Le gouvernement de Georges Papandreou a obtenu la confiance du Parlement, première étape avant le vote du plan d'austérité et le déblocage d'un nouveau prêt de l'UE et du FMI. Une course contre la montre est engagée, mais le plus dur est sans doute à venir. Retour sur les enjeux de la crise grecque, les solutions proposées et le calendrier des évènements.
C’est un marathon couru à la vitesse d’un 100 mètres. Un an après le premier plan de sauvetage, la Grèce est de nouveau à bout de souffle, tout juste maintenue sous assistance respiratoire par les prêts de l’UE et du FMI. Il y a urgence: sans aide supplémentaire, Athènes ne pourra pas rembourser ses dettes passé la mi-juillet. Ensuite ? Le saut dans l’inconnu.
A moins que ce ne soit l’inverse: une course de vitesse courue à un train de sénateur. Réunis le week-end dernier au Luxembourg, les ministres des Finances de l’UE ont décidé de… ne pas décider. A la place, ils ont donné deux semaines à la Grèce pour adopter un nouveau plan d'austérité, très impopulaire, si elle veut obtenir l'argent frais dont elle a désespérément besoin.
Jeu de dupes
La pression est mise sur le gouvernement de Georges Papandreou, le ton presque menaçant. Mais, on assiste en fait à un jeu de poker menteur où les acteurs se tiennent par la barbichette. Pire, par le portefeuille. La Grèce n’a aucun intérêt à la faillite, c’est entendu. L’Europe encore moins: le risque de réactions en chaîne dans toute la zone euro pourrait être catastrophique. L’UE doit sauver la Grèce, coûte que coûte, au moins pour un temps.
Le gouvernement grec remanié (vendredi dernier) a obtenu mardi soir la confiance du Parlement ; dans l’après-midi, les Grecs ont, de nouveau manifesté contre les nouvelles mesures d’austérité qui se profilent, jugées injustes et inefficaces.
Retour sur le calendrier des évènements, les options sur la table et les différents acteurs en présence.
La chronologie ci-dessous retrace les principaux évènements de la crise grecque depuis que le gouvernement socialiste, arrivé au pouvoir en octobre 2009, a découvert l’ampleur de la dette du pays:
Mais le calendrier devrait encore s’accélérer dans les prochains jours.
19 – 20 juin 2011: Athènes espérait obtenir le week-end dernier le déblocage de la 5ème et dernière tranche des prêts promis l’an dernier par l’UE et le FMI : 12 milliards d’argent frais, de quoi parer au plus pressé. Les ministres des Finances de la zone euro ont repoussé leur décision.
"On augmente la pression", a reconnu lundi le ministre belge des Finances Didier Reynders.
Vous ne pouvez pas imaginer une seconde que nous nous engagions à financer sans savoir si le gouvernement grec a endossé les obligations qui sont celles de la Grèce",
résume le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.
En clair, pas de prêt tant que les parlementaires grecs n’auront pas voté un nouveau train de mesures d’austérité et de privatisations. Ce plan prévoit 28,4 milliards d'euros d'économies supplémentaires dans le budget de l'Etat d'ici à 2015, qui s'ajoutent aux mesures de rigueur déjà décidées en 2010 (réforme des retraites et coupes salariales dans la fonction publique notamment). En 2011, 6,4 milliards d'euros doivent déjà être économisés.
21 juin : Avant de faire adopter ce plan d’austérité, Georges Papandreou a choisi de remanier son gouvernement et de le soumettre à un vote de confiance. Confiance qu'il a obtenu à 12 voix près, en faisant le plein des votes du Pasok (parti socialiste), mais rallier le moindre soutien de l'opposition. Ce résultat "lève un élément d'incertitude dans une situation déjà très compliquée", a commenté José Manuel Barroso, président de la Commission européenne.
28 juin : Les parlementaires socialistes doivent voter le plan d’austérité. Les décrêts d’application devraient alors être rédigés d’ici le 3 juillet, date de la réunion des ministres des Finances de l’UE.
Entre temps : les experts de la "troïka" (FMI, Commission et Banque centrale européenne) retournent à Athènes. Ils devront "vérifier que nous avons la même compréhension du texte qui sera soumis au Parlement d’ici fin juin", a commenté le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn. Pas question pour la Grèce d'adoucir un tant soit peu la rigueur.
3 juillet : Sauf catastrophe, et si la Grèce a rempli toutes les conditions imposées, les ministres des Finances de l’eurogroupe décideront de débloquer 12 milliards d’euros. Il ne s’agit pas d’une nouvelle enveloppe, mais de la dernière tranche du prêt négocié en mai 2010, dans le cadre du premier plan de sauvetage. Après avoir tergiversé et fait lanterner la Grèce, l’UE et le FMI pourraient donc tenir leurs engagements. Même si l’on parle désormais d’un versement au compte-goutte.
Restructuration "dure" ou douce" ?
Le même jour, l'Europe devrait enfin s’accorder sur un 2ème plan de sauvetage, en discussion depuis plusieurs semaines. Le montant total pourrait avoisiner les 100 milliards d’euros. Un soutien financier impressionnant, mais pas forcément suffisant.
La dette souveraine grecque représente aujourd’hui entre 340 et 350 milliards d’euros – plus de 150% du PIB -, les taux s’envolent et les intérêts s’accumulent. Les mesures d’austérité cassent chaque jour un peu plus les espoirs d’un retour de la croissance. De nouveaux prêts peuvent desserrer l’étau, donner du temps au temps. Sûrement pas briser ce cercle vicieux.
