Effectif des troupes engagées en Afghanistan
La traque d’Oussama Ben Laden est à l’origine de la guerre en Afghanistan. Avec sa mort, les demandes s'élèvent pour un retrait accéléré des troupes. C’est le cas aux Etats-Unis, mais aussi chez certains de leurs alliés européens. Les spécialistes estiment pourtant le calendrier de départ ne devrait pas être modifié.
Il n’y a jamais eu autant de soldats étrangers en Afghanistan: plus de 130 000 militaires y sont actuellement déployés. On y trouve également 270 000 policiers et soldats afghans, effectif qui devrait dépasser les 300 000 en octobre. En tête des effectifs dans le pays, et de loin, les Américains, avec 90 000 militaires. En Europe, c’est la Grande-Bretagne (9 500) qui domine le classement, suivie de l’Allemagne (4909), de la France (3979), de l’Italie (3815) et de l’Espagne (1500).
Répartition des troupes engagées sur le territoire afghan (commandements par pays et principales unités)
Un plan de transition qui prévoit de transférer graduellement la responsabilité aux forces de sécurité afghanes devrait commencer début juillet, pour un retrait des troupres internationales prévu à la fin de 2014, d’après le calendrier de l’International Security Assistance Force (ISAF) responsable pour l’OTAN des opérations sur place. Mais depuis que Ben Laden a été tué, l’opinion publique, déjà très critique face à cette guerre qualifiée de « bourbier », demande une accéleration du calendrier.
Juppé « n’exclut pas » un retrait anticipé
Le ministre des Affaires Etrangères français, Alain Juppé, interrogé mercredi par France 24 – au lendemain de sa rencontre avec le premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani -, a déclaré ne pas exclure un retrait des troupes françaises d’Afghanistan avant 2014.
C’est une des options à laquelle nous allons réfléchir. Les Américains y réfléchissent aussi d’ailleurs.
Le chef de la diplomatie française a néanmoins réaffirmé l’engagement français à « aider le gouvernement afghan à établir son autorité sur l’ensemble du territoire de l’Afghanistan et à assurer la paix et la démocratie à sa population ».
Devant la Commision parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense, il a précisé que l’engagement initial de la France (soutien aux Etats-Unis dans leur lutte contre les Talibans qui protégeaient Ben Laden) avait évolué en une mission de récupération du territoire et de restauration de l’état de droit en Afghanistan.
Alain Juppé a indiqué que cet objectif n’était pas encore atteint mais que la mort de Ben Laden apportait des espoirs de progrès. Le calendrier pourra être revu dans les prochains mois, dans un sens ou dans l’autre, en fonction de la situation.
L’OTAN dicte le calendrier
Pour Karim Pakzad, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste de la région, ces déclarations n’engagent à rien.
La France fait partie de l’alliance atlantique, et en ce sens elle devra suivre le calendrier établit par l’OTAN pour le retrait des troupes.
Même son de cloche du côté de David Martel, responsable Asie Central chez Thales.
Rien ne se fera si l’OTAN n’a pas donné son accord.
Concernant l’impact de la mort de Ben Laden sur les opérations en Afghanistan, M. Pakzad est sans appel.
Cela ne va absolument rien changer. Al Quaïda n’est plus présente en Afghanistan depuis longtemps. Tout l’enjeu consiste désormais à réussir à engager des négociations avec les Talibans.
Sur ce point, il est rejoint par la députée Françoise Hostalier, membre de la Commission de la Défense nationale et des forces armées et Vice-présidente du groupe d’amitié France-Afghanistan de l’Assemblée nationale.
La mort de Ben Laden ne modifie en rien la situation en Afghanistan. Cela fait plusieurs années qu’il n’y a plus de rapport entre Al Quaïda et les Talibans : ces derniers ne sont pas des terroristes, ils veulent instaurer un régime religieux intégriste en Afghanistan, avec toutes les conséquences que cela implique pour la population, et notamment les femmes.
En revanche, elle déclare avoir des craintes quant aux conséquences à court-terme de cet événement, dans la mesure où Al Quaïda a perdu son symbole. Aqmi [Al Qaida au Maghreb islamique] notamment, pourrait donner dans la surenchère d’actions revendiquées pour « prendre la relève« .
