Contrairement à Ben Laden, Jean Jaurès est bien vivant. Il est même candidat aux présidentielles. Son secret de jouvence? Ses idées fortes sur l'Europe, les délocalisations, les retraites, l'immigration... Son porte-parole, Jean-Pierre Fourré, nous présente en exclusivité son programme.
En Europe comme ailleurs, dans chaque pays, quelques rares leaders politiques restent, au fil du temps, des références incontournables. L'Italie, pour le 150ème anniversaire de son unité, célèbre Garibaldi. En Angleterre, Churchill reste une valeur inusable. En Espagne, c'est Adolfo Suarez, l'homme de la transition démocratique après Franco, qui est aujourd'hui unanimement respecté. En Allemagne, surprise: ce n'est pas, Adenauer, mais Ludwig Erhard, le père du "miracle économique" de l'après-guerre qui a résisté à l'usure du temps.
En France, outre de Gaulle, Jean Jaurès, reste une figure de proue on ne peut plus légitime pour la gauche. La droite en est également friande, depuis que Nicolas Sarkozy l'a rajouté dans son corpus de citations à utiliser à petites doses. Et maintenant c'est Marine Le Pen, décidemment très œcuménique, qui l'adapte à sa sauce.
Même pas une ride!
Dans "Moi, Jaurès, candidat en 2012…", livre à paraître le 16 mai, l’ancien vice-président de l’Assemblée Nationale, Jean-Pierre Fourré a reconstitué, textes et citation originales à l'appui, quel serait le programme présidentiel de Jean Jaurès sur une trentaine de thèmes d’actualité. Le livre est par ailleurs doublé d'un site internet dédié. Myeurop présente son programme (vraiment) socialiste en exclusivité. Il n'a pas pris une ride.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait osé s'emparer de "l’héritage" de Jean Jaurès pour s'attribuer l'idée de réforme, renvoyant la gauche au conservatisme. Aujourd’hui, c’est Marine Le Pen qui l’enrôle dans une grotesque opération politicienne. "A celui qui n’a plus rien, la patrie est son seul bien, disait Jaurès en son temps, lui aussi trahi par la gauche du FMI", a-t-elle déclaré lors du dernier congrès du Front national. Citation fausse, mais peu importe ! A l’heure de la sur-médiatisation de la vie politique et des petites phrases, Jean Jaurès fait recette même à l’extrême droite.
Des propositions décapantes
En imaginant que Jaurès n'a pas été assassiné en 1914 par le nationaliste Raoul Villain, Jean-Pierre Fourré (*), ancien député socialiste de la Seine-et-Marne veut mettre fin aux références plus ou moins approximatives à Jean Jaurès tous azimuts. Et d’affirmer que, "à quelques mois de l'élection présidentielle de 2012 et alors que les candidats se préparent à présenter aux citoyens leurs propositions, Jean Jaurès aurait apporté une utile contribution aux débats".
Le fondateur de l’Humanité répond ainsi à une trentaine de thèmes d’actualité au travers d'extraits de nombreux articles, discours, livres, interventions à la Chambre des députés… Le résultat est décapant.
Extraits :
A propos de l’Europe, par exemple, Jean Jaurès estime que
dans une Europe qui va ainsi se démocratisant et où la force ouvrière et socialiste se développe, l’action de la France pourrait être grande si elle savait affirmer avec éclat un haut idéal de justice sociale et de paix internationale. Elle pourrait amener une détente de cette politique funeste des armements à outrance qui accable tous les pays".
Mais il s’oppose aussi aux délocalisations:
Ce que ne nous ne voulons pas, c’est que le capital international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas", s’exclame-t-il.
La retraite ? Jean Jaurès ne tergiverse pas. C'est un droit
à 60 ans, et non pas à 65" car "à l’heure où la force des travailleurs commence à fléchir, ils puissent se dire ceci : que s’ils sont, en effet, obligés de s’arrêter tout à fait, ils auront une retraite suffisante, ou que, s’ils ont seulement besoin de se ménager, de prendre quelques jours ou quelques semaines de relâche, afin de ne pas arriver à l’épuisement, ils le pourront grâce à leur retraite, sans s’infliger de trop dures privations. C’est dans cette pensée que nous demandons que l’âge de la retraite soit abaissé normalement à 60 ans, sauf à être abaissé davantage dans certaines industries, comme la verrerie, qui sont particulièrement épuisantes".
Et d’ajouter que "la contribution patronale est un élément nécessaire des retraites ouvrières et paysannes".
Concernant l'impôt, l'immortel Jean Jaurès candidat aux présidentielles de 2012 reste fidèle à son intervention devant la Chambre des députés, le 29 novembre 1904 en faveur de "l’impôt général et progressif" qui est, à ses yeux,
la formule fiscale de la démocratie républicaine". Mais attention, " l’impôt indirect, l’impôt de consommation, pèse sur la production même, sur le travail même, dans des proportions démesurées".
Et n’en déplaise à Marine Le Pen, Jean Jaurès martèle, à propos de l’immigration économique, que
(*) Jean Pierre Fourré, ingénieur, a exercé plusieurs mandats d’élu local et national. Il a été en 1985 vice-président de l’Assemblée Nationale. Après son passage à Témoignage Chrétien comme rédacteur en chef, il a occupé différents postes de dirigeant d’entreprises et créé les Editions de Matignon, du nom de son village natal en Bretagne. Il partage aujourd’hui son temps entre édition et théâtre amateur et interprète actuellement le rôle de Jaurès dans "La dernière journée de Jean Jaurès".l’ouvrier, quel que soit son pays d’origine, lorsqu’il est loin de sa patrie, de sa douce terre natale, se sentira uni dans le pays dans lequel il vit". Et s’oppose farouchement à toute forme de racisme: "Quelle que fût la race (…) quelle que fût la religion, la forme et la victime de l’oppression et de l’iniquité, nous avons protesté toujours, et voilà pourquoi, envers un juif comme envers tout autre, nous avons le droit de réclamer l’observation des garanties légales".
(**) Jean-Pierre Fourré présentera le livre "Moi, Jaurès, candidat en 2012… " mercredi 18 mai à 17:00 heures, à l’Assemblée Nationale (3 Rue Aristide Briand, Salle N°1)