La sortie de l'euro n'est – officiellement? – absolument pas envisagé ni par la Grèce ni par ses partenaires européens. Elle permetrait à Athènes de dévaluer sa nouvelle monnaie, donc de diminuer le poids de la dette, et de retrouver un tantinet de compétitivité économique. Mais, à quel prix économique et politique? Certains économistes comme Jacques Sapir, considèrent pourtant que ce serait encore la moins pire des solutions.
Autre piste remisées dans l'immédiat : la restructuration "dure", un "haire cut" dans le jargon économique. Autrement-dit négocier – ou même imposer – une réduction pure et simple des montants à rembourser. Les créanciers pourraient alors crier au scandale mais aussi, prudents, se dire que c'est toujours mieux que de tout perdre. La plupart des experts y sont farouchement hostiles, au motif que le risque d'une contagion au reste de la zone euro serait alors trop fort. Echaudés, les créanciers se défieraient aussitôt du Portugal et de l'Irlande et, bientôt, de l'Espagne et de l'Italie. Tout le système bancaire européen pourrait s'écrouler.
Quelques économistes cependant, comme Dominique Plihon, avancent qu'une restructuration est à la fois "inévitable et souhaitable". Les arguments mériteraient de plus amples dévelopements : vous en trouverez un aperçu ici.
Participation "volontaire" du privé
Toute la semaine dernières, les discussions ont porté sur la possibilité de faire participer les créanciers privés (banques, assurances, fonds de pension…) à l’effort de redressement de la Grèce. La Commision européenne, soutenue par le FMI et la France s’est opposée à l’Allemagne. Angela Merkel, soucieuse de plaire à un électorat de plus en plus récalcitrant à aider les "mauvais élèves" était favorable à un rééchelonnement de la dette: allonger de 7 ans le remboursement des emprunts.
Finalement, les dirigeants européens ont mis, un temps, leurs divergences sous le boisseau.
"Les ministres des finances de la zone euro sont d'avis que tout financement supplémentaire pour la Grèce sera de source publique et privée (…) Une participation du secteur privé à un second plan d'aide à la Grèce se fera sur une base volontaire et informelle via un "roll-over" d'obligations grecques arrivant à maturité",
peut-on lire dans le communiqué publié à l'issue de la réunion des ministres des Finances.
Roll-over? Cette opération consiste pour les créanciers à acheter de nouveaux bons au Trésor grec quand les leurs arrivent à échéance. Elle a déjà été mise en œuvre, sous le nom d"initiative de Vienne", quand des banques privées avaient accepté en 2009 de ne pas se désengager d'Europe centrale au plus fort de la crise.
La nuance entre le roll-over et le rééchelonnement – parfois appelé "reprofilage" ou encore "restructuration douce" – n’est pas évidente au premier abord. La BCE et le FMI privilégie la première option: censée ne pas être contraignante pour les investisseurs, elle ne devrait pas provoquer de panique sur les marchés.
Sauf que… Sauf que l'agence de notation Fitch a annoncé mardi qu'un "tel roll-over volontaire de dette comme un défaut et cela entraînerait une qualification de défaut sur la notation de la Grèce".
Le tabou
Un "défaut de paiement", le mot tabou, la peur de tous les dirigeants européens. Un exemple reviens en boucle : Lehman Brothers. La faillite de cette banque, en 2008, avait signé les grands débuts de la crise financière.
Si la Grèce était le premier pays à faire défaut, les regards se tourneraient ensuite vers d'autres pays comme l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, peut-être la Belgique mais aussi la France, quand on voit son niveau de déficit et d'endettement. On ne sait pas où s'arrêterait la contagion,
avertit Didier Reynders.
Les banques françaises et allemandes, particulièrement exposées à la dette souveraine grecque, pourraient sans doute tenir le choc. Mais pas si le choc s'étends à d'autres pays.
Par ailleurs, le spécialiste des marchés Georges Ugeux rappelle qu'un défaut de paiement "s’étendrait a l’ensemble de l’endettement prive et public de la Grèce qui excède largement 1 000 milliards d’euros. Il provoquerait la faillite immédiate des banques grecques, et des banqueroutes à travers l’Europe".
"Européaniser" la dette
Reste une solution, encore peu audible : et si l'Union européenne achetait la dette grecque? Toute entière, tout de suite. Irréaliste? Pas si sûr. Le think tank Terra Nova à planché sur cette idée. Jérôme Cahuzac, président (PS) de la commission des finances de l'Assemblée nationale se déclare "personnellement" favorable à l'achat de quantité massive d'obligations grecques.
Les statuts de la BCE ne l'y autorise pas. Pourtant, rappelle Le Monde, cela "n'a pas empêché la BCE de procéder, face à la crise, d'abord à l'achat de 60 milliards d'euros d'obligations bancaires dites "sécurisées" sur le marché, puis, plus récemment, de 75 milliards d'euros de titres de dettes publiques grecque, portugaise et irlandaise".
Les réticences de la BCE seraient fortes. Rien n'interdit, par contre, d'utiliser les possibilités – même limitées – offertes par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et du futur Mécanisme européen de stabilité (MES).
La capacité effective de prêt du FESF sera portée à 440 milliards d'euros, au lieu de 250 actuellement. Ce mécanisme permetra d'acheter des obligations directement auprès des Etats endettés, mais pas aux créanciers vendeurs. Le MES, qui succèdera au FESF en juillet 2013, sera doté de 500 milliards d'euros.
Article actualisé le 22 juin à 10h30