Depuis vendredi dernier, la crise de la dette menace de se propager à l'Italie. La presse transalpine dénonce des attaques spéculatives injustes mais pointe surtout la responsabilité des dirigeants politiques, Silvio Berlusconi en tête, qui a perdu toute crédibilité. Comble de l’humiliation, le gouvernement semble attendre un coup de téléphone d’Angela Merkel pour savoir quoi faire.
Pour les éditorialistes italiens il n’y a pas de doute: l’attaque spéculative qui secoue ses places financières depuis le "vendredi noir" a un goût très amer et le pays a maintenant touché le fond. Comble de l’humiliation, le gouvernement semble attendre un coup de téléphone d’Angela Merkel pour savoir quoi faire…
Une "tempête parfaite"
C’est un cas d’école exemplaire explique Mario Deaglio dans La Stampa, l’Italie se trouve aujourd’hui dans ce que l’on pourrait appeler "une tempête parfaite. A la fois financière, économique et politique", et il serait donc illusoire de pouvoir "arranger une de ces dimensions sans penser aux autres".
En particulier s’il on pense que l’attaque spéculative qui a pris dans sa ligne de mire le déficit public et la bourse italienne "pourraient être au centre d’une bataille plus vaste entre l’Euro et le Dollar dans une situation de fort désordre monétaire mondial".
Discrédit politique
Mais de ces trois sphères, celle qui est prise pour cible par la presse nationale est bien, avant tout, celle de la politique: Ezio Mauro, dans La Reppublica, estime que le problème réside dans
le leadership de Silvio Berlusconi, qui n’est plus garant politique ou institutionnel, ni pour son pays ni pour l’extérieur, avec une majorité purement numérique, dévastée par les scandales".
Ferrucio Bortoli du Corriere della Sera analyse la crise des marché comme la mise en évidence dramatique d’un déficit d’image d’un "exécutif divisé, théâtre de rivalités internes et affaibli par les enquêtes de la magistrature". De la loi financière [le plan qui vise à assainir les comptes publics], "nous n’avons pas compris grand-chose, imaginez ce que peuvent en avoir pensé les observateurs internationaux qui, de plus, se défient souvent [de notre pays]".
Besoin d’unité nationale
Depuis vendredi, le président de la République italienne Giorgio Napolitano a appelé à plusieurs reprises à l’unité nationale et à un retour de confiance:
Si nous sommes sérieux, nous n’avons rien à craindre,
s’est-il exclamé.
"Malheureusement, jusque là, nous l’avons pas été. Et les marchés nous le font payer cher. Très cher", commente le Corriere della Sera qui rejoint l’analyse du président de la République:
Les marchés ont besoin de signaux clairs. S’en prendre à la spéculation internationale ne sert à rien (…) Il faut que la majorité et l’opposition se retrouvent, pour une fois, sur une ligne responsable tracée par Napolitano et que le PD [Parti Démocrate], UDC [Union Démocratique du Centre] et IDV [Italia Dei Valori] se mettent d’accord pour limiter les amendements [du plan d'austérité]. Que l’on pense au pays, et pas aux votes".
La loi financière discutée depuis quