Le traditionnel débat sur l'état de la nation a un echo particulier cette année en Espagne. Les Indignés ont en effet organisé leur propre débat afin de porter la voix des nombreux Espagnols fatigués par les réformes du gouvernement. Car les politiques ne semblent toujours pas prendre la mesure du malaise social.
Les politiques tiennent pendant trois jours, du 28 au 30 juin, le traditionnel débat annuel sur l’état de la nation. Qu’à cela ne tienne, les Indignés ont organisé leur propre débat, partant du principe que les politiques ne les représentent pas, pour discuter des questions qui préoccupent vraiment les citoyens espagnols.
Affrontements politiques
Loin des "calculs électoraux" et du "marketing politique" à l’œuvre au sein du Parlement pendant ces trois jours, selon les membres du 15-M, les Indignados se sont réunis mercredi soir à 19 heures pour débattre des questions d’économie et de droits sociaux. Ils feront de même jeudi soir, sur les problématiques politiques et les questions de citoyenneté.
Il est certes vrai qu’il flottait comme un parfum de précampagne pendant le débat sur l’état de la nation, dernier de la législature et du parcours de président de José Luis Rodriguez Zapatero, qui ne se représentera pas aux élections législatives prévues en mars 2012. Le principal parti d’opposition, le Parti Populaire (PP, conservateur) a réitéré sa demande devenue habituelle d’élections anticipées, secondé par le parti nationaliste catalan Convergencia i Unió (CiU) dont le porte-parole, Josep Antoni Duran i Lleida, a estimé que [le temps de] "la législature est épuisée". Traditionnelles revendications et critiques virulentes à la gestion du Gouvernement de Zapatero ont ainsi constitué une partie du menu de ce débat.
Pendant ce temps, les Indignés exposaient leurs idées sur l'économie devant 500 personnes réunies sur la Puerta del Sol de Madrid. Abolition des paradis fiscaux, rétablissement d’une banque publique, taxe Tobín, dérogation d’une partie des réformes du Marché du Travail et des retraites adoptées sous l’impulsion du Gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero… Telles sont quelques unes des propositions exposées par le groupe de travail Economie qui a vu le jour à Sol il y a quelques semaines.
Les résolutions du Parlement
Alors que depuis des semaines, le Mouvement du 15-M et d’autres plateformes citoyennes bloquent les expulsions de logement, les politiques semblent ainsi avoir pris conscience de ce problème crucial pour nombre de familles. Les socialistes, le PP et CiU ont passé un pacte et voté en faveur d’une résolution qui empêche les banques de se saisir des salaires inférieurs à 931 euros au lieu des 641 euros, l'équivalent du SMIC en Espagne. D’autres mesures protectrices ont été approuvées. Toutefois, la principale revendication des membres du 15-M n’a pas été entendu. Le principe de la dation en paiement, qui consiste à ce qu’une dette soit liquidée une fois l’immeuble saisi par la banque, ne sera pas appliqué.
En revanche, les députés ont approuvé une résolution qui demande au Gouvernement de présenter le projet de loi sur la Transparence et l’accès à l’information publique, et de donner de l’impulsion à une stratégie de gouvernement ouvert. Nul ne sait si cela sera suffisant pour éradiquer la corruption, comme le souhaite le 15-M.
Par ailleurs, une autre surprise est venue du Parti Socialiste (PSOE), au pouvoir actuellement, qui a appuyé une résolution de deux partis régionalistes de soutenir auprès des instances européennes le principe d’une taxe sur les transactions financières.
Une avancée toute relative
A moins d’un an des législatives, rien n’indique que ces quelques efforts contribuent à ce que les Indignés se sentent mieux représentés par leur classe politique. Ces résolutions, toutes timides soient-elles, n’en indiquent pas moins que certains messages du 15-M commencent à être entendus.
Toutes les propositions du 15-M n’ont pas été reprises au Parlement, très loin s’en faut. Le débat des députés s’est toutefois achevé jeudi sur l’adoption d’un ensemble de résolutions dont certaines répondent en partie aux revendications des Indignés. Dès mardi, le chef du gouvernement socialiste avait créé l’expectative en annonçant de nouvelles réformes, plus clairement de gauche que la politique de rigueur qu’il a menée depuis un an sous la pression de l’Union Européenne et des marchés : aide aux familles qui ne peuvent pas rembourser leur hypothèque, plafond de dépenses imposé aux régions, aides aux entreprises subissant les retards de paiement des administrations locales…