Moody’s s’inquiète du déficit excessif de la Catalogne et pense que Madrid ne dispose pas des moyens suffisants pour imposer la rigueur aux communautés autonomes. Le Parti Populaire (PP), gagnant des élections régionales, veut remettre de l'ordre dans les finances publiques.
Comme l’avait souligné Angela Merkel lors de sa visite à Madrid en février dernier, "l’Espagne fait ses devoirs ". Sous la pression de l’Union Européenne, du Fonds Monétaire International, des Etats-Unis et des marchés en général, le Gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a appliqué une stricte politique de rigueur depuis mai 2010: baisse des salaires des fonctionnaires, gel des retraites (sauf les plus basses), suppression de certaines allocations familiales, hausse de la taxe sur le tabac, privatisation partielle des aéroports …
Résultat, le pays est passé d’un déficit de 11,2% en 2009 à 9,2% en 2010. Pour cette année, le gouvernement socialiste s'est engagé à passer sous la barre des 6%.
Un hybride institutionnel dur à gérer
Après les efforts menés par l’Etat central en 2010, les analystes s’accordent à penser que la marge de manœuvre est désormais étroite pour réduire encore substantiellement les dépenses. Les principales coupes doivent donc être réalisées par les régions, dont les compétences sont larges au sein de cet Etat dit autonomique, c’est-à-dire à mi-chemin entre un système fédéral et centralisé.
Or c’est là que le bât blesse. La Catalogne a prévu un déficit de 2,66% pour cette année, soit deux fois le 1,3% autorisé. Un plafond que les autorités catalanes estiment impossible à respecter si l’Etat ne lui verse pas les 1,4 milliards d’euros du fonds de compétitivité dès 2011, et non en 2012 comme prévoit de le faire le Gouvernement.
Déficit double pour les Catalans
Mais la Catalogne n'est pas seule. Au premier trimestre, neuf régions sur dix-sept ont présenté des comptes qui laissent penser que les objectifs en matière de déficit ne pourront pas être tenu. La baisse des recettes due à la crise et la difficulté de réduire les dépenses structurelles de la santé et de l’éducation expliquent les dépassements.
Dans un rapport publié hier, l’agence de notation Moody’s estime que cette sortie de route du budget catalan illustre l’incapacité du Gouvernement à imposer la rigueur aux régions ce qui met en péril le retour à l'équilibre pour les années à venir.
Dans ce contexte, la Commission Européenne a demandé à l’Espagne d’introduire des plafonds de dépenses à tous les niveaux de l’Etat, y compris pour les régions, pour garantir le retour à l’équilibre budgétaire dans les années à venir.
Changement de direction
Le rapport a été rendu public au moment où l’Espagne est concentrée sur la polémique lancée par le Parti Populaire (PP), conservateur, sur l’état réel des finances régionales. Le grand vainqueur des élections régionales partielles du 22 mai a mis en doute les niveaux de déficit déclarés par les gouvernements régionaux anciennement socialistes et désormais sous sa direction.
Le leader conservateur, Mariano Rajoy, a annoncé qu’il prévoit d’auditer les comptes de ces régions. Dans un rapport, Goldman Sachs estime d’ailleurs que "les récentes élections régionales offrent l’opportunité de rendre les finances publiques locales plus transparentes".
"Déloyal", "irresponsable"
Les qualificatifs n’ont pas manqué de la part des adversaires des conservateurs, qui soulignent que l’heure n’est pas à la disqualification des finances espagnoles alors que les marchés suivent de près leur évolution.
Quoiqu’il en soit, Goldman Sachs estime que les régions sur lesquelles plane la suspicion du PP, comme la Castille La Manche, n’ont pas un poids suffisant pour perturber de façon substantielle l’équilibre des finances publiques espagnoles.
Seuls les pire scénarios envisagés par la banque américaine, soit un déficit de ces régions cinq fois supérieur à ce qui a été déclaré pour 2010, auraient des conséquences significatives sur les comptes nationaux, dont le déficit passerait alors de 9,2% à 11,3%. Godman Sachs considère toutefois improbable ce cas de figure.
Nous croyons que l’incertitude autour des finances régionales sera limitée".
En attendant, les analystes financiers tirent quand même la sonnette d'alarme.