Toujours plus d’économies, toujours moins de protections sociales. Les recommandations de la Commission européenne aux pays de l'Union sur les mesures à prendre pour stimuler la croissance sont encore les mêmes. Sourde aux grondements sociaux, elle ne fait qu'entretenir l'euroscepticisme.
Encadrement renforcé des hausses de salaires en Belgique, libéralisation du marché du travail insuffisante en France et en Italie, réduction des dépenses de santé à approfondir en Allemagne, relèvement de l’âge légal de départ à la retraite aux Pays-Bas, réduction deux fois plus vite que prévue du déficit budgétaire en Autriche…
Telles sont les recommandations de la Commission européenne aux pays membres sur les mesures à prendre pour simuler la croissance, créer des emplois et assainir les finances publiques. Elles s'inscrivent dans le cadre du premier "semestre européen", un processus annuel de six mois durant lesquels les gouvernements européens se consultent les uns les autres au moment d'établir leurs politiques budgétaires et économiques.
De l'huile sur le feu
Critiquant certaines des stratégies présentées par les États qui ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés en termes de croissance, Bruxelles a demandé à nombre de pays membres de revoir leur copie et de prendre des mesures "plus ambitieuses".
Même s’il ne s’agit que de "recommandations" – de nombreux domaines, notamment en matière de politique sociale étant de la seule compétence des États – la nouvelle "feuille de route" de la Commission risque de jeter de l’huile sur le feu. De Lisbonne à Dublin en passant par Athènes, le continent vacille mais les dogmes, eux, tiennent bon…
Les bons élèves également au piquet
Et le plus incroyable est que la Commission s’en prend même à des États qui n’ont pas grand-chose à se reprocher: avec un des taux de chômage parmi les plus faibles d’Europe, l’Autriche est ainsi sommée d’abandonner son système de préretraite et d’aligner l’âge légal du départ à la retraite des femmes (60 ans aujourd’hui) sur celui des hommes (65 ans). Elle doit également améliorer la "compétitivité" de son secteur public.
Même l’Allemagne, moteur économique de l’Europe, n’est pas épargnée par les injonctions de Bruxelles qui la conjure de ne pas fléchir sur la baisse de son niveau d’endettement en poursuivant après 2012, les coupes budgétaires introduites dès cette année.
Idée fixe
Tout se passe comme si la Commission était devenue totalement autiste, incapable de prendre conscience les craquements sociaux qui sont en train de fissurer l’espace européen. Les "indignés" de Madrid à Athènes, une extrême droite qui prospère en exploitant la peur du déclassement social, la pauvreté qui s'étend, conséquence d’une protection sociale se réduisant comme peau de chagrin… Bruxelles n’en a cure.
La Commission continue, quoi qu'il advienne, avec une idée fixe: mettre en pièce un modèle social européen. Dans le même temps, Eurostat, l'institut des statistiques européennes de cette même commission européenne, tressait pourtant des lauriers à la Belgique, pays qui a été le premier à retrouver sa croissance économique d'avant la crise. Un pays sans gouvernement depuis plus d'un an qui a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe (comme le montre les chiffres d'Eurostat et ceux de l'OCDE).
En niant le rôle essentiel d'amortisseur d'un modèle social face à la crise, la Commission se tire une balle dans le pied en apparaissant comme étant le bras armé des institutions européennes obnubilée par le respect d'une stricte orthodoxie financière.