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Un an et toujours pas de gouvernement. Et alors?

lundi, 13 juin, 2011 - 09:49

13 juin 2010 : élections législatives fédérales. 13 juin 2011 : toujours pas de gouvernement. Et alors? Retour sur cette année écoulée qui a vu la Belgique battre un Guinness World Record. Vous reprendrez bien un petit peu de "révolution Moule-frites" !

L’impasse commence le 22 avril 2010. Faute d’accord dans le dossier Bruxelles-Hal-Vilvorde, communément appelé BHV, le parti libéral flamand Open VLD quitte le navire gouvernemental. Le Premier ministre démocrate chrétien flamand (CD&V), Yves Leterme, présente dans la foulée sa démission. Plus d’un an après, ce dernier est encore à la tête d'un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes sans réel pouvoir d'initiative. Entre temps, des élections législatives fédérales ont pourtant eu lieu.

Les résultats du 13 juin 2010 désignent deux vainqueurs, l'Alliance Néo-Flamande (N-VA) de Bart De Wever, qui recueille plus de 30% des voix en Flandre et le Parti socialiste en Wallonie (francophone) d’Elio Di Rupo.

Bart De Wever réclame la réforme de l’État belge, avec en point d’orgue un transfert de compétences fédérales vers les régions et communautés et une plus grande autonomie financière des entités fédérées.

Le Roi nomme des négociateurs, mais rien n'y fait, toujours pas de convergence. Pour former un gouvernement il faut également trouver un accord sur les dossiers socio-économiques, la politique de sécurité, la justice ou encore la politique d'asile et d'immigration. Hors, là aussi, c’est l’impasse.

À qui profite l’immobilisme ?

Si aucun accord entre les partis politiques n’émerge c'est théoriquement la preuve que l’État belge ne fonctionne pas. À qui cela profiterait? Instinctivement on pense à la N-VA dont la volonté est affichée, dans l'article 1 de son programme, de créer une république flamande indépendante et donc de scinder la Belgique.

Le leader de la N-VA n’est pas d’accord.

Je pense qu’aujourd’hui, les francophones sont contents avec le statu quo. Ils veulent juste un peu d’argent pour Bruxelles, mais leurs autres positions sont des réponses aux demandes flamandes. Donc tant qu’il n’y aura pas de pression, ils ne bougeront pas. Ils sont dans une position assez forte : on ne peut pas changer la Belgique sans eux et ils ont un gouvernement qui leur plaît,

déclarait-il dans le quotidien belge La Libre daté du 11 juin.

La Belgique continue à tourner

La Belgique, malgré tout, continue de tourner. Et plutôt pas mal. Le gouvernement Leterme II n’a pas de quoi rougir de son bilan depuis qu’il a présenté sa démission.

Le 1er juillet 2010, la Belgique hérite de la présidence du Conseil de l’UE. Pressentie comme un handicap, la présence d’un gouvernement en affaires courantes à la tête de l’Union aura, en fait, permis aux ministres belges d’avoir une disponibilité totale pour les dossiers européens. Sans surcharger de nouvelles priorités l'agenda européen, le gouvernement belge a géré les dossiers avec efficacité.

Les points saillants sont les avancées en matière supervision financière, la conclusion de négociations difficiles autour du budget européen 2011, la directive eurovignette, le projet d'initiative citoyenne européenne et l’accord pour une coopération renforcée sur le brevet européen, un dossier qui n’avançait pas depuis plus de trente ans.

Guerre en Libye

Résultat: un succès acclamé par tous. Le chef de file des libéraux et démocrates au Parlement européen et ancien Premier Ministre belge Guy Verhofstadt s’est même permis sur le ton de l’humour d’inviter les "autres gouvernements à se mettre en affaires courantes lorsqu’ils exerceront la présidence européenne".

