Avec le mariage du prince William et de Catherine Middleton, la monarchie britannique et un pays tentent de retrouver un prestige perdu au fil des déchirements familliaux et des scandales. Le Commonwealth est mobilisé dans sa diversité. Une notion moderne dans un Royaume uni par des traditions séculaires.
En 1981, l’union du prince Charles et Diana Spencer glorifiait la monarchie britannique et réaffirmait sa légitimité nationale, celui de William et Catherine célèbrera un Royaume-Uni qui veut ressusiter, au moins le temps d'un cérémonie en grande pompe, son prestige d'antan. Cet événement n’appartient pas uniquement aux deux fiancés, mais au pays, au Commonwealth et au monde tout entier.
L'objectif de cette mondialisation est éminemment politique. En avant-premère de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, Londres et son mariage princier doit, ce vendredi 29 avril, focaliser l'attention des cinq continents, et la visite sous haute surveillance de tous les dirigeants des pays du Commonwealth permettra de faire perdurer le mythe d’un Royaume-Uni tout puissant. Comme si la deuxième guerre mondiale, la décolonisation et les crises industrielles n’avaient jamais eu lieu. Comme si Londres demeurait le centre du monde.
Le Commonwealth qui apporte néanmoins une touche de diversité très contemporaine.
La monarque gouverne quinze autres pays, avec des milliers de religions et ethnies différentes, grâce à quoi le Royaume Uni offre une vision de l’appartenance à la nation très ouverte, flexible et inclusive,
explique Tristram Hunt, professeur d’histoire à l’université londonienne Queen Mary et parlementaire travailliste. L’Angleterre reste ainsi louée à l’étranger pour son multiculturalisme, notion perçue comme éminemment moderne.
Rêves de grandeur
Réactualiser les rêves de grandeur en renouant avec la tradition des mariages princiers fastueux était un pari osé. Il est en passe d'être gagné. Seul ombre à ce merveilleux tableau, le Premier ministre David Cameron a également profité de cette opportunité pour lancer une immense opération de promotion touristique du Royaume. Une instrumentalisation de la famille royale qui n'est pas du meilleur goût .
Utiliser les monarques et ce mariage comme de simples outils de promotion politique, touristique et économique du pays c'est rabaisser la célébration au rang d’événement commun et ainsi de désacraliser officiellement les Windsor. Et ce n'est vraiment pas le moment pour eux, alors que "bon nombre de Britanniques ont aujourd'hui totalement démystifié la famille royale", confirme Chris Rojek, professeur de sociologie à l’université Brunel.
Humains, trop humains
Les déboires de Lady Di et du prince Charles, la publication de l’enregistrement des discussions téléphoniques entre ce dernier et Camilla Parker Bowles, les scandales financiers autour d’Andrew le duc d’York et de son ancienne épouse Sarah Ferguson, ont, en effet, déjà rabaissé les membres de la famille royale à l’état d’êtres tout simplement trop humains et pulsionnels avec leurs petites faiblesses et autres bassesses.
Ils ont ainsi, petit à petit, perdu de leur superbe. Mais est-ce un drame? Pour le professeur d’histoire de Cambridge Jonathan Parry, "la fascination pour les têtes couronnées est moins inspirée par un intérêt mystique que par un intérêt universel dans les histoires humaines. L’irrévérence a été aussi importante que la révérence pour garder la famille royale digne d’intérêt".
Un royaume pour quelques millions
Quoi qu'il en soit, le profil bas du prince Charles ces derniers temps, alors qu’il est le futur roi et le père du futur marié, n’est pas innocent. Il contraste avec la médiatisation outrancière de la nouvelle génération familiale qui vise, sans aucun doute, à redorer le blason des Windsor. William est d’ailleurs parfaitement désigné pour cette tache.
Son frère Henry et lui diffèrent du reste de leur famille: à la mort de leur mère, alors que l’aîné n’avait que 15 ans et son cadet 12 ans, ils avaient, en quelque sorte, été adoptés par les Anglais, outrés par le comportement considéré comme méprisable et inhumain de leur père.
Quatorze ans plus tard, ce sentiment de proximité n’a pas disparu. Et la reine en est bien consciente. Alors que David Cameron avait demandé que le mariage se conforme à l’austérité suivie par la nation, Elizabeth II a mis son veto: il faut au contraire un grand mariage ! L’enjeu sans précédent pour sa lignée ne pouvait être mis en péril pour quelques millions.