En Angleterre, twitter peut être puni par la loi
75 000 utilisateurs de Twitter sont poursuivis en justice par un footballeur de Manchester United pour être passé outre une décision de justice à son égard. La question du respect de la vie privée revient sur le devant de la scène : les écrits sur Twitter doivent-ils être considérés comme relevant du domaine public?
Twitter et le footballeur de Manchester United Ryan Giggs, qui joue la finale de la Ligue des Champions samedi soir, sont dans la tourmente. A l’origine de cette étonnante association, la volonté du tabloïd britannique The Sun de dévoiler la relation extraconjugale du footballeur gallois avec Imogen Thomas, une ancienne miss Pays de Galles et starlette de la télévision.
Scandales et tabloids
Ayant eu vent le mois dernier de l’éminence de la publication, le footballeur obtient une injonction de la justice anglaise qui interdit au quotidien populiste de citer son nom. Le procédé est largement utilisé par les personnalités britanniques pour protéger leur vie privée des assauts de la presse à scandale. Il faut néanmoins que leurs motivations soient strictement personnelles : le footballeur de Chelsea s’était vu refusé cette possibilité l’an dernier par la justice, qui avait conclu qu’il cherchait plus à protéger ses contrats publicitaires (donc son image publique) que sa famille (sa vie privée).
Espace public ?
L’affaire s’ébranle pourtant le 8 mai. Un utilisateur du réseau social virtuel Twitter dévoile les noms de plusieurs personnalités britanniques ayant obtenues l’interdiction de la presse de parler de leur cas. L’information se répand sur tout le réseau et bientôt 75 000 utilisateurs font écho de ces cas, dont celui de Ryan Giggs. Le débat est lancé : y sont-ils autorisés alors que la justice a interdit la publication de leurs noms dans la presse ? Twitter est-il considéré comme un lieu d’expression personnelle ou publique ? La justice anglaise semble plutôt pencher en faveur de la seconde option : l’an dernier, un Britannique avait été arrêté par la police après avoir clamé sur Twitter qu’il allait faire exploser un aéroport du pays suite à sa fermeture, qui l’empêchait de rejoindre sa petite amie.
Politiquement incorrect
Les échanges se poursuivent mais la justice continue de se tenir du côté de Ryan Giggs et refuse de nouveau la demande du Sun de publier son histoire. Finalement, le week-end dernier, le Sunday Herald écossais choisit de dépasser les débats et cite le nom du footballeur, arguant que la décision de justice ne concerne que l’Angleterre, pas l’Ecosse. Cerise sur le gâteau : mardi, un parlementaire libéral-démocrate dévoile à nouveau son nom en pleine séance parlementaire. Les barrières sont enfoncées et, très hypocritement, l’ensemble de la presse britannique raconte l’épisode, ce qui lui permet de nommer à son tour le footballeur.
Ryan Giggs contre 75 000 personnes
De nombreuses voix s’élèvent alors contre cette presse britannique qui ne respecte les décisions de justice que lorsqu’elles tournent en sa faveur, au nom de la sacro-sainte liberté de la presse. Les politiques se lâchent contre leur collègue et le critiquent pour avoir profité de son immunité parlementaire (un parlementaire ne peut en effet être poursuivi pour ses déclarations et actes en séance parlementaire) pour s’être fait mousser.
Cet homme politique peu délicat est pourtant le seul à disposer d’une telle protection et Ryan Giggs en est bien conscient : il porte plainte contre Twitter et ses utilisateurs indiscrets, et demande à la firme américaine de lui livrer le nom des 75 000 "twittos" (utilisateurs de Twitter) ayant rompu l’injonction judiciaire. Le vieil adage "l'union fait la force" pourrait bien être démenti car l’affaire est assurément loin d’être terminée…