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Le Portugal reçoit son chèque avant de voter

mardi, 31 mai, 2011 - 16:03

L’aide européenne promise arrive au Portugal à la veille des élections. Une bouffée d’air qui permettra au pays d’honorer une partie de sa dette. Le scrutin est boudé par une grande partie des Portugais, notamment les plus jeunes.

"Moi de toutes façons que ce soit la droite ou la gauche, ce que je vois c’est que je n’ai pas de travail. Et que je n’en trouverai pas de sitôt". Armando a 28 ans et la boutique d’horlogerie où il travaillait a fermé. Dans un pays où pendant longtemps l’emploi a été garanti à vie, certains découvrent avec stupéfaction qu’ils ne sont pas indispensables, mais"dispensables" de travail. Le chômage atteint 12,6 % de la population active, alors que le taux- alors déjà considéré comme important- était de 7 % en 2007.

Désormais, un bon tiers des demandeurs d’emploi sont des jeunes diplômés, victimes d’un processus d’érosion économique et social accéléré entamé il y a trois ans. Depuis 2008, la crise a pris différents noms:, "subprimes", "prix du pétrole", "dette", "sauvetage", "baisse des salaires"… Une fuite en avant pour le gouvernement Socrates contraint à 3 plans de rigueur en deux ans pour empêcher la dérive totale de l’économie portugaise.

Droite ou gauche, il faudra payer la facture

Respectant sa parole, le chef du gouvernement socialiste a finalement démissionné faute d'avoir pu mettre en oeuvre un nouveau plan pour contraindre les Portugais à se serrer encore un peu plus la ceinture. Dimanche 5 juin les Portugais vont donc aller voter…ou plutôt, risquent de ne pas aller voter. Comme Armando, beaucoup considèrent que les jeux sont faits: droite, gauche, ou coalition, il faudra payer la facture. Personne ne prête 78 milliards d’euros sans exiger que tout soit remboursé rubis sur l’ongle, vite et avec de confortables intérêts.

Le chéque de l’Union Européenne reçu cette semaine s’ajoute celui de 6 milliards d’euros fait par le FMI il y a huit jours : en tout 12 milliards d’euros (50 % FMI, 50% Mécanisme européen de stabilisation financière) dont disposera le Portugal pour honorer une partie de sa dette au 15 juin. Le reste sera attribué aux banques pour leur permettre de se financer sur les marchés internationaux.

La bouffée d’air frais que constitue cette manne ne devrait pas peser directement sur l’élection législative du 5 juin. Le calendrier est parfaitement respecté, et la "troika" de l’aide internationale (BCE, Commission européenne et FMI) va exiger que le "mémorandum d’entente" signé par Lisbonne en contrepartie des 78 milliards d’euros concédés commence à être appliqué rapidement.

Eviter un scénario à la grecque

"Le prochain gouvernement n’aura même pas le temps de s’installer" a commenté António Teixeira dos Santos, le ministre des Finances sortant. Le ballet des experts a d’ailleurs déjà commencé à Lisbonne. Les premières mesures qui devront être appliquées seront peu réjouissantes pour les Portugais. Elles concerneront le secteur de la santé, et se résumeront ainsi : tout plus cher pour l’usager (médicaments, ticket modérateur, transports des malades…).

La "troïka" a été très claire : quelque soit l’issue du scrutin, quelque soit la manière dont le Portugal gèrera la situation politique, il faudra gouverner, vite, bien et fort. Afin d’éviter un scénario à la grecque que l’Union Européenne craint par-dessus tout.
Les deux grands partis, le Parti Socialiste mené par José Socrates et le Parti Social Démocrate de Pedro Passos Coelho sont au coude à coude, avec un avantage aux sociaux démocrates.

Fatalisme, résignation et colère.

L’apparente résignation des Portugais est étonnante. Calmes, posés, ils manifestent sans violence et en bon ordre.
Les dernières manifestations, le 25 avril (commémoration de la révolution des œillets ; 1er mai, et manif syndicale le 19 mai) ont attiré beaucoup de monde, et les défilés ont été l’occasion de montrer une certaine hostilité à l'aide internationale, notamment le FMI.

Par ailleurs, en soutien au mouvement M15 espagnol, de jeunes portugais ont campé sur le Rossio au centre de Lisbonne en manifestant, eux aussi, leur opposition au FMI. Le campement a été dissout, mais l’indignation n’a pas disparue. Nouvelles victimes d’un système qui devait, pensaient-ils, les protéger et leur garantir un avenir serein, les indignés lusitaniens sont particulièrement inquiets et déçus.

Fin du fatalisme lusitanien?

La prise de conscience se fait de manière un peu confuse, dans une sorte d’urgence comme celle qui embrase l’Europe du sud. Au Portugal comme ailleurs, la jeune génération refuse d’être amarrée à un parti, et cette méfiance n’est pas cantonnée à une poignée de campeurs improvisés.

Les sondages qui mesurent les intentions de vote montrent qu’il y a encore près de 23 % d’indécis (ne sait pas/ ne répond pas), et près de 18 % qui donneront pas leurs suffrages à l'un des cinq partis représentés à l’Assemblée nationale.

Plus alarmant encore : á peine 45 % des personnes interrogées se sont données la peine de répondre à la huitième enquête commandée par le journal Público et la chaine de TVI à 5 jours du scrutin. Les politiques, à quelques exceptions près, semblent ignorer ce refus grandissant de participer au jeu démocratique traditionnel. Le fatalisme légendaire des Portugais a peut être vécu.




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