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SDF en Europe: sans dispositions fixes

samedi, 23 avril, 2011 - 20:56

La prise en charge des sans-abri serait insuffisante en France, selon Médecins du Monde et l'Observatoire national du 115. Elle est pourtant présentée comme une priorité nationale. Peu portés par une action commune, les pays européens se contentent parfois d'une aide décentralisée.

L’aide aux sans-abri à la rue. Les centres d’hébergement seraient insuffisants et mal adaptés selon une enquête de Médecins du Monde publiée fin mars. Dans six villes françaises, la moitié des personnes signalées au 115 n’ont pas trouvé de logement, faute de places disponibles dans 32% des cas. "Promiscuité, séparation des couples et des familles, violences et vols, alcool, mauvaises expériences sont les principales raisons évoquées pour expliquer ce refus. Beaucoup préfèrent rester dans leur abri précaire plutôt que de se rendre dans des lieux inadaptés et perçus de manière très négative", d’après l’étude.

Un constat partagé par l’Observatoire national du 115. Dans une analyse diffusée le 20 avril dernier, il révèle un manque de prise en charge chez les moins de 25 ans en France.

Tous les jours, nous sommes contraints de laisser des jeunes femmes sans solution. Certaines de ces filles finissent par se prostituer pour se loger. Elles deviennent alors invisibles pour les services sociaux",

déplore Claude-Annick Café, responsable de la permanence sociale d’accueil (PSA) de Belleville à Paris, interviewée par le quotidien La Croix. Sur les 77 082 modes d’hébergement proposés aux jeunes, seuls 3% sont dotés d’un dispositif d’aide à la réinsertion sociale.

La question des sans domicile fixe est pourtant considérée comme une priorité nationale. Grâce au droit au logement opposable, toute personne sans réponse adaptée à sa demande d’hébergement, peut saisir une commission de médiation depuis 2008.

Au niveau européen, peu d’action commune, beaucoup de déclarations, comme celle du Parlement le 16 décembre dernier visant à "mettre un terme au sans-abrisme". Les projets sont souvent portés par les associations. "Hope in stations" réunit ainsi sept pays dans le but de faire des gares des lieux de services aux SDF et non plus des sites de marginalisation.

La Pologne et l'Angleterre engagées

La Pologne est sans doute un des pays les plus volontaristes. Certaines initiatives sont soutenues par les institutions européennes. Dans un rapport pour l’Agence nouvelle des solidarités actives publié en 2010, le sociologue Julien Damon analyse les différents programmes développés. Comme le Individual Programme for Escaping Homelessness incluant un contrat individuel de deux ans entre des travailleurs sociaux et des SDF ou le "Retour des sans-abri à la société", doté de plus de 1 million d’euros en 2008. Les autorités s’intéressent aussi au sort des Polonais sans domicile dans d’autres pays européens avec la question de leur retour.

L’Angleterre s’est également engagée dès les années 90 à réduire le nombre de SDF : en 1998, le gouvernement a promis de le diviser par 3. Un pari réussi et prolongé par l’ambition d’éradiquer totalement le sans-abrisme, notamment par des actions de prévention.

Un projet du conseil de Westminster a cependant été très critiqué. Des manifestants ont défilé le 20 mars dernier pour dénoncer une criminalisation des SDF. La mesure, abandonnée depuis, prévoyait d’interdire aux personnes de dormir dans la rue et aux associations de les aider.

Entre initiatives régionales et dérives

En Allemagne, la question des sans domicile fixe est laissée aux Länder et aux autorités locales. Au nom du maintien de l’ordre public dont elles sont responsables, ces dernières doivent empêcher quiconque de dormir dans la rue. Une mesure a priori répressive qui s’accompagne de l’obligation de proposer un accueil pour la nuit.

Lorsque la police enjoint à une personne sans-abri de ne pas stationner dans un endroit, elle doit lui faire une proposition d’hébergement",

explique l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL).

Certaines régions sont plus actives. La Rhénanie du Nord-Westphalie a ainsi mis en place en 1996 le programme "Prévenir l’exclusion liée au logement. Sécuriser le logement permanent". A Cologne, un organisme dédié au logement des personnes en grande difficulté sociale a été créé en 2001. Un service adapté à la situation personnelle de chacun. Les punks de passage dans la ville avec leurs chiens se voient par exemple réservés quelques lieux de vie. Des initiatives efficaces puisque le nombre de SDF est passé de 52 000 en 1997 à 14 000 dix ans plus tard dans le land.

