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DSK: les Européens tirent un trait

dimanche, 15 mai, 2011 - 21:39

Partout en Europe, on ne parle de Dominique Strauss-Kahn qu'au passé et sans indulgence. Les Européens les plus sévères à l'encontre du patron du FMI sont ceux dont le pays a été contraints de faire appel aux subsides du Fonds monétaire.

Le patron du FMI ne bénéficie pas de la moindre indulgence en Europe. Faisant fi de la "présomption d'innocence" qui devrait, à tout le moins, inciter à la prudence et à la réserve, politiques et journalistes européens ont, comme la presse américaine, immédiatement après l'annonce par la police new-yorkaise de son inculpation pour "agression sexuelle, séquestration de personne et tentative de viol", parlé de Dominique Strauss-Kahn au passé.

Il était devenu instantanément has been: inexorablement contraint à quitter son poste à la tête du FMI et condamné à oublier ses ambitions présidentielles.

Certains regrettent ce "grand gâchis" du fait de son incapacité à dominer ses pulsions sexuelles. En outre, qu'il soit réel ou supposé, ce scandale est bien intervenu dans une suite à 3000 $: en Grèce ou au Portugal, pays frappés par l'austérité, c'est au mieux de l'inconscience, au pire une inacceptable déconnexion de la réalité quand on dirige une institution internationale qui demande au plus grand nombre de se serrer la ceinture de plusieurs crans.

Allemagne: l'effet d'une bombe

Outre-Rhin, l'inculpation du directeur du Fonds monétaire international était, dès dimanche matin, en "une" des versions online des principaux quotidiens d'information, même si les articles rappelaient que le décalage horaire avec les Etats-Unis et le fait que l'arrestation ait eu lieu un jour férié rendaient difficile d'obtenir des témoignages directs. Les journalistes reprenaient donc les informations du Washington Post, et du New York Times.

Si la prudence était encore de mise, les chefs d'inculpations ont fait l'effet d'une bombe: tentative de viol, agression sexuelle et séquestration cela fait beaucoup pour un seul homme, surtout quand cet homme est le plus grand argentier de la planète.

Dominique Strauss-Kahn était attendu aujourd’hui à Berlin pour discuter de la crise monétaire en Grèce avec la Chancelière. Sa présence était considérée comme un indice de la gravité de la situation de l'Etat grec, au bord de la banqueroute. Les articles mentionnent tous que DSK était le candidat le plus haut dans les sondages pour les primaires du parti socialiste, mais, ce n'est pas, vu d'Allemagne, l'essentiel.

La TAZ (gauche), cite l'économiste Eswar Shanker Prasad, qui déclare dans le Wall Street Journal, "de quelle que soit la manière dont se conclut cette sale histoire, c'est la fin de Strauss-Kahn comme leader fort du FMI, même s'il en reste le chef, ce qui est très invraisemblable". Seule la Taz reprend, sans vraiment sembler y croire, l'hypothèse d'un piège de campagne.

"Chaud lapin" pour les Italiens

La presse italienne prend moins de précautions que la presse française sur la culpabilité du directeur du FMI. "Chaud lapin", "malade sexuel", les quotidiens italiens reviennent sur les différentes affaires pour lesquelles il a déjà été impliqué.

Les journaux rapportent les réactions outrées des journaux américains qui ont "jeté en [DSK] en pature en première page" (Il fatto quotidiano). Le correspondant à Paris du Corriere della Sera rappelle les frasques d'un homme malade: "De Tristane à Carmen, Chronique d'une obsession" et cite par exemple Ardisson qui déclarait en 2008 "qu'il avait au moins 14 amies qui [avaient] été assaillies par DSK". Il rappelle que parler de "DSK et les femmes, c'est comme parler de Keith Richards et de la drogue ou de Charles Bukowski et de l'alcool".

La Repubblica dresse également un portait qui ne laisse pas d'espace au doute: l'article intitulé "Un puissant obsédé par les femmes" revient sur une maladie "que tout le monde connaissait". Le quotidien juge que cette arrestation signe évidemment un "adieu définitif à la campagne présidentielle", citant néanmoins Henri de Raincourt, le ministre français de la Coopération selon lequel, "le piège, on ne peut pas ne pas y penser".

Grèce: pas de pitié

Le gouvernement grec est inquiet des conséquences de l'affaire DSK mais pas les Grecs! Les sites internet se défoulent: "Le problème de Dominique c'est qu'il veut être payé par les call girls", ou encore : "il est peut-être excité par les menottes!". "Ce chef des voleurs pris la main dans le sac" etc….

