Quatre referendums, quatre échecs pour Silvio Berlusconi. Un véritable désaveu de la politique menée par le gouvernement, deux semaines après la déroute de la droite aux élections municipales, mais aussi un plébiscite contre le Cavaliere lui-même. L'ébauche d'un changement politique majeur en Italie?
Schiaffo ou Sberla, une gifle ou une claque. Quelque soit le terme retenu par l’opinion publique italienne, la défaite de Silvio Berlusconi et d'Umberto Bossi, son allié de la Ligue du Nord, est cinglantre. Historique même. Le Cavaliere avait appelé à déserter les urnes. Plus de la moitié des électeurs (28 millions d'Italiens) ont pourtant été voter, une première depuis 16 ans pour un referendum. Et, par quatre fois, ils ont dit "non" au "style Berlusconi" et à sa politique.
Non à la construction de nouvelles centrales nucléaires (94,3%). Non à la privatisation de l'eau publique (95,8%) – dont le prix intégrera la qualité de l'eau et de son service. Non à l'immunité judiciaire pour les ministres – et le Président du Conseil – en poste. Le gouvernement devra donc abroger les lois (ou projet de loi) en question.
Il y a moins de deux semaines, le parti de Silvio Berlusconi avait déjà perdu son fief de Milan et la ville de Naples aux élections municipales. Le ras-le-bol est manifeste. L’Italie est-elle en train de changer de politique?
Une gifle personnelle pour Silvio Berlusconi
Beaucoup d’analystes attribuent la défaite cuisante de la droite à la perte de confiance envers son chef Silvio Berlusconi, suite aux différents scandales sexuels dans lesquels il est impliqué et à ses incessants déboires avec la Justice.
Les commentateurs de droite pointent également la crise économique et une gestion du pays par trop personnelle. Marco Pasquino, l’éditorialiste du quotidien chrétien l’Avvenire demandait ce matin "A qui sont destinés ces 'gifles' ? Réponse: "la dose la plus grande est allée à qui gouverne la coalition PDL-Ligue du Nord, mais surtout au leader Silvio Berlusconi".
Rockky Band – Lasciate stare Silvio
Sur Facebook, la jeunesse, fatiguée des scandales et des "blagues", critique clairement le chef du gouvernement vieillissant. Les vidéos "Je jouis", "Oui, oui, oui, oui, légitime jouissance" (au lieu de "empêchement légitime", le troisième "oui" du référendum) et "Ciao Silvio" rappellent avec humour que le désaveu ne vient pas seulement d’un "excès de puritanisme" comme l’avait défini le journaliste Giuliano Ferrara, un des chiens de garde de Berlusconi.
Un nouveau paradigme
Les campagnes électorales atypiques de Naples et Milan ainsi que la campagne citoyenne organisée par les Comités pour les referendums font effectivement penser à un changement de paradigme dans la politique italienne.
On est en train d’assister au passage de partis à leaders charismatiques comme Berlusconi et Bossi à une "troisième voix" qui demande plus de démocratie interne,
expliquait hier soir dans l’émission l’Infedele, Nadia Urbaniti professeure de Sciences politiques à la Columbia University.
Les deux partis de la Coalition de droite, le Parti de la Liberté et la Ligue du Nord, sont, de fait, des partis verticaux qui obéissent au leader charismatique qu'il s’appelle Silvio Berlsuconi ou Umberto Bossi. Comme organes politiques ils n’ont aucun instrument de démocratie interne.
La fin du tout pouvoir télévisé ?
La campagne électorale de Naples s’est jouée loin des projecteurs, le candidat indépendant De Magistris ayant même refusé d’utiliser l’affichage électoral traditionnel pour séduire ses électeurs. A Milan, entre les deux tours, le candidat de la gauche Pisapia a refusé de participer au débat télévisé avec son adversaire. Letizia Moratti a répondu, seule, aux questions des journalistes à coté d’une chaise vide.
Cette semaine, avec l’annonce du prochain calendrier de la Rai pour la rentrée 2011, presque tous les journalistes qui présentent des émissions d’oppositions ont rencontré des problèmes: Michele Santoro, déjà "licencié" en direct par une déclaration de Silvio Berlsuconi au Parlement il y a quelques années, devra quitter la Rai avec son émission AnnoZero. Le journaliste du programme Che tempo che fa, Fazio, ne sait rien encore de son contrat et de celui de ses collaborateurs.
Dans ce contexte, l’affirmation du pouvoir médiatique du chef du gouvernement prend une nouvelle signification puisque ce n’est plus par la télévision qu’est passée la victoire électorale, mais bien par des groupes certes très politisés, mais usant de tous les moyens mis à dispositions par les réseaux sociaux et la démocratie participative citoyenne.
S’il est trop tôt pour annoncer la mort politique de Silvio Berlusconi, au pouvoir (à l’exception de quelques intermittences) depuis plus de 14 ans, les résultats de ces référendums populaires sont le signe d’une nouvelle gestion de la politique italienne, plus démocratique et plus participative.