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E.coli: L’Europe victime du fédéralisme allemand

vendredi, 10 juin, 2011 - 15:20

L'empilement des organismes de contrôle sanitaire en Allemagne a débouché sur une cacophonie dévastatrice pour les paysans européens. Les Allemands s'interrogent sur leur système mais préfèrent évoquer une rationalisation nécessaire plutôt qu'un retour au centralisme. 

Trente morts en Allemagne et un en Suède. C'est le triste bilan – au 10 juin – de la contamination causée par la bactérie E.coli (Eceh). Un bilan alourdi par les conséquences dévastatrice pour les agriculteurs européens de la panique née des annonces successives et contradictoires autour de l’origine de la bactérie.

Même s'il a été confirmé aujourd'hui que le vecteur de la contamination sont des graines germées de haricot rouge, l'Allemagne s'interroge sur les raisons d'une cacophonie qui a jeté l'opprobre sur les producteurs de concombres espagnols puis, par extension, sur tous les maraichers d'Europe.

Des tests qui s'empilent

En fait, ces disfonctionnements trouvent leur origine dans le système du contrôle alimentaire tel qu'il fonctionne en république fédérale. Chaque Etat est en effet supposé vérifier la qualité de la nourriture qui est vendue sur son territoire. Mais quand une épidémie apparaît, des tests supplémentaires sont effectués par pas moins de trois organismes fédéraux: l’institut Robert Koch (RKI) qui dépend du Ministère de la santé, l’Institut fédéral de l’évaluation des risques (BfR) qui est rattaché au Ministère de l’agriculture et des consommateurs, et l’institut fédéral pour la sécurité alimentaire (BVL).

L’absence d’organisation centralisée est aujourd’hui critiquée par certains. Le journal tabloïd Bild s'insurge:

Il n’est pas normal qu’un ministre de Basse-Saxe soit le premier à déclarer que les graines germées sont la cause probable de l’épidémie, qu’il nomme ensuite la ferme où elles ont été exploitées et qu’il finisse le jour suivant par dire que les tests se révèlent négatifs. Les ministères de l’agriculture, les autorités de santé, les instituts de recherche et les cliniques… tout le monde recherche la 'bactérie tueuse' mais en faisant des déclarations bien trop rapidement, ils ne font que renforcer la confusion actuelle. Pourquoi tous les indices ne sont-ils pas envoyés à un bureau qui les vérifie avant de les dévoiler au grand public ?

Une première centralisation ratée

Et le tabloïd de conclure: "L’Allemagne a besoin d’un office national de contrôle des épidémies." Pourtant, un tel organisme a déjà existé en Allemagne: l’Agence fédérale de la santé. "Mais, après une série de scandales, elle a été démantelée en 1994" rappelle le journal de gauche Die Tageszeitung. Les trois autorités fédérales (actuellement impliquées dans la lutte contre l’épidémie) et l’agence pour les médicaments l’ont remplacé. Diviser les responsabilités permet d’avoir des contrôles simultanés.

Henrik Uterwedde, directeur adjoint de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg, rappelle par ailleurs que "ceux qui critiquent aujourd’hui l’existence de trop d’organismes de contrôle différents sont les mêmes qui souhaitaient il y a 15 ans la disparation de l’Agence fédérale de la santé". Il n'empêche que le statu quo n'est guère envisageable. Henrik Uterwedde observe:

L’état fédéral et les ministres des différents Länder, qui se sont rencontrés mercredi dernier, ont reconnu que l’épidémie actuelle d’E-Coli avait révélé quelques couacs. Quand la crise sera passée, ils vont évaluer les problèmes qu’ils ont traversés afin de les résoudre. Mais je ne crois pas à une centralisation complète des autorités de contrôle. Le fédéralisme ne sera pas remis en question.

La propagation d’un virus aussi virulent que celui qui frappe aujourd’hui le nord de l’Allemagne ne manquera jamais de soulever la polémique. Le quotidien économique Handelsblatt pense qu’il est toujours difficile "d’informer le public sur des questions de santé". Le journal reconnaît toutefois que Berlin "montre actuellement le mauvais exemple". D'ailleurs, ces voisins le lui rappellent sans cesse.

Centraliser… mais à l'échelon européen

Pour autant, les Allemands gardent leur distance à l'égard d'un retour au centralisme. Henrik Uterwedde observe:

En ayant un seul organisme de contrôle, on risque aussi d’aller droit dans le mur car il est possible de faire des erreurs. Il est donc souvent utile d’avoir un deuxième organisme qui contrôle vos actions. Le centralisme n’est pas une panacée… En revanche, comme les pays européens sont de plus en plus imbriqués les uns avec les autres, il faudrait que les informations soient mieux centralisées dans les agences européennes afin de pouvoir communiquer très rapidement à tout le continent les risques concernant telle ou telle maladie.

Pour le moment, le commissaire européen à la Santé, John Dalli, se borne à juger "crucial que les autorités ne se précipitent pas pour donner des informations sur la source de l’épidémie sans qu'elles n'aient été préalablement vérifiées par la science. Cela engendre de la peur et créé des problèmes pour les agriculteurs.

Le pire de la crise semble cependant passé: le nombre de nouveaux malades ne cesse de chuter depuis quelques jours. Les gens devraient donc progressivement se rassurer. Mais les agriculteurs continueront sans doute longtemps à se morfondre.




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