L'Italie n'autorise ni le mariage gay ni les unions civiles entre personnes de même sexe. Au Vatican, le sujet est toujours tabou. Un pasteur de l'église vaudoise (protestante) bénit ce dimanche un couple homosexuel. Il nous explique pourquoi.
Sur la carte européenne des droits des homosexuels l’Italie est à la traine : poids du Vatican ou influence d’une longue culture machiste, le pays n’a jamais entamé de débat réel sur les droits des homosexuels. Contre le silence, Giuseppe Platone, pasteur protestant vaudois de Milan bénit ce dimanche l’union de deux hommes à Milan. MyEurop l’a rencontré avant la cérémonie.
Vous vous préparez à bénir l'union d’un couple homosexuel, le 26 juin à Milan. D’où est née cette exigence?
Nous répondons simplement à une demande concrète de deux personnes. L'une est membre de notre communauté, l’autre appartient à une église "sœur". En réalité, tout est parti de la lettre très émouvante de ce couple. Ils demandaient de pouvoir recevoir une bénédiction parce que, écrivaient-ils, ‘nous ne demandons pas l’affirmation d’un droit à notre communauté mais simplement un acte de grâce’.
Pourquoi ne demandaient-ils pas un "droit" ?
Pour nous, il ne s’agit pas de sacraliser l’homosexualité mais plutôt de prendre acte d’un pacte d’amour qui est vécu dans la responsabilité et la réciprocité.
On peut discuter à l’infini sur les mots de la Bible. Mais la science a désormais démontré que la sexualité dépend d’une situation biologique particulière, et que l’on peut naitre homosexuel. C’est donc Dieu qui nous a créé ainsi et Dieu devrait donc aussi nous permettre de sortir de l’ombre et de pouvoir vivre son amour au grand jour.
Que pouvez-vous nous dire sur ce couple ?
Ils vivent ensemble depuis très longtemps. Ils font partie de notre communauté. Ils ont la volonté de partager l’annonce de leur pacte d’amour. C’est très simple, et ce n’est pas la peine d’en faire une tragédie grecque !
Selon vous, quelles sont les prochaines étapes ?
Il y a un vide législatif terrible en Italie concernant les droits des homosexuels. Cela vient d’une certaine phobie de l’homosexualité mais aussi d’une vision sacralisée du mariage. Étant donné que nous vivons dans cet état de vide juridique, nous, protestants vaudois, n’attendons pas que l’Etat agisse. Pour nous, il s’agit de défendre les valeurs de la fraternité et de la foi.
Dimanche 26 juin nous prendrons donc acte de la volonté de ce couple de manifester publiquement leur amour. Nous évoquerons ce pacte d’amour et nous demanderons à Dieu sa bénédiction. Nous lui demanderons qu’ils vivent leur union avec sérénité parce qu’ils s’aiment et cela même s’ils sont du même sexe.
Pourquoi ce retard italien ?
Parce que, par ailleurs, l’Italie est très en avance sur la question des femmes nues… Non, plus sérieusement, le pays le plus christianisé d’Europe cultive encore une terrible image de la femme.
Le vide législatif dont je parlais tout à l’heure pour les couples homosexuels touche aussi les couples non mariés. L’état italien propose en cette matière un vide juridique absolu. Je trouve cette situation amorale : si cela signifie être chrétien alors mieux vaut être athée ! Une religion qui pratique la discrimination des personnes ne m’intéresse pas. Nous devons condamner qui tue, qui vole, mais ici nous parlons seulement de belles choses, d’aide mutuelle. En tant que Protestants, nous cherchons seulement à ne pas porter de jugement. Nous ne sommes pas pour l’Inquisition mais pour la communion.
En dernier recours, légalement, les couples hétérosexuels ont toujours l’alternative de se marier. Les couples homosexuels, eux, n’ont rien.
L’Église protestante a créé une commission d’étude sur le thème ‘Foi et homosexualité’. Quelles en sont les principales conclusions?
Au dernier Synode, l’Église protestante vaudoise a statué que ces questions devront être décidées par les communautés locales. Il ne s’agit pas d’un automatisme.
La bénédiction de dimanche ne sera donc pas une caricature de mariage, les deux personnes seront dans l'assemblée et elles se promettront fidélité et amour. Le pasteur, moi en l’occurrence, demandera pour eux l’intercession de Dieu pour qu’il aide cet amour, dans la vérité et la simplicité.
L’église protestante vaudoise représente une minorité de croyants au pays du Vatican. Avez-vous eu des discussions avec l’église catholique ?
L’Italie est, effectivement, un pays profondément catholique. En tant que Protestants, il ne s’agit pas de se présenter comme des libertins, nous voyons simplement la sexualité comme une responsabilité.
Pour nous le mariage est une liberté, les pasteurs par exemple, se marient. Dans la communauté chrétienne il ne devrait n’y avoir ni femmes ni hommes ni homosexuels, juste des chrétiens. Nous ne voulons pas discriminer. Et l’Etat, au minimum, devrait légiférer sur ces questions.
Pour le moment, nous ne nous sommes jamais assis autour d’une table pour discuter avec l’église catholique. Mais quand nous le ferons il ne s’agit pas de nous présenter comme un Las Vegas. La sensibilité des protestants italiens vaudois sur la questions de l’homosexualité a grandi avec certains de ses membres qui ont déclarés leur homosexualité.
Pourrait-on concevoir un pasteur homosexuel?
Si cela arrive, je pense que personne ne se scandalisera. Lorsque ce pasteur voudra s’installer dans la maison pastoral avec son ami alors nous en parlerons dans la communauté. Le Synode a laissé la liberté de statuer à chaque communauté.
Quels textes de la Bible aident selon vous à trancher sur la question des Unions homosexuelles ?
Première chose: ne pas faire une lecture fondamentaliste de la Bible. Le message biblique a 2000 ans et il faut le prendre comme tel. Il faut considérer que la Bible avance, qu’elle n’est pas figée. Je citerai par exemple cette simple exhortation: ‘Accueillez-vous donc les uns les autres, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu’ (Romains, 15 :7)