Héritage inestimable du patrimoine naturel européen, la forêt de Bialowieza, aux confins de la Pologne et de la Biélorussie, est vieille de plusieurs millénaires, et encore presque intacte. L’année 2011, décrétée année des Forêt par l’ONU, sera décisive pour l’avenir de sa conservation.
Il y a très longtemps, après la dernière période glaciaire, il y a environ 10 000 ans, une épaisse forêt recouvrait la grande plaine européenne de l’Oural jusqu’aux Pyrénées. Aujourd’hui, on a du mal à croire que nos forêts, toutes proprettes et bien agencées, furent un jour parties d’un vaste massif primaire comme on n’en voit plus que dans le Seigneur des Anneaux.
Pourtant, il reste bien quelques rares coins dans notre vieille Europe où cet océan vert a été épargné par la main humaine. L’un d’eux se situe à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, à environ 200 kilomètres de Varsovie.
Un voyage dans le temps
Pénétrer la forêt de Bialowieza est comme un voyage dans le temps. Un retour dans un passé oublié autant qu'un passage vers un futur imaginaire mais plausible, où la faune et la flore auraient repris le dessus sur l’homme. Ici, des chênes et des bouleaux centenaires s’enlacent et se balaient ; et les rayons du soleil se faufilent entre leurs branches comme pour arroser les buissons, les bois morts et les champignons d’une lumière gracieuse.
Seule la nature à l’état sauvage peut engendrer ce paradoxe extraordinaire entre une grande confusion, un désordre énigmatique, et un calme inaltérable, une sérénité prodigieuse. L’ONU déclare 2011 l’année des forêts, l’occasion de multiplier les efforts pour garantir la préservation de Bialowieza.
Les derniers bisons sauvages d'Europe
Cette forêt figure sur la liste des sites du Patrimoine mondial de l’Humanité de l’Unesco depuis les années 1970. Elle est également classée "Réserve de la Biosphère". C’est en effet l’une des zones de plus forte biodiversité en Europe.
En s’y promenant, on peut rencontrer des cerfs, des biches, des élans, des loups, des aigles et même des bisons sauvages d’Europe, rescapés de la préhistoire et sauvés in extremis de l’extinction au début de ce siècle.
Le plus grand mammifère terrestre de notre continent, chassé de ses terres par les défrichements successifs à partir du Moyen Âge, aurait disparu si cette région n’avait été, depuis le 14ème siècle, un domaine de chasse réservé aux rois de Pologne et de Lituanie. La forêt est ensuite devenue la propriété privée des tsars russes, puis de l’élite militaire de l’Allemagne nazie.
Forêt primaire mais forêt vivante
Adam Bohdan, un biologiste polonais, a découvert de nouvelles espèces de lichens dans les bois de Bialowieza. "On croyait pourtant avoir déjà tout classifié en Europe", insiste-t-il fièrement. L’intérêt écologique et scientifique de Bialowieza est dû à son caractère sauvage.
Des centaines d’espèces végétales et animales ont disparu du continent car les forêts sont strictement gérées par l’homme. Les arbres sont coupés, les troncs échoués sont déblayés, les espèces plantées sont soigneusement sélectionnées. La nature n’est plus du tout à l’œuvre. Pour moi, ces forêts sont stériles. Les arbres morts participent activement à la vie de la forêt,
poursuit le biologiste. "Ils servent de refuge aux insectes et aux mammifères, ils protègent les nouvelles pousses du vent et des sangliers ; ils permettent le développement des champignons, etc. Une forêt sans bois-mort, c’est la mort d’une forêt…"
Protéger toute la forêt
Adam Bohdan, à l’instar d’autres scientifiques et militants écologistes, fait pression sur le gouvernement polonais pour que Bialowieza soit mieux conservée. Depuis les années 1970, la forêt est divisée en trois zones plus ou moins protégées.
Dans la première, la plus étendue, la chasse et la coupe de bois sont autorisées. Dans les deux autres, certaines activités humaines comme la cueillette des champignons sont autorisées. Seule 5000 hectares, un timbre poste à l’échelle de toute la forêt, sont abandonnés à la seule action de la nature.
Par ailleurs, une grille à haute tension divise la forêt en deux, marquant la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Cette barrière est un obstacle infranchissable pour certains gros mammifères comme les bisons ou les loups. Toutefois, elle délimite l’UE, impensable de l’abolir.
L'arbre qui mesque la forêt
Les écologistes exigent que le gouvernement de Varsovie établisse un parc national s’étendant sur toute la superficie de la forêt du côté polonais. "Bialowieza fait partie des sites Natura 2000 de l’UE, elle doit être davantage protégée !", s’exclame Adam Bohdan. Mais les habitants du village de Bialowieza s’y refusent. Ils y perdraient les avantages économiques liés à l’exploitation du bois et à la chasse. Aussi, ils considèrent que la gestion de cette forêt leur a été
Greenpeace Pologne a lancé une campagne nationale pour sensibiliser le pays à la problématique de Bialowieza. Plusieurs centaines de milliers de signatures ont été récoltées en faveur d’un élargissement du parc national. Pourtant, la situation demeure inchangée. Les chênes multiséculaires attendront bien encore quelques années…