Le Danemark veut rétablir "au plus vite" des contrôles à ses frontières intra-européennes avec l’Allemagne et la Suède. Au moment où les Accords de Schengen sont attaqués de toutes parts, cette décision souligne l'importance de l'extrême-droite dans le pays et la fragilité des acquis européens.
A la veille d’une réunion interétatique sur la réintroduction de contrôles temporaires aux frontières à l’intérieur de l’espace Schengen déclenchée par la polémique entre la France et l’Italie au sujet des immigrés tunisiens arrivés sur l’île de Lampedusa, Copenhague a devancé ses partenaires en annonçant le rétablissement de contrôles aux frontières d’ici à trois semaines.
Nous sommes parvenus à un accord pour réintroduire des contrôles douaniers aux frontières du Danemark le plus rapidement possible",
a déclaré le ministre des Finances danois, Claus Hjort Frederiksen.
Afficher Contrôle aux frontières danoises sur une carte plus grande – MyEurop
Tour de passe-passe
Réfutant toute sortie de l’espace Schengen, dont le pays est membre depuis 1996, le Danemark joue avec les accords pour pouvoir rétablir des contrôles. Il ne peut, en effet, pas y avoir de rétablissement "classique" de frontières, mais chaque pays est autorisé à effectuer des contrôles aléatoires par des douaniers, déployés eux en permanence sur l'espace frontalier.
Une nuance bien pratique que les Danois mettent en avant. Claus Hjort Frederiksen a ainsi insisté sur la compatibilité de la mesure avec le droit européen, la justifiant par une augmentation du crime organisé ces dernières années.
Au cours des dernières années, nous avons vu une augmentation du crime transfrontalier, et ceci est fait pour parer le problème. Nous allons construire de nouvelles installations à la frontière germano-danoise, avec de nouveaux équipements électroniques et des identifiants de plaques minéralogiques".
Victoire des xénophobes populistes
Derrière cette décision se cache en réalité le Parti du Peuple danois (PPD), formation d’extrême-droite du pays, dont la leader Pia Kjaersgaard a salué l’arrivée. "J'ai travaillé très dur pour ça", a-t-elle commenté. Alliée au gouvernement minoritaire libéral-conservateur, elle a pu, grâce à son rôle clé au Parlement, obtenir un net durcissement en matière d'immigration ces dernières années, avec une des législations les plus strictes d'Europe. Et cette ultime décision ultra sécuritaire serait un retour d’ascenseur du gouvernement pour les remercier de leur soutien à la récente réforme des retraites.
Un autre député du PPD, Peter Skaarup, a insisté sur le fait que des fonds devraient être débloqués pour donner les moyens aux policiers d’arrêter les personnes prises à la douane. Le coût de la mesure est pour l’instant estimé à 20,1 millions d’euros auxquels s’ajouteront chaque année 16 millions d’euros de fonctionnement.
Coup dur pour la libre-circulation
La décision intervient au moment même où la Commission européenne doit proposer, jeudi, aux ministres européens de l'Intérieur de nouvelles possibilités de réintroduction temporaire des contrôles aux frontières nationales au sein de la zone Schengen, à la demande notamment de Paris et de Rome.
D’après le journal danois Politiken, le PPD aurait aussi conclu un pacte avec le gouvernement pour le que le Danemark soutienne la demande de modification des Accords de Schengen soutenue par la France et l’Italie.
Cette décision n'annonce rien de bon pour le futur de la libre-circulation, pourant l'une des plus belles réalisations de l'Union européenne de ces dernières années.