Le quartier de Short Strand, petite enclave catholique dans un Belfast-Est majoritairement protestant, a connu deux nuits de violence lundi et mardi. Ces troubles inquiètent les autorités qui les qualifient comme les "pires vues dans le secteur depuis bien longtemps".
L'Irlande du Nord n'en a pas complètement terminé avec ses heures sombres. Quelques années après les accords de Stormont signés en 1998 entre les loyalistes, qui veulent que l'Irlande du Nord reste britannique, et les républicains, en faveur d'une réunification avec l'Etat irlandais, les organisations paramilitaires avaient désarmé et les violences étaient plus rares. Selon la police, les émeutes du début de la semaine sont les plus violentes depuis des années. Trois personnes ont été blessées par balle, dont un photographe de presse.
Short Strand, enclave catholique
Lundi dernier, selon les autorités, ce sont les hommes de l'UVF (Ulster Volunteer Force), l'organisation paramilitaire protestante et loyaliste, qui ont débuté les hostilités en s'attaquant au quartier de Short Strand, îlot catholique au milieu de la masse protestante à l'Est de Belfast. Des maisons ont été endommagées et des coups de feu ont été tirés durant la nuit et dans la matinée. L'opération était apparemment préparée puisque les membres de l'UVF portaient des masques et des treillis.
Malgré les appels au calme, la réponse des catholiques du quartier ne s'est pas fait attendre: dès le lendemain soir, les deux groupes – plus de 700 personnes selon les autorités – se sont retrouvés dans les rues, déclenchant des feux au cours de leurs affrontements. Trois personnes ont alors été blessées par balle et une jeune femme a été arrêtée.
Les organisations confessionnelles paramilitaires sont censées avoir renoncé à la violence et rendu les armes il y a 5 ans. Ces émeutes montrent qu'elles sont toujours fortement implantées dans les quartiers catholiques et protestants de Belfast.
Un manque de représentation politique
Ces violences soudaines peuvent avoir plusieurs explications. La première des hypothèse est politique: les élections de l'Assemblée d'Irlande du Nord ont été remportées, au début du mois de mai dernier, par la coalition regroupant les deux principaux partis catholiques (Sinn Fein) et protestants (PDU), cheville ouvrière du processus de paix. Ce résultat a pu décevoir une certaine frange de la population et pousser certains extrêmistes à agir pour remettre en cause le statu quo.
C'est du moins l'analyse qu'en fait Jane Morice, ancienne députée en Irlande du Nord, désormais chargée des questions de paix au conseil économique et social européen.
A mon avis, maintenant, c’est un problème de confiance. La communauté protestante n’a plus de représentant politique à l’Assemblée en Irlande du Nord depuis les élections de mai et ils sont devenus beaucoup plus agressifs. Là, ça a explosé".
Des violences toujours présentes
Cette recrudescence de la violence inquiète les autorités et les politiques nord-irlandais très engagés dans un processus de paix encore fragile et récent. Tous ont regretté cette dérive. Le Premier Ministre Enda Kenny a fermement condamné les violences en dénonçant "des petits groupes qui essayaient d'enflammer la situation et d'exploiter ensuite les conséquences de ces émeutes".
Il a renouvelé, comme tous les autres acteurs politiques, son soutien à Peter Robinson, l'actuel Premier ministre loyaliste d'Irlande du Nord, et à Martin MacGuiness, ancien dirigeant de l'IRA (Irish Republican Army), et désormais vice-Premier ministre, qui a déclaré:
J’appelle les personnes impliquées dans les violences à se retirer et à rester calme. Je soutiens tous les efforts des leaders communautaires, qui, des deux côtés, ont œuvré sur le terrain pour restaurer le calme dans Belfast-Est".
Leur volonté est clairement de ne pas provoquer de panique générale qui menacerait une paix encore jeune.
Une majorité pacificiste
La mort d'un policier lors d'un attentat au début du mois d'avril dernier à Omagh, petite ville d'Irlande du Nord, avait déjà provoqué l'émotion dans le pays et sur l'île, rappelant que malgré la trêve, la situation est encore sensible.
Encore une fois, ce sont mes habitants d'Irlande du Nord qui sont les premiers choqués par ces montées de violence. Elles rappellent de mauvais souvenirs, pas si lointains, à une écrasante majorité de la population qui ne veut pas retomber dans la guerre civile.