Au plan national, la Belgique se bricole un budget 2011 et arrive même à faire la guerre en affaires courantes. Paradoxal quand le gouvernement ne peut être tenu responsable de la conduite des opérations. Pourtant, suite à l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU, autorisant l’usage de la force pour protéger les populations civiles en Libye, et du Parlement belge, la Belgique envoie quelques avions et un navire, fin mars, dans le cadre de la coalition internationale.

Grève du sexe

La Belgique n'est pas partie à la dérive, mais le peuple du Royaume en a marre. Il veut un gouvernement légitime et le fait savoir par des actions collectives et des initiatives singulières. Fin janvier, 40 000 Belges de toutes les communautés marchaient dans les rues de Bruxelles demandant la formation d'un gouvernement. Pour l’acteur Benoît Poelvoorde, c’est la barbe ! En début d’année il avait suggéré aux hommes de ne plus se raser "jusqu'à ce que la Belgique se relève".

La sénatrice Marleen Temmerman, du Parti socialiste flamand, invitait, début février, les femmes à "garder leurs jambes fermées" jusqu’à la formation d'un gouvernement. La "grève du sexe" n’y a rien changé mais les initiatives ne se sont pas arrêtées là et même les symboles gastronomiques belges ne sont pas épargnés.

Ainsi, la "révolution Moules-frites", en référence aux événements dans le monde arabe, a été lancée par des étudiants. Le mot d’ordre : "La séparation, pas en notre nom". La dernière idée en date est le G1000 qui vise, selon son manifeste, à organiser "un sommet à Bruxelles le 11 novembre de mille citoyens choisis au hasard qui délibèrent sans parti pris".

Lassitude

La mobilisation s’essouffle toutefois un peu et la lassitude s’installe. Compréhensible vu la durée de la crise. Fin mars, la Belgique est officiellement entrée dans la série des Guinness World Records battant à la fois le record de longévité sans gouvernement officiel qu'avait établi l'Irak (289 jours à partir des élections) mais aussi celui détenu par les Pays-Bas en temps de paix, qui avaient eu besoin de 207 jours en 1977 pour former un gouvernement. Peu glorieux.

Le politicologue Pierre Vercauteren explique à La Libre qu’il ressent "une apathie chez une large partie de la population, qui a décroché depuis un bon moment. Le fossé entre la population et le monde politique semble encore grandir, des deux côtés de la frontière linguistique."

Je constate que la mobilisation, pour spectaculaire qu’elle ait été, n’a jamais eu un effet important, y compris sur les négociateurs quoiqu’ils en aient dit",

ajoute-t-il.

Séparation en vue ?

Les politiques calent, la population décroche, est-ce l’annonce de la séparation du pays ? Le scénario de la scission de la Belgique n’est certainement plus un tabou mais ce n’est pas pour autant une perspective à court terme.

"Il faut se préparer à la fin de la Belgique", avait affirmé, en septembre dernier, la socialiste francophone Laurette Onkelinx, ministre du gouvernement démissionnaire, dans le quotidien belge La Dernière Heure. L’éditorialiste en chef du quotidien belge Le Soir, Béatrice Delvaux, estime que ce scénario "reste une menace".

Elle fait un constat plus sombre :

En un an, en effet, les francophones ont fini par partager au moins une conviction commune avec le nord du pays : nous sommes deux populations qui vivent sous le même toit mais en partageant peu de choses communes."

Reste que, selon une enquête publiée par le quotidien La Libre et la télévision RTL-TVI, une large majorité des Belges souhaite encore faire un bout de chemin ensemble. Le sondage révèle que 67 % de la population jugent que la Belgique a encore un avenir. La proportion est particulièrement forte dans la communauté francophone du royaume, avec 79 % des Wallons et 74 % des Bruxellois qui partagent cet avis. Mais une majorité claire de Flamands (62%) garde aussi confiance.

Les Belges enjoignent leurs représentants à trouver un accord. Pas question pour eux de retourner aux urnes. Ils se sont déjà exprimés. C’était il y a un an !




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