Bien plus en Occident que sur le territoire afghan, on peut aussi craindre, selon elle, les représailles de « fous » qui voudraient venger leur martyr et commettraient ainsi des attentats terroristes.
Cameron contre l’avis des Généraux
Le premier ministre britannique David Cameron, dont le pays est le principal allié des Etats-Unis sur le terrain, a indiqué à la presse que la mort du leader d’Al Quaïda représentait « clairement une avancée utile » pour la campagne militaire dans le pays. Tout en précisant que cela ne précipitera pas nécessairement le départ de la Grande Bretagne.
Cependant, les généraux de l’armée ont averti qu’un retrait hâtif des troupes pourrait mettre à mal les efforts importants déjà réalisés pour stabiliser le pays.
Contre l’avis des forces armées qui conseillent de ne pas rappeler de troupes avant 2012, Cameron avait indiqué qu’il voulait que les retraits commencent dès cette année. Il a souligné que la mort de Ben Laden devait être vue comme une opportunité de discussion avec les Talibans.
Pour les Espagnols, c’est la peur des représailles
En Espagne, José Luis Zapatero a exprimé mercredi 4 mai 2011, devant le Parlement, son soutien total à l’opération militaire américaine dans laquelle Ben Laden a été tué. Le porte-parole de la Gauche Unie (Izquierda Unida) Gaspard Llamazares a quant à lui dénoncé un « terrorisme d’Etat ».
Il ajoute qu’avec la mort de Ben Laden disparait le motif pour lequel les troupes étaient engagées et demande le retrait des unités espagnoles du pays.
Leur maintien est un non-sens […] après une décennie de recherches et de morts inutiles ».
Une source militaire espagnole a confié au Heraldo de Aragon que « les casernes espagnoles dans les provinces de Herat et Badghis est en état d’alerte« .
Les 1 500 soldats espagnols auraient mis en place des mesures drastiques d’auto-protection, a confirmé hier l’état-major de la Défense. Les troupes craignent une augmentation des attaques sur les bases ou les avant-postes situés dans la province de Badghis, à l’ouest du pays, notamment à cause des engins explosifs improvisés lancés sur les patrouilles, et de nouvelles formes d’activité de l’insurrection, ont dit les responsables militaires.
Réengagement récent de la Belgique
En Belgique, le débat sur le retrait des troupes est aussi relancé. Il y a plus d’un an (en mars 2010) le gouvernement belge, aujourd’hui démissionnaire, décidait de prolonger l’engagement des troupes en Afghanistan jusqu’à la fin de l’année 2011. Les associations opposées à l’engagement avaient alors dénoncé une décision unilatérale de l’exécutif, sans aucune consultation publique.
Avec plus de 500 hommes sur place, la mission des Belges est notamment de former l’armée afghane, mais aussi d’assurer la protection de l’aéroport et des missions F-16. La détermination de l’engagement belge a visiblement été renouvelé la semaine dernière avec la décision d’envoyer 28 instructeurs supplémentaires.
La très pacifiste opinion publique allemande
Avec la mort de Ben Laden, les objectifs de l’intervention en Afghanistan seraient atteints, affirme le député Vert Hans-Christian Ströbele qui s’est prononcé pour un retrait des troupes allemandes. Une position qui fait l’unanimité contre elle au sein de la classe politique. Et la direction du parti écologiste ne l’a pas reprise à son compte. Ni même pour l’instant Die Linke [à gauche du SPD] qui a pourtant toujours combattu cette guerre.
Les sociaux démocrates (SPD), les libéraux (FDP) comme les conservateurs ont à l’inverse rappelé que si la mort de Ben Laden est un succès dans la lutte contre le terrorisme, elle n’est pas à elle seule suffisante pour envisager un retrait des soldats allemands avant l’échéance prévue de 2014.
Notre tâche est d’épauler l’armée afghane jusqu’à ce qu’elle soit en mesure d’assurer la sécurité de son pays,
a expliqué Elke Hoff, expert des questions de défense du FDP, résumant bien le sentiment général.
Pourtant, en décembre dernier, un rapport émanant du gouvernement allemand se disait prêt à réduire d’ici fin 2011 ou début 2012 le nombre de soldats engagés en Afghanistan. Avec 4 900 soldats, c’est le troisième contingent en termes d’effectifs. Contre l’avis des dirigeants, la guerre se heurte en effet à une vive opposition de l’opinion publique en Allemagne.