Pourtant, l'inculpation de DSK à New York tombe au mauvais moment pour le pays. Le patron du FMI, lors de son arrestation, partait pour Berlin. Pour tenter de convaincre Angela Merkel de participer au deuxième plan d’aide de l’UE à la Grèce, à la veille d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles. Il devait également prononcer un discours très attendu sur la crise financière mercredi au 12e Forum économique de Bruxelles organisé par la Commission européenne.

Portugal: circonspection et inquiétude

Les Portugais sont circonspects et plutôt réservés. La plupart des journaux ont éviodemment titré sur l’inculpation du patron du FMI, mais de manière plutôt laconique, avec une large place pour les photos. Les images ne sont pas flatteuses, on y voit un Dominique Strauss-Kahn le visage fermé, buté, faisant la moue (cette dernière expression lui étant, il est vrai, assez coutumière).
Les responsables politiques esquivent le sujet. Le Portugal est en pré campagne électorale- elle commencera officiellement le 22 mai- pour les législatives anticipées du 5 juin prochain. Le parti communiste et le boc de gauche (extrême gauche) sont opposés à la présence du FMI- et de l’Union Européenne au Portugal qui a sollicité l’aide financière.
La circonspection face à l’affaire DSK est mâtinée d’inquiétude. En effet, c’est ce lundi 16 mai que les ministres des finances de l’UE (Ecofin) et le FMI décident du montant de la première tranche de l’aide de 78 milliards d’euros attribuée au Portugal. La coïncidence des faits est soulignée par les Portugais qui constatent que le Portugal, tout comme la Grèce, sont presque devenus des sujets "collatéraux" à Bruxelles du fait de l'inculpation de DSK, alors que l’Ecofin était destiné à faire le point sur la dette d’Athènes et le sauvetage de Lisbonne.

La décision de l’UE est attendue avec un peu d’appréhension : c’est aujourd’hui que doit être annoncée le taux de remboursement de la première tranche de l’aide, autrement dit le niveau de sacrifice demandé aux Portugais, riches ou pauvres, pour la rembourser.

Belgique: "l'image de la France ternie"

DSK, "c’est fini". Sa campagne s’est brutalement achevée avant même d’avoir démarré. Pour Joëlle Meskens, correspondante à Paris du quotidien belge, Le Soir, "quelles que soient les conclusions de l’enquête américaine, Dominique Strauss-Kahn sera bien trop affaibli dans toutes les hypothèses pour donner encore à son camp l’espoir de le conduire vers la victoire (…) Nicolas Sarkozy perd peut-être l’un de ses adversaires les plus redoutés, celui qui pouvait mordre sur l’électorat du centre droit. Mais on se rappellera que c’est le chef de l’Etat français qui a propulsé DSK à la tête du FMI. L’affaire qui éclate aujourd’hui ternira l’image de la France sur la scène internationale et affaiblira indirectement son président".

Espagne: un "électrochoc"

En Espagne, on évoque l'émotion de la classe politique française. RNE parle d'"électrochoc". Les politiques français seraient "abasourdis" par la gravité de l'accusation. Et de rappeler la situation de favori de Strauss-Kahn aux présidentielles de 2012…jusqu'à ce matin.

Irlande: "nécrologie politique"

En Irlande, la vidéo de la sortie de DSK menottes au poignets fait la Une de tous les sites Internet et des quotidiens nationaux, qui se sont presque tous essayés à la "nécrologie politique" de Dominique Strauss-Kahn. L'affaire d'abus de pouvoir présumé sur une de ses assistantes (en 2008) y est particulièrement mise en avant, histoire de montrer que malgré son poste et le choc provoqué par cette annonce, l'homme politique français n'est pas étranger aux polémiques.

Plus que les réactions des hommes politiques irlandais, plutôt silencieux sur le sujet, c'est l'étonnement des politiciens français qui est reporté dans les colonnes de l'Irish Times.

L'inculpation de DSK aura-t-elle une influence sur le plan de sauvetage dont bénéficie le pays, qui devait justement renégocier cette semaine les taux d'intérêt du prêt conjoint de l'UE et du FMI (85 milliards d'euros au total)? Pour l'Irish Times, le renflouement des caisses des pays européens continuera inexorablement avec ou sans le patron du FMI. D'autres quotidiens, comme l'Irish Independent, considèrent au contraire que l'absence de DSK au FMI est un contretemps dommageable pour le pays.

(Article mis à jour le 17 mai 2011, 12h15)


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