Après Laurent Wauquiez, Jean-François Copé, veut, à son tour, imposer aux bénéficiaires du RSA "entre cinq à dix heures" hebdomadaires à "des activités d'utilité sociale". Le secrétaire général de l'UMP évite cependant de reprendre l'idée de plafonnement des minimas sociaux.
Pour Jean-François Copé, le RSA doit être revu et corrigé au nom de la "justice sociale" en faisant "la part des choses entre des situations différentes". Selon le secrétaire général du parti présidentiel, il a deux catégories de bénéficaires du Revenu de Solidarité Active.
Les
gens dont on sait qu'ils sont dans une situation de précarité extrême et de désespérance, qui ont des problèmes de santé, des troubles psychologiques. Ceux-là ont besoin d'un accompagnement et de solidarité".
Et
pour les autres, l'idée est de tout faire pour les aider à retrouver un emploi. Nous voulons leur proposer, dans le cadre d'un contrat unique d'insertion, de travailler entre cinq et dix heures par semaine au service de la collectivité de résidence: la commune, l'intercommunalité, le département ou la région. Et en cas de refus, il pourrait y avoir une diminution progressive du RSA".
Ces heures de travail seraient consacrées à "des activités d'utilité sociale, par exemple l'accompagnement de sorties d'école ou de personnes âgées, des projets environnementaux et civiques", précise Jean-François Copé dans un entretien à La Voix du Nord.
Laurent Wauquiez, chef de file de la droite sociale à l'UMP, avait, le premier, proposé il y a un mois de revoir le dispositif du Revenu de solidarité active, s'attirant ainsi de nombreuses critiques, à gauche mais aussi à droite.
Marchepied vers l'emploi?
Mais Jean-François Copé, s'est bien gardé d'assimiler l'assistanat à un "cancer de la société", comme l'avait fait il y a un mois le ministre des Affaires européennes. Le RSA reste, pour lui, "un élément de valorisation et d'insertion pour les personnes, et c'est un premier pas dans le retour vers l'emploi".
Pas question non plus "de plafonner le cumul de tous les minima sociaux à 75% du Smic, pas plus" comme l'avait souhaité Wauquier.
Ce dernier avait alors fait de savants calculs d'apothiquaire et expliqué que "aujourd'hui, un couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux, peut gagner plus qu'un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au Smic. Ça c'est la société française qui tourne à l'envers".
Des calculs qui s'étaient avérés faux. Plafonner à 75% du smic le cumul de tous les minima sociaux revenait à diminuer les prestations versées dans le cas des couples ayant deux enfants ou plus.
Ceci dit, Jean François Copé, fait sans nul doute, sur le fond, la même analyse que Laurent Wauquiez concrenant l'utilité de ces heures de travail obligatoire pour la colectivité : "Ce n'est évidemment pas une sanction mais un marchepied vers l'emploi". Une idée frappée au coin du bon sens. Qui a pour seul défaut d’être biaisée.
Mesure contre-productive
"On ne peut pas dire que faire 5 heures de 'service social' par semaine, ce soit un travail !". Pour Christine Erhel, chercheuse au Centre d’étude de l’emploi (CEE), l’annonce d’une mesure de contrepartie au RSA est contradictoire avec les objectifs du dispositif.
"Cette obligation de travail risquerait de réduire le temps de prospection" nécessaire pour trouver un emploi et s'insérer, n'hésite pas à ajouter la chercheuse sans prendre garde qu'elle affaiblit son premier argument: 30 heures hebdomadaires laissées à la recherche d'emploi – pour ne prendre en compte que la durée légale du travail – ce n'est quand même pas négligeable…
Reste que Christine Erhel estime que la mesure ne répond à aucune logique économique. Coûteuse à mettre en place, cette proposition pourrait surtout nuire aux personnes les plus éloignées de l’emploi.
Le travail, ce n'est pas que de l'argent
Pas de logique économique, mais un vrai sens politique. En toile de fond, l’idée dominante est que les allocataires de minima sociaux se complaisent dans l'assistanat et qu’il faut donc les obliger à retourner sur le marché du travail. C’est d’ailleurs pour cette raison que le RSA, qui permet le cumul des revenus d’activité et d’une partie d’allocation, a été instauré en 2009.
Une étude récente, publiée dans la revue "Recherches et Prévisions" montre que moins de 1% des bénéficiaires expliquent que reprendre le travail ne leur rapporterait pas assez.
La plus grande partie des problèmes qui font obstacle à la reprise d’emploi des bénéficiaires de minima sociaux ne sont pas d’ordre pécunier. Ce sont des contraintes familiales, dues notamment à l’absence de modes de garde proposées aux allocataires de l’Allocation parents isolés, contraintes de santé, contraintes de transport, absence d’accompagnement vers et dans l’emploi… En somme, il est faux d’imaginer qu’ils préfèrent ne pas travailler simplement parce que le travail ne leur rapporterait pas assez",
explique Dominique Meda, directrice de recherches au Centre d'études de l'emploi.
"Il y a un aspect identitaire et statutaire, pas seulement pécunier", complète Jean-Luc Outin, de l'Institut des sciences sociales du travail. "On se sent mieux quand on travaille".
Concurrence entre précaires
Il pointe un autre obstacle à la mise en place de cette mesure.
Comment les collectivités territoriales pourraient-elles organiser cela ? Employer des personnes qui ont justement des difficultés d’insertion sur le marché du travail suppose de les encadrer et de les accompagner."
Sans compter que ces emplois sont déjà le plus souvent des postes en contrats aidés, justement proposés à des publics en réinsertion, explique Alice Brassens, responsable du revenu de solidarité active et des politiques territoriales au sein l'Ansa (Agence nouvelle des solidarités actives). La proposition de Laurent Wauquiez aurait donc pour conséquence de renforcer la concurrence entre les catégories les plus précaires.
Inspiration anglo-saxone
Les politiques sociales d’incitation au travail – autrement appelées politiques d’activation de l’emploi – sont courantes en Europe.
En Europe du nord, par exemple, on privilégie des outils comme la formation pour favoriser la reprise d’activité. En Allemagne, si les "Ein-Euro Jobs" se révèlent souvent être des occupations de mauvaise qualité, offrant peu de perspectives, le dispositif est conçu comme un dispositif d’insertion.
En annonçant vouloir conditionner le RSA à un travail pour le collectivité, Jean-François Copé propose une mesure qui se rapproche plus du workfare, d’inspiration anglo-saxonne. Elle reprend la logique des mesures préparées actuellement par le gouvernement britannique, qui devraient être appliquées à partir de 2015.
Ian Duncan Smith, le secrétaire d’Etat au travail et à la retraite projette de conditionner le versement des allocations du chômage à l’exécution de "travaux bénévoles" pour les personnes aux chômage depuis plus d’un an.
[Elles devront] donner plusieurs semaines de travail manuel à la société, en commençant à travailler à 9h et en partant à 17h pour reprendre le sens du travail.
Un chômeur qui refuserait un emploi "raisonnable" ou un "travail bénévole" pourrait perdre ses prestations sociales pendant trois mois.