L’Etat encourage l’action des associations. Les Eglises, qui touchent une partie de l’impôt payé par les Allemands croyants, doivent mener des activités d’intérêt général en contrepartie. Les Bahnhof missions viennent en aide aux sans-abri dans les gares. S’ils refusent d’être hébergés, ils peuvent être accueillis dans des cafés de nuit.

Les quelques dispositions fédérales donnent lieu à des dérives. Les SDF sans revenu propre, donc bénéficiaires d’allocations sociales, peuvent demander à L’Etat de payer leur loyer. L’assistance sociale le prend en charge jusqu’à un certain plafond. Les propriétaires en profitent pour louer des appartements insalubres à un prix nettement supérieur à celui du marché.

Pas de stratégie claire en Belgique

En Belgique aussi, la politique est décentralisée. Selon le rapport de Julien Damon, elle

propose toute sorte de services, mais sans véritable stratégie intégrée avec un objectif clair. Les controverses ressemblent aux polémiques françaises (mendicité, mobilier agressif, soupes identitaires, ouverture des métros, caractère seulement palliatif de l’urgence, etc.)."

Un Centre public d’action sociale (CPAS), présent dans toutes les villes, offre aux sans domicile fixe un revenu, une aide médicale ou du soutien dans divers domaines. Le secrétaire d’Etat à l’intégration sociale et à la lutte contre la pauvreté a lancé, fin mars, un appel à projets afin d’augmenter le nombre de logements d’urgence. 2,3 millions d’euros destinés aux CPAS pour des travaux de rénovation et de réhabilitation.

Les actions sont multiples, des accueils de jour au Samu social créé en 1999 à Bruxelles. Les agences immobilières à vocation sociale participent largement à l’accès au logement. En collaboration avec les associations et les CPAS, l’armée se mobilise également chaque hiver grâce aux plans "Défense d’avoir froid". Des lits sont proposés dans des casernes et les effets militaires en surplus sont distribués.

Autre façon plus décalée d’obtenir un hébergement, devenir miss SDF. La gagnante de 2010, Thérèse Van Belle, 58 ans, a ainsi décroché une année de logement gratuit et une aide pour trouver un emploi.

L'Eglise très présente en Espagne

Les sans-abri deviendraient presque eux aussi un sujet glamour en Espagne. L’émission de télé-réalité Invisibles, diffusée fin mars, suit le quotidien de cinq SDF un peu particuliers dans les rues de Madrid. Sofia, ex-miss Espagne, Miguel, journaliste star, une championne de ski, un homme d’affaires et un jet-setter ont été filmés pendant dix jours. Leur défi, se débrouiller seuls, sans leur confort habituel.

Au niveau politique, les aides sont très décentralisées et variables d’une région à l’autre. Madrid fait partie des villes les plus engagées avec son Samu social et ses campagnes hivernales contre le froid. Barcelone, plus sévère, interdit la mendicité. L’Eglise joue un rôle important dans la prise en charge des sans-abri, notamment dans les centres d’hébergement, refuge des migrants. D’après le rapport de Julien Damon,

90 % de ces places sont dévolues au moyen long terme et non à l’urgence (plus d’un mois). 47 % des personnes accueillies sont immigrées. Les deux tiers des centres sont implantés dans des villes de plus de 100 000 habitants. Un quart de ces centres sont possédés et gérés par le secteur public. En Galice, tous les services sont organisés et gérés par des associations et congrégations religieuses."

"Un Guide Michelin de la pauvreté"

Une Eglise également très impliquée en Italie. Les associations reprochent à l’Etat de ne pas mener de politiques d’envergure nationale. Le financement public est souvent assumé par les collectivités locales. Elles adoptent parfois des mesures répressives. Venise, Florence, et dans certains lieux publics, Assise et Vérone, n’autorisent pas la mendicité. Fouiller dans les poubelles a failli être interdit dans la capitale. L’objectif est de lutter contre les clandestins, en particulier les Roms.

Les initiatives sont majoritairement religieuses. Parmi elles, la communauté Saint Egidio. Elle a publié un "Guide Michelin de la pauvreté". Il recense les réfectoires, dortoirs et cellules d’écoute à Rome. Des cantines populaires accueillent les SDF.

Décentralisation, activisme associatif, déclarations d'intention. Au niveau européen, les SDF se retrouvent sans dispositions fixes.
 




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