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Mouvement 15-M: A Barcelone, le foot avant la révolution

vendredi, 27 mai, 2011 - 17:50

"Nettoyer la place". C'est pour cette raison que les Indignés barcelonais ont été délogés manu militari de la Place de Catalogne où ils campaient depuis plus de 10 jours vendredi matin. Les 350 Mossos (CRS) aidés de 80 policiers n'ont pas été tendres avec les manifestants. La raison de cet affrontement? La possible victoire du Barça demain soir rendait le nettoyage de la place "obligatoire" ... Jeudi, notre correspondant passait la nuit sur la place. Récit d'une nuit "révolutionnaire". 

C'est fini, les Barcelonais n'ont plus de camp sur la Place de Catalogne. Dans une conférence de presse retransmise sur la RTVE vendredi soir, Felip Puig, le "ministre de l'intérieur" de la Généralité de Catalogne a expliqué avoir pris la décision en raison des risques d'hygiène que le campement entrainait. Puis d'ajouter que la possible victoire de Barcelone à la Ligue des Champions samedi soir rendait nécessaire l'évacuation de la Place, lieu de rassemblement des supporters lors des victoires du Barça. Le foot avant la révolution ! 

Les manifestants délogés de la Place de Catalogne le 27 mai 

Mercredi, notre correspondant a passé la nuit dans ce campement atypique, au milieu de révolutionnaires bien organisés et décidés à ne pas transformer la Place en dépotoir géant. 

Barcelona by night: une nuit avec les Indignés de Catalogne

21h30 – Je pose mon sac de couchage avec "les Indignés"de Barcelone embarqués pour certains depuis le 15 mai dans cette révolution aussi atypique que moderne. Sur la place, connectée en direct par Internet avec Madrid, plusieurs milliers de personnes, révolutionnaires convaincus, curieux, déçus de la classe politique espagnole ou simples touristes égarés passent chaque jour. Les visages fatigués de ces militants de la reconstruction de l'image du politique en Espagne, traduisent la malaise ambiant dans le pays. 

Sur une banderolle, le mot PIGS (Portugal-Irlande-Grèce-Spain) caractérise les "mauvais de l’Europe" fait sourire Marc, 29 ans étudiant en philosophie des sciences à l'Universitat Autonoma de Barcelona. C’est la première nuit qu’il passe ici, 10 jours après le début du mouvement "Democracia real ya". Il nous confie que c'est important d'être présent, même si c’est une seule nuit. Carlos, étudiant en médecine, dit "soutenir le mouvement à 100%" mais il ne reste pas la nuit et avoue ne pas être très actif.

22h00 – Après une journée chaude, la nuit tombe. Cette place où démarre les Ramblas, haut lieu touristique de la ville, est à l'image de la Catalogne florissante où touristes anglais, français, italiens, américains se croisent dans un flot incessant. Au premier coup d’œil le symbole parait fort.

En tournant la tête, on peut voir les grandes enseignes de l’économie espagnole et européenne s'afficher fièrement sur les façades des immeubles. Au cœur de ce rond point, une vingtaine de stands avec chacun une fonction précise. Aux différentes entrées, un plan indique chaque pôle ou commission pour que chacun puisse aller rapidement chercher l'information qu'il veut ou aider à l’organisation.

22h30 – Tous sont à l'heure pour suivre le programme annoncé en ligne sur facebook, twitter ou le site officiel "acampabcn". L'assemblée générale quotidienne commence. Les représentants de la quinzaine de commissions enchaînent les compte-rendus de travail de la journée, annoncent les évènements prévus et confient leurs sentiments sur l'évolution de ce mouvement "unique". Depuis le 15 mai, ces rendez-vous rassemblent chaque soir toutes les générations d’Espagnols dans un tour de parole où chacun peut s'exprimer. Et tous y vont de bon cœur. Derrière une logistique technique bien développée – micro, retransmission vidéo, cuisine, garderie, bibliothèque, un jardin bio à la place des habituelles fleurs – le campement forme un véritable village dans la ville.

23h30 – Une voie venue de Madrid résonne sur la Plaça Catalunya de Barcelone. "Hola Barcelona" fait réagir la foule. La visioconférence avec la Puerta del Sol en grève suspend l'assemblée générale. Avant-hier Montréal, hier Lisbonne, demain une autre. Ils sont 2 000 à venir écouter et pour certains à dormir ici.

Après minuit– L'ambiance festive et engagée de la foule ne doit pas éclipser le sérieux de ce qui se passe ici. Dans la presse du monde entier que l'on peut feuilleter au "kiosque international", il est répété que ce n'est pas un "botellon" (soirée sur les places où les jeunes se réunissent pour boire). Pourtant, il n'y a pas de groupe de sécurité bien défini. Au cœur de la nuit un bénévole de la cuisine calme deux hommes saouls qui se sont installés pour boire et dérangent les dormeurs. Pour autant, rien n’est interdit. Quelques personnes boivent des bières, fument un joint avant de dormir.

"Il est 6h, on se détend un peu",

dit Rosa, une italienne vivant a Barcelone depuis 5 ans en recherche de travail depuis peu.

6h00 – C'est l'heure d'un bilan pour ceux qui vont dormir chez eux après plusieurs nuits ici. Jean-François, la trentaine, belge, membre de la "Commission internationale", avoue que ce mouvement a-partisan et anti-syndicats commence à ressembler à une "plate-forme pour la création d'un programme politique alternatif". Pour lui, ce lieu est un carrefour de mouvements.

où plusieurs mouvances, parfois opposées, se rencontrent, débattent et essayent de créer une alternative en proposant de nouveaux moyens pour créer une démocratie plus juste".

A l'image de la place Tahir du Caire,  souvent prise en exemple, le lieu n'a pas vocation à être occupé indéfiniment, c'est, avant tout, un espace de rencontres. Dans le monde occidental où le virtuel prend aujourd'hui de plus en plus le pas sur le physique, ces lieux "révolutionnaires" ont fonction à faire revenir à la "réalité" du lien social.

7h30 – Le soleil qui éclaire déjà le campement réveille les premiers artisans de ce think tank urbain. La cuisine s'active pour préparer le petit déjeuner, la radio commence à préparer les émissions du jour diffusées en direct de la place, les dormeurs ouvrent timidement les yeux. La vie reprend son cours.

Cette nuit nous étions entre 150 et 200 à dormir sur des matelas ou directement sur le marbre du sol de la place pour les plus mal équipés comme moi. La révolution, ça fait mal au dos.




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