Schengen ne fait plus rêver la Bulgarie
La Bulgarie ne semble plus tellement impatiente d’ouvrir ses frontières. Sofia snobe Schengen, par crainte d’un afflux d’immigrés.
Schengen est une très belle réalisation pour la mobilité des citoyens de l'Union européenne, mais cet accord peut avoir certaines faiblesses car il s'est basé sur la confiance,
affirmait Cecilia Malmström, commissaire à l’immigration, la semaine dernière. Quand la confiance est là, Schengen s’ouvre. Comme la confiance a disparu, personne n’en veut plus. A l’intérieur, comme à l’extérieur.
Jeudi 12 mai, le Conseil européen était réuni à Bruxelles pour discuter du projet de la Commission proposant de rétablir un contrôle aux frontières. Deux semaines après la lettre conjointe de Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi, l’Europe sans frontières marque donc le pas.
"Pas plus mal que nous ne soyons pas dans Schengen"
Au moment où certains pays renforcent les contrôles à leurs frontières et où l'Europe est menacée par une vague d'immigrés, nous avons intérêt à ce que notre adhésion à l'espace Schengen se fasse pas à pas, parce que nous aurons de plus grandes responsabilités,
a clamé la commissaire européenne Kristalina Guéorguiéva dans la presse bulgare, le 9 mai. La morosité ambiante atteint les candidats déçus à l'intégration. Dès février, le Premier ministre bulgare, Boïko Borissov, avait redouté l’arrivée de migrants à destination de "la riche Europe", déclarant envisager la fermeture de la frontière avec la Turquie.
La commissaire bulgare poursuit son élan solitaire :
En tant que pays membre de Schengen, nous aurions pour obligation d'accueillir et de prendre en charge ces personnes. Et je dirais que, finalement, ce n'est pas plus mal que nous ne soyons pas dans Schengen aujourd'hui.
"Forteresse"
Cecilia Malmström avait appelé à ne pas faire de Schengen une "forteresse". Pourtant, craignant de se trouver pris d’assaut à ses frontières, les pays membres semblent bien se recroqueviller sur leur vieille Europe. Ils renoncent aux ambitions généreuses de Schengen et découragent les prétendants, qui en avaient pourtant fait leur priorité en 2011.
En janvier, l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, prévues pour fin mars, a été reportée sine die. Selon les experts des Etats membres, dont la France et l’Allemagne ont pris la tête, l’entrée des deux Etats les plus à l’est de l’Union européenne était "prématurée".
Les experts mettent en cause la fébrilité de leurs frontières, qui ne présentent pas de garanties suffisantes dans la lutte contre l’immigration clandestine et la criminalité organisée. Car la forteresse Schengen repose aussi sur un renforcement des contrôles à l’extérieur. Europol a d’ailleurs confirmé la semaine dernière que le sud-Est de l’Europe était en effet la porte d’entrée la plus prisée.
Suspicion
Mercredi 11 mai, lors d’une visite à Bucarest, le ministre des Affaires étrangères néerlandais Ben Knapen a renouvelé son scepticisme quant aux progrès de la Roumanie dans la lutte contre la criminalité.
Les députés européens doivent se prononcer le 9 et 10 juin sur l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Mais si la commission des libertés civiles a émis un avis favorable à leur intégration, elle aussi pointe du doigt le contrôle aux frontières, particulièrement la surveillance aérienne entre Bulgarie et la Turquie.
A l’intérieur de Schengen, l’afflux de migrants issus des pays arabes en révolution a poussé les signataires de l’accord à remettre en cause les fondamentaux de l’accord.
L’espace Schengen, créé en 1985, repose sur le principe de libre circulation des personnes : tout individu, ressortissant de l’Union européenne ou d’un pays tiers, une fois entré dans l’espace Schengen par l’un des pays membres, peut franchir la frontière des autres pays sans subir de contrôle.
Contrôle à la frontière
Jusqu’à présent, les pays peuvent rétablir le contrôle aux frontières, après concertation avec les autres pays membres, dans deux cas :
- En cas de menace grave pour l’ordre public.
- Lorsqu’il est porté atteinte à la sécurité intérieure.
Le projet, s’il est adopté lors du sommet des chefs d’Etats et de gouvernements européens, le 24 juin prochain, ajoutera deux "circonstances exceptionnelles" où les contrôles pourront être rétablis de manière "temporaire" :
- La "défaillance" d’un Etat aux limites de l’espace, qui ne parviendrait pas à contrôler efficacement ses frontières.
- Une "pression migratoire extraordinaire".