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« Universités d’excellence », des usines à chômeurs ?

mardi, 28 juin, 2011 - 10:16

La France lance son "initiative d’excellence" pour l'Université financée par le "grand emprunt". Paris devrait cependant méditer l’exemple allemand. En renforçant son enseignement et sa recherche, Berlin a formé de nombreux surdiplômés, mais ils sont souvent au chômage.

Présentant le 27 juin un premier bilan d’étape sur les projets qui seront financés par le "grand emprunt" lancé en 2009, le président de la République, a annoncé que 19 milliards sur les 35 milliards d’euros iront à la recherche et à l’enseignement supérieur. Objectif: doter la France d’une force de frappe universitaire capable "de rivaliser avec les meilleures universités mondiales", a précisé Nicolas Sarkozy.

Ces fonds devraient, notamment, permettre de créer 5 à 10 pôles universitaires qui recevront au total 7,7 milliards d'euros. Sept lauréats ont déjà été présélectionnés: deux projets de campus parisiens (Sorbonne Universités et Paris Sciences et Lettres) et cinq en province (Bordeaux, Grenoble, Lyon, Strasbourg et Toulouse).

Une dotation de trois milliards d'euros reviendra également à cent projets de laboratoires. Six instituts de recherche technologique (aéronautique, ferroviaire, nanotechnologies, matériaux composites…) recevront pour leur part deux milliards. La construction de six "super CHU" (Centres hospitaliers universitaires) est également dans les cartons. Enfin, 1 milliard d'euros sera attribué aux formations innovantes dans la recherche et l'université.

Une démarche brouillonne

Le chantier universitaire est en passe de devenir "la" réforme du quinquennat, selon le chef de l’Etat. Sauf que, pour le moment, il est bien difficile d'en prévoir les retombées: les universités et les laboratoires ne pourront pas puiser directement dans l'enveloppe qui leur est attribuée, mais seulement engager les intérêts générés par ces dotations en capital – soit entre 30 et 40 millions d’euros par an.

Par ailleurs, au terme d'une quinzaine d'appels d’offre, tous les lauréats ne sont pas encore connus. D'autres procédures sont encore en cours et certains dossiers recalés (comme celui de Saclay) pourraient être repêchés.

Si la démarche française rappelle celle lancée en 2008 par l’Allemagne, elle est en revanche beaucoup plus brouillonne. Berlin s’étaient contenté à l’époque de lancer trois appels d’offre. Autre différence: les fonds injectés dans les universités d’outre-Rhin (1,9 milliard d’euros entre 2008 et 2011) étaient des subventions, directement mobilisables, et non des dotations en capital. Le gouvernement vient, par ailleurs, de lancer le second volet de cette initiative dotée de 2,7 milliards d’euros pour les années 2012 à 2017.

Docteurs sans avenir

L’initiative d’excellence allemande a permis de recruter plus de 4 000 chercheurs dont le moitié sont des doctorants. Une réussite. Sauf que leur insertion professionnelle commence à poser problème, comme le note le site Internet du magazine Die Zeit fustigeant "l’usine à docteurs sans perspectives d’avenir".

L’un d’entre eux estime qu’après l’obtention de son diplôme, il ira directement pointer au service pour l’emploi ou devra accepter un des mini-job offerts Outre-Rhin à des demandeurs d’emploi de longue durée…

Nous avons formé toutes ces personnes super qualifiées pour qu’elles partent à l’étranger,

regrette Dagmar Simon, chercheuse au centre scientifique de recherche en sciences sociales (WZB) de Berlin, cité par Die Zeit.

Les créations de postes dans les universités et les centres de recherche restent insuffisantes pour accueillir ce surcroît de diplômés. A Heidelberg, par exemple, 60 % des nouveaux docteurs n’ont eu aucune proposition d'embauche. La situation est particulièrement critique pour ceux qui ont choisi les sciences sociales.

10 % de docteurs au chômage

En France, avant même le lancement des projets financés par le Grand emprunt l’insertion professionnelle des super diplômés pose problème. Selon une étude du Conseil d’analyse stratégique (CAS) s’appuyant sur les chiffres de 2007 (les derniers disponibles) 10 % des diplômés avec un doctorat étaient au chômage. soit 3 % de plus que ceux du niveau masters…

Seules quelques disciplines – l’informatique, les sciences de l’ingénieur, les maths, le droit, les sciences économiques, la gestion – faisaient mieux que la moyenne, à l'inverse des docteurs en lettres, sciences humaines et Chimie.




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