La Pologne, en pleine boom économique, prend la tête d'une Union européenne déprimée et secouée par la crise grecque. Varsovie entend profiter de ces 6 mois pour passer du statut de nouvel élève à celui de chef d'orchestre.
Une femme en robe bleue, seule sur un banc. Elle est très belle, mais froide, et manque de vie. Un homme en chemise rouge, souriant, s'approche et esquisse quelques pas de danse. Sa démarche est gracieuse, mais ferme. Il entraîne la femme en bleu dans une valse qui lui redonne vie.
Le décors s'anime et devient féérique. Une pluie de scintillantes étoiles jaunes tombe, la foule danse. Un sourire s’ébauche enfin sur le visage de l’héroïne, la déesse Europe de l'Antiquité. L’homme symbolise la Pologne.
Dans le film de Tomasz Bagiński – nomminé aux Oscars en 2003 pour ses animations -, destiné à promouvoir la présidence polonaise du Conseil de l'UE, "tout se base sur une métaphore de la valse et du changement auxquelles la Pologne invite l'Europe".
A la baguette
C’est une Pologne fière, ambitieuse et optimiste, qui prend la présidence du Conseil de l’Union européenne le 1er juillet: sept Polonais sur dix convaincus que ce nouveau rôle améliorera l’image du pays sur le continent et dans le monde.
Championne de l’euro-enthousiasme, avec huit Polonais sur dix satisfaits d’une communauté qu’ils considèrent comme une élite, la Pologne n’est plus le nouvel élève de l’UE, mais bel et bien un membre de plein droit, nouveau chef d'orchestre des négociations entre les ministres des Vingt-Sept pour les six mois à venir.
Le tiroir-caisse européen
En Pologne, on oublie pas le 1er mai 2004, jour de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, quand l’hymne à la joie, l’hymne de l’Europe, retentissait dans tout le pays, assourdissant la marche funèbre des eurosceptiques et des souverainistes.
Finis, les temps où ces derniers annonçaient l’avenir cauchemardesque d’une vierge Pologne qui allait être souillée par l’ogre bruxellois ; où les agriculteurs, aujourd’hui premiers bénéficiaires de l’adhésion, craignaient de voir les Allemands venir racheter leurs terres chéries et leurs productions submergées par des produits d'importation.
Dans les années 2014-2020, la Pologne recevra 67 milliards d’euros de la caisse européenne, autant que dans l’enveloppe prévue pour 2007-2013. Juste un tiroir-caisse, l’Union, pour les Polonais ?
Certes, la manne bruxelloise aura marqué les esprits. Tous ces euros sont "palpables" pour les Polonais qui les voient partout, dans les grandes villes comme dans la Pologne profonde, avec comme preuves à l’appui les panneaux bleus aux étoiles jaunes sur les ponts, les passerelles, les routes, les stations d’épurations, dans écoles et les hôpitaux.
Solidarité
Mais la Pologne a, semble-t-il, mûri et entend jouer le rôle nouveau de "moteur de l’intégration européenne", comme l’annonce le Premier ministre Donald Tusk. Derrière les quatre grandes priorités annoncées par son gouvernement libéral (sécurité énergétique, budget, libre circulation et partenariat oriental) le principe de solidarité, si cher aux Polonais qui se souviennent encore de leur formidable élan pour la liberté qui a entraîné la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Europe, revient en leitmotiv.
C’est d’ailleurs Jerzy Janiszewski, l’auteur du fameux logo de Solidarnosc, qui a conçu celui de la présidence polonaise – composé de flèches symbolisant des valeurs comme la dynamique, l’énergie positive et la solidarité.
Impatience
Au moment d'entamer son parcours de chef dans le dédale européen parsemé de sombres ruelles d’égoïsmes nationaux, ranimés par l’ambiance morose dans la zone euro, la crise grecque et la nouvelle vague d’immigration venant du sud – la Pologne est au moins dans une situation confortable.
Ce grand pays européen de près de 40 millions d’habitants se porte très bien en comparaison de ses voisins, avec une croissance de 3,8% en 2010, et même 4% et 4,2% prévus respectivement pour 2011 et 2012. A cela vient s’ajouter l’euro-enthousisame de l'opinion publique polonaise et les grandes attentes des élites européennes qui, après une présidence hongroise jugée médiocre, s’impatientent de voir un partenaire polonais, perçu comme solide et prévisible, faire ses preuves. Le défi est de taille et la barre est mise très haut.