Pas de stress, les tests sont sous contrôle
Les banques ont passé un nouveau stress-test à la demande de l'Autorité de supervision bancaire européenne. Un examen de santé qui ne prend pas en compte le risque de défaut de paiement de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande. Ceci pour ne pas affoler les marchés financiers.
Solidité éprouvée, mais pas trop. Quatre-vingt dix banques européennes ont été soumises à des "stress-tests" censés mesurer leur solidité financière, c’est-à-dire leur capacité à résister à un choc économique. Mais alors que la restructuration de la dette grecque se profile, les tests, réalisés par les banques elles-même et dont les résultats seront rendus publics en juin, n’ont toujours pas intégré dans leurs hypothèses la possibilité d’une défaillance d’un Etat souverain.
L’autorité européenne de supervision des banques (EBA) qui collecte ces tests, les avait présentés comme plus fiables et transparents. Cette négligence relance le débat sur leur crédibilité.
- Les tests sont fondés sur des hypothèses plus pessimistes quant à la conjoncture économique (-0,4 % de croissance dans la zone euro en 2011 ; 0 % en 2012).
- Les ratios de solvabilité sont plus stricts.
- En cas de choc économique, les banques doivent justifier d’un "matelas de sécurité" de 5 % de fonds propres, qui constituent la partie des capitaux qu’elles possèdent.
Les autorités monétaires veulent éviter la crise bancaire
Doit-on pour autant les stress-tests comme peu fiables ? Si l’on en croit Guillaume Sarrat de Tramezaigues, responsable du master Finance et Stratégie de Sciences Po, la question n'est pas là. "Le principe était d’éviter de générer une réaction de défiance liée à d’éventuels mauvais résultats de ces tests", explique l’économiste.
Envers la dette souveraine, d’abord. Alors qu’il est difficile de mesurer le degré du risque de défaillance d’un Etat, l’EBA n'a pas voulu prendre le risque de créer un "effet d’annonce". En intégrant l’hypothèse de défaillance d’un Etat, les autorités monétaires auraient donné un signal négatif aux acquéreurs d'obligations d'Etat, susceptible de rendre plus difficile encore le financement de la dette des Etats sous assistance : la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Irlande.
La réaction de défiance menacerait aussi les banques, en particulier les banques allemandes, moins solides, que l’EBA cherche donc à ménager.
Imaginons que les tests aient pris en compte le risque de défaillance, et que les résultats des tests soient mauvais, envisage Guillaume Sarrat de Tramezaigues. Le danger serait qu’elles n’arrivent plus à se financer sur le marché interbancaire.
Des banques à qui l’on refuse de prêter parce qu’on n’a pas confiance dans leur solidité. Une réaction en chaîne similaire avait engendré la crise bancaire en 2008.
Un nouvel instrument pour mesurer les risques
Les stress-tests version 2011 ont néanmoins établi une mesure de l'exposition des banques au risque souverain. Désormais, chaque banque est tenue de publier de manière détaillée le contenu du portefeuille de titres d'emprunts qu’elle détient dans les pays de la zone euro, par pays et par échéance.
"La publication de cette information permettra d'apprécier sereinement les risques de chaque établissement", se réjouit Jean-Louis Mullenbach, expert-comptable chez Bellot-Mullenbach et Associés. L’analyste estime que ces données permettront de calculer les pertes que les banques subiraient en cas de restructuration de la dette de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne, ou de l’Irlande.
Beaudoin Prot, le directeur général de BNP-Paribas a ainsi rendu public les résultats pour son groupe, mercredi 4 mai. L’exposition de son groupe aux trois pays les plus fragiles de la zone euro, la Grèce, l’Irlande et le Portugal, atteint 6,7 milliards d’euros. Une restructuration de la dette grecque d'une ampleur de 25 à 30 % entraînerait un coût d’environ 1,2 milliards d’euros pour la BNP. "Un impact tout à fait absorbable", juge M. Prot.
Avec ce nouvel instrument, chaque banque pourra ainsi anticiper les pertes qu’une restructuration ferait peser sur ses titres et s'en prémunir. Un mécanisme qui est appelé à fonctionner en tant de crise comme en temps de croissance. "C’est bien cela l’intérêt des tests, rappelle Jean-Louis Mullenbach : pousser les banques à augmenter leurs capitaux propres au-delà des exigences réglementaires."