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Portraits d’indignés : Nelson, coach en entreprise à 1000 €

vendredi, 3 juin, 2011 - 10:09

Nelson Resende exerce une profession libérale originale, le coaching d’entreprise. Avec environ 1000 euros de revenus mensuels, le jeune homme sait qu’il n’est pas le plus mal loti. Nelson, motivé par la solidarité, est l’un des campeurs "Indignés"de la place du Rossio, au centre de Lisbonne.

Cheveux courts, petites lunettes, chemise à carreaux et mini ordinateur au bout du bras, Nelson a, en apparence, tout de l’urbain afféré entre deux rendez-vous importants. C’est à la célèbre pâtisserie Suiça, sur la place du Rossio, au centre de Lisbonne, que Nelson donne rendez-vous. Là où les "Indignados" ont campé une dizaine de jours en solidarité avec le mouvement espagnol. Avant que l'occupation symbolique de cet espace de Liberté ne soit levé fin mai.

A 33 ans, Nelson Resende exerce une profession libérale originale, le coaching d’entreprise et gagne environ 1000 euros par moi. Pas tout à fait l’archétype du précaire, du jeune sans lendemain. Ca ne l'empêche pas d'être "solidaire" de la "Génération galère" qui a rassemblé 300 000 personnes dans les rues des grandes villes portugaises le 12 mars dernier.

Regardez autour de vous: les gens vont et viennent comme si de rien n’était, il fait beau, on pense à la plage. La crise, elle met du temps à toucher les gens dans leur quotidien. Alors on s’accommode. Mais, on ne peut pas rester indifférents,

s’exclame t-il en montrant d’un large geste la jolie place écrasée de soleil.

Solidarités familiales

Les yeux clairs et calmes de Nelson sont soudain zébrés de colère. Le ton, posé, reste inchangé.

Je crois moi que le mouvement 'communautariste' qui est en train de naitre, sera l’équivalent du communisme face aux effets du capitalisme au siècle dernier. Les gens sont isolés, ils dépendent de l’état pour tout, la santé l’école le travail. Mais ils n’en peuvent plus. Et ce que je vois dans le campement, c’est ce bouillonnement autour de l’envie solidaire de recréer des liens.

Après des études de marketing à L’Institut technique supérieur de Setubal, ville industrielle au sud de Lisbonne, de l’autre côté du Tage, Nelson continue à vivre "rive sud". Sa vie d’étudiant, il l’a passé en grande partie à exercer des petits boulots: livreur à domicile, serveur, employé de call-center. Il payait ainsi ses études et participait aux frais de la maison de ses parents où il vivait.

Au Portugal, il existe une solidarité familiale. C’est comme ça que l’on s’en sort. Mes parents ont élevé 6 enfants. Ce n’était pas facile. D’eux d’entre nous seulement ont poussé les études dans le supérieur.

Ses frères et sœurs, eux aussi, ne s’en sortent pas trop mal.

Ascenseur social grippé

Mais Nelson sait que si l’ascenseur social a fonctionné pour lui, pour beaucoup de jeunes il est désormais grippé.

Je vois de plus en plus de jeunes en difficultés. Mais ce qui me chagrine c’est le peu de motivation des gens à réagir. Rappelez-vous en 2008, la crise des subprimes, la chute de Lehman Brothers, l’horreur. Mais les choses prennent du temps. L’impact est lent. On s’effraie de l’augmentation de deux points de la TVA, mais on s’aperçoit que l’on peut encore faire ses courses, alors on continue. Mes copains du quartier où je vis au sud, ne parlent jamais de crise, de FMI, d’aide internationale ! C’est étonnant, mais c’est comme ça.

Les Portugais votent le 5 juin. Le sentiment est assez répandu que, quelque soit le gouvernement qui sortira des urnes, il aura pour fonction essentielle d’appliquer les mesures d’austérité exigées en contrepartie de l’aide internationale de 78 milliards d’euros attribuée au Portugal pour lui éviter la banqueroute. L’abstention sera importante prédisent les analystes. "Les partis politiques n’écoutent pas", renchérit Nelson.

Le jeune homme n’est pas vraiment d’accord avec les déclarations anti-FMI du "campement démocratique" de la place du Rossio. "Après tout, c’est nous qui avons sollicité l’aide. Les caisses sont vides, si l’aide ne vient pas, comment fera-ton ?", questionne Nelson.

Résignation

Plus étonnant sans doute, c’est la perception négative que le jeune travailleur a de la situation.

Je ne crois pas que les choses vont s’améliorer. Nous manquons de rigueur, c’est dans notre culture. On ne change pas une société par décret. On en prend pour dix ou vingt ans.

Nelson s’inquiète aussi pour son avenir personnel. Son affaire originale de coaching d’entreprise auprès d’une clientèle de restaurateurs fait partie au même titre que le marketing, la publicité et la formation des premières dépenses supprimées par des entreprises en mal de liquidité.

Désabusé, Nelson ? Indigné sûrement par l’acceptation passive des portugais.

Le 12 mars, la grande manif, c’était 'facile', sans grand engagement personnel, sans enjeu réel. Ce qui se passe dans le camp du Rossio est beaucoup plus exigeant, plus revendicatif,

explique le jeune homme pour justifier une mobilisation en demi-teinte, quelques 500 personnes.

Il n’y a plus de "campeurs" la nuit sur le Rossio, mais le mouvement n’est pas terminé : les assemblées se poursuivent, et samedi 4 juin veille du scrutin législatif, les « Indignados » du Rossio organisent une assemblée exceptionnelle.

Nelson en attendant repart "rive sud" chez lui, pour concocter quelques slogans solidaires.




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