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Les plombiers polonais arroseurs arrosés

mercredi, 15 juin, 2011 - 15:13

En dénonçant un contrat pour la construction d’une autoroute confiée à une entreprise chinoise, le gouvernement polonais a relancé la polémique sur le dumping économique et social pratiqué par les sociétés de l’Empire du milieu pour conquérir le marché européen. 

Après s’être portées au secours du constructeur automobile Saab et avoir profité de la situation critique de la Grèce pour renforcer leur offensive en Europe, les entreprises chinoises viennent d'enregistrer un sérieux revers en Pologne. Varsovie a dénoncé le contrat signé en 2009 avec l’entreprise chinoise de travaux publics Covec pour la construction de deux importants tronçons d’autoroute entre Lodz et la captale.

Toutefois, le chantier n’est pas abandonné, a indiqué le premier Ministre Donald Tusk qui doit trouver très rapidement une solution de rechange car l’expansion du réseau routier est fait partie des grands travaux engagés par le pays d’accueil de la prochaine Coupe européenne de football en juin 2012.

Cette décision intervient après la plainte d’un sous-traitant de l’entreprise chinoise dont la facture de 30 millions d’euros n’a pas été réglée. Selon le syndicat polonais des travaux publics, Covec aurait cherché à imposer à son sous-traitant une baisse de ses tarifs après la signature d’un contrat. Monnaie courante en Asie, ces pratiques n’ont fait que relancer en Pologne les accusations portées par les entreprises de construction contre le dumping de la société chinoise.

Nourris, logés mais pas payés

Ce projet est, en effet, depuis deux ans au centre de nombreuses controverses : pour remporter l’appel d’offre, la firme de l’Empire du milieu aurait proposé des prix particulièrement attractifs, de 40 % inférieurs à ceux de ses concurrents qui avaient à l’époque saisi la justice sans obtenir gain de cause.

Pour réaliser les travaux à des coûts aussi compétitifs, Covec a fait venir 500 ouvriers chinois qui auraient dû être rejoints dans les prochains mois par 300 salariés supplémentaires. Logés dans une ancienne école réaménagée en dortoirs avec des lits superposés, ils travaillent depuis l’automne dernier sept jours sur sept au rythme de douze heures par jour. Leurs salaires, dont il n’est pas possible de connaître le montant, sont directement versés en Chine car étant nourris et logés sur place, la firme chinoise estime qu’ils n’ont pas besoin d’argent.

A ces critiques, Covec a répondu qu’elle avait son "propre modèle de management". Ironie de l’histoire : les critiques des Polonais contre les salariés chinois ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celles des Français, il y a quelques années, contre les plombiers polonais…

Angela Merkel s'en mêle

Pour le syndicat des travaux publics polonais, il n’est pas possible de construire des autoroutes à des prix aussi bas. Selon lui, la proposition faite à l’époque par Covec est contraire aux règles de la concurrence car l’entreprise, filiale de China Railway Group, troisième groupe mondial de construction et premier groupe chinois du secteur, est entre les mains de l’Etat chinois. Or ce dernier prendra en charge les éventuelles pertes occasionnées par ce chantier.

Saisie par les entreprises germaniques de travaux publics inquiètes d’une probable expansion de la firme de l’Empire du milieu en Allemagne, la chancelière Angela Merkel avait demandé à l’époque à Bruxelles de revoir les conditions demandées aux sociétés pour participer à des appels d’offre européens. Une intervention qui n’a pas été suivie d’effet: les entreprises européennes étant présentes en Asie, la Chine estime qu’elle a le droit elle aussi de participer à des projets européens.

L’arrêt du chantier polonais est  une mauvaise nouvelle pour Covec dont les plans sur le continent pourraient bien être remis en question : d’autres pays de l’UE, comme la République tchèque, avaient engagé des pourparlers avec la société chinoise pour construire une autoroute reliant Vienne à Prague.

Ce projet était un des premiers tronçons d’une voie visant à relier l’Europe centrale à l’Europe orientale. Les Chinois font du bon travail en Pologne, avait expliqué il y a quelques mois le ministre des transports. Des éloges qui ne sont plus aujourd’hui de mise. 
 




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