Un rapport resté secret depuis 2008 révèle les fraudes commises par certains députés européens qui détournaient avec beaucoup d'imagination l’argent censé rémunérer leurs assistants. L’adoption de nouvelles règles doivent avoir mis fin à ces dérives en 2009.
Détournements de fonds publics à des fins personnelles, cumul des indemnités parlementaires par des asistants, conflits d'intérêts entre élus et prestataires: il y avait vraiment quelque chose de pourri au royaume des eurodéputés.
C'est ce que révèle un audit partiel réalisé par les services du parlement européen en…2008. Il avait été mis sous le boisseau depuis car jugé trop explosif. Le rapport ayant été partiellement publié sur Wikileaks puis repris par Euractiv, le Parlement vient finalement de le publier avec trois ans de retard. Mais non sans mal. Il aura fallu également un jugement au début du mois émanant de la Cour de Justice de l’UE et trois ans de pressions pour que le Parlement européen dévoile enfin ses vilains petits secrets.
Robert Galvin, l'auditeur du Parlement européen qui a réalisé le rapport avait soulevé ces lièvres en passant au crible seulement 167 paiements effectués en Octobre 2004 sur un total de 4 686. S'il avait tiré le fil pour l'ensemble des dépenses des élus à l'assemblée européenne, son tableau de chasse aurait été sans nul doute beaucoup plus important. Ce document secret avait néanmoins eu le mérite de précipiter la réforme du statut des assistants parlementaires en 2009.
Certains députés auraient ainsi falsifié des contrats afin de toucher une partie du montant de l’enveloppe mensuelle reçue par chaque membre pour rémunérer leurs collaborateurs. Celle-ci s’élevait à environ 12 500 euros par mois, soit un total de 118 millions d’euros pour les 785 eurodéputés.
12 500 euros par mois
À l’époque, il existait trois types de contrats – emploi direct par le député, contrat passé avec un prestataire de service, contrat passé avec un agent – et vingt-sept systèmes de taxation et de sécurité sociale différents pour les assistants.
Le flou était particulièrement important lorsque ces derniers travaillaient comme prestataires de services car les tâches que les assistants étaient censés accomplir n’étaient pas précisées. De plus, il n’y avait pas de plafond pour le montant mensuel de rémunération pour un seul collaborateur.
Résultat des courses:
- L’enveloppe totale des 12 500 euros s’est retrouvée dans la poche d’un seul prestataire de service ou même à une entreprise sans preuve que ses prestations aient été réalisées.
- Deux cas de paiement vers un prestataire de services s’occupant d’activités totalement déconnectées avec le Parlement. Le premier concerne le commerce du bois. Le deuxième qui sort du lot correspond à des paiements vers une crèche dont le gérant était un politicien local du même groupe que le député en question !
- L’étude relève de cocasses irrégularités dans les paiements effectués aux assistants lorsque leur député n’a pas été réélu lors des élections européennes de 2004. Un assistant a fait particulièrement fort : il a accumulé les indemnités de départ de cinq eurodéputés, continué à recevoir les paiements de trois membres réélus et ceux de quatre nouvellement élus ! Ces manigances lui ont permis à l’assistant d'être payé pendant la période de préavis de trois mois par les 12 eurodéputés.
Un député paye sa société
Un nouvel examen de 22 rémunérations ponctuelles effectuées en novembre et décembre 2004 a permis de mettre à jour d'autres profondes irrégularités.
- L’organisation qui servait de prestataire de service et recevait les fonds appartenait en fait au député lui-même! Pas le moindre justificatif détaillé n’a été fourni dans 18 des cas. Un des paiements a été effectué sans déduction de charge ni de sécurité sociale à un compte en banque situé dans un pays qui n’était pas le pays de résidence ni de travail de l’assistant…
- Près de 80% des paiements pour lesquels s’appliquaient les règles de TVA ne présentent pas de documents prouvant l’enregistrement ou l’exemption.
Depuis, le statut des assistants parlementaires a été réformé et réglementé. Ces collaborateurs ont désormais des contrats directement passés avec le Parlement européen qui prend en charge leur rémunération, leur couverture sociale et maladie ainsi que le paiement des prestations aux régimes des retraites et les allocations d’invalidité.
La réforme n’a rien coûté aux contribuables car les dépenses sont retenues sur l’enveloppe mensuelle perçue par chaque député.