Plus de 3 millions de fonctionnaires britanniques seront en grève jeudi. Bob Abberley, secrétaire général adjoint d’Unison, principal syndicat de la fonction publique, fait le point sur les ultimes négociations sur les retraites avec le gouvernement.
Pourquoi cette grêve maintenant? Aucun compromis n'a-t-il été possible avec le gouvernement?
Non, malheureusement, car nous préférons les négociations à la grève : n’oubliez pas que cela signifie pour nous un manque à gagner! Mais le gouvernement préfère l'affrontement. Vince Cable, le ministre au commerce, nous me menace: "Je crois au droit de grève mais si vous l'utilisez nous durcirons la loi !", nous a-t-il dit. La loi stipule pourtant déjà qu’au bout de trois semaines de grève, les employés perdent le droit d’attaquer leur employeur pour "licenciement abusif"…
Quels sont vos objectifs ?
Nous allons devoir gagner le public à notre cause, lui expliquer pourquoi ce combat est juste. Si le gouvernement veut se faire réélire, il ne peut pas se permettre d’être impopulaire. Cela n’est pourtant pas facile car, contrairement à ce qui se passe en France par exemple, même si nos syndicats sont plus représentatifs, faire grêve n'est jamais très populaire.
Que veut le gouvernement ?
Il veut retarder de plusieurs années l’âge de la retraite, à 66 ans et probablement à 68 ans à moyen terme. Par ailleurs, la réévaluation annuelle des retraites est basée actuellement sur l’index des prix de détail. Le ministre des retraites, Steve Webb, entend le caler sur l’indice des prix à la consommation, qui est généralement inférieur de 1% à 2% au précédent. Il veut ensuite que la retraite ne soit plus calculée sur les derniers salaires perçus mais sur une moyenne. Il demande également une hausse des contributions des employés d’en moyenne 3%.
Mais le gouvernement estime que les retraites ne seront plus financées sans ces réformes…
C’est ce qu’il prétend et ce qu’il essaie de faire croire via la presse pour faire passer des réformes avant tout idéologiques. Les retraites des fonctionnaires sont toutes payées via des programmes différents: certaines sont intégralement autofinancées via des fonds d’investissements, d’autres sont totalement financées par l’Etat. Pour ces dernières, l’Etat a déjà opéré une hausse des contributions des salariés en 2007 et l’âge de la retraite a déjà été relevé dans tous les corps de métier, ce qui nous paraît plus que suffisant.
Oui, mais depuis les finances des Etats se sont encore dégradées…
Non, ce n’est pas le cas. L’économie redémarre, comme le prouvent les bénéfices engrangés par les banques et les fonds de pension. D’ailleurs, le gouvernement fait un calcul à très court terme: il oublie que les employés investissent leurs retraites dans des fonds de pension et qu’en retour ceux-ci investissent massivement dans l’économie britannique.
Si Le Premier Ministre continue de vouloir réduire les retraites, les employés arrêteront d’investir à travers ce moteur et toute l’économie en souffrira. Enfin, la hausse de 3% de la contribution des employés est injuste car elle ne sera pas forcément utilisée pour améliorer le financement du système, mais pour réduire d'un poucentage identique la contribution patronale. Actuellement, les employeurs paient environ 25% du salaire en cotisation retraite, les employés 6% à 7% selon les cas.
Les retraites des fonctionnaires restent néanmoins supérieures à celles du secteur privé…
C’est à la fois historique et conjoncturel. Les retraites du secteur privé ont plongé depuis la crise et sont donc inférieures à celle du service public car les employeurs profitent de la conjoncture pour transférer une partie de leurs difficultés sur leurs salariés. Ils partagent les difficultés mais ne sont pas pour autant prodigues lorsque les affaires marchent bien…
Et, traditionnellement nombre de Britanniques devenaient fonctionnaires, même si les salaires étaient ridiculement bas, car ils savaient que leur retraite serait bonne. Désormais, ils risquent de se retrouver avec des salaires très limités -ils ont déjà été gelés pour trois ans- et des retraites très basses. Avec pour seule perspective l’objectif du gouvernement: une retraite généralisée de 140£ (160 euros) par semaine…