pour l’attribution du titre. La rivalité entre le club catholique et le club protestant de Glasgow est vieille de plus de 100 ans. Mais leur opposition a pris depuis deux mois une tournure plus sombre, qui a abouti à l’envoi de colis piégés à l’entraîneur et à des supporters éminents du Celtic.
Neil Lennon a la larme à l’œil. Tout au long de la rencontre face à Kilmarnock mercredi dernier, les supporters du Celtic Glasgow ont scandé avec force le nom de leur entraîneur fétiche. Et l'écrasante victoire de sa formation (4-0) n'y est pour rien. Les chants visaient à lui exprimer un soutien sans faille? le jour où la presse révélait qu’un courrier piégé lui avait été adressé fin mars.
La bombe, détectée par le personnel du club, avait été désamorcée par la police. D'après les médias, la parlementaire travailliste Trish Godman et le professeur de droit Paul McBride ont également reçu un colis piégé. Leur point commun: ils sont tous deux connus pour être de fervents supporters du Celtic.
La piste terroriste écartée
Cette annonce n’a pas seulement secoué le football écossais. Le pays tout entier semble atterré. "Soyons bien clairs", a précisé le Premier Ministre écossais Alex Salmond:
une enquête de police majeure est en route pour s’assurer que l’individu ou les individus concernés seront identifiés et appréhendés, et ensuite traduits en justice avec toute la force de la loi.
Selon les premiers éléments de l’enquête, "la piste d’une quelconque organisation terroriste a été écartée" et les spécialistes anti-terroristes se dirigent plutôt vers celle d’individus sans connaissance réelle dans la fabrication d’engins explosifs.
Match de la honte
Alors que le derby entre les Rangers et le Celtic, déterminant pour l’attribution du titre, se joue dimanche après-midi, la tension est donc remontée d’un cran dans Glasgow. Elle inquiète d’ailleurs les autorités. La rivalité quasi ancestrale entre les deux clubs a en effet pris une très mauvaise tournure depuis leur opposition en coupe le 20 février.
Ce jour-là, l’arbitre expulse trois joueurs des Rangers tandis que leur entraîneur adjoint et Neil Lennon ont doivent être séparés physiquement après une houleuse discussion. Les échauffourées entre joueurs des deux clubs se sont poursuivies jusque dans le tunnel vers les vestiaires. Le tout devant les caméras de télévision. La police a procédé à l’arrestation de 229 supporters à l’intérieur et à l’extérieur du stade.
Ce "match de la honte", comme il a été surnommé par la presse locale, a engendré de fermes réactions de la part des forces de police. "Nous n’avons tout simplement pas l’argent et les ressources pour gérer cela", s’est emporté Les Gray, le président de la fédération de la police écossaise.
Toutes les personnes impliquées doivent s’asseoir et discuter. Ce qui se déroule sur le terrain est reproduit dans toute l’Ecosse, dans les rues, dans les pubs, dans les maisons. On ne peut pas le justifier. Cette folie ne peut pas se poursuivre.
Si le football britannique clame avoir mis fin à la menace hooligan, les oppositions entre les Rangers et le Celtic exposent une réalité toute autre. Les débordements sont monnaies courantes, les arrestations quasi inévitables.
Antagonisme religieux
Au-delà de la rivalité sportive, le fanatisme des deux camps se double ici d’un antagonisme religieux. Le Celtic a été formé en 1888 par des immigrants irlandais catholiques – comme le confirme l’écusson originel du club, une croix celtique devenue en 1903 un trèfle vert – alors que les Rangers ont servi de point de ralliement aux Protestants agacés, au tout début du XXe siècle, par l’irruption d’une main d’œuvre étrangère et politiquement favorable à l’indépendance de l’Irlande.
Une fois celle-ci obtenue en 1922, les Protestants d’Irlande du Nord ont apporté leur soutien aux Rangers, perturbant un peu plus une situation déjà très trouble.
Menaces de mort
Les clubs ont entièrement participé au maintien de cet affrontement. Traditionnellement, les joueurs des Rangers étaient protestants, tandis que le Celtic, limité à l’acquisition de joueurs britanniques, était forcé d’opérer plus de mélange. La tension des derbies s’est ensuite atténuée avec l’arrivée massive de joueurs étrangers suite à l’arrêt Bosman.
Jusqu’à l’arrivée en 2000 de Neil Lennon au Celtic en tant que joueur: cet Irlandais du Nord de confession catholique a arrêté de jouer pour sa sélection nationale en 2002 après avoir reçu des menaces de mort, renouvelées par la suite. Plus récemment, il a été tabassé dans les rues de Glasgow et a reçu en janvier une enveloppe contenant des balles de fusil. Son week-end de Pâques s’annonce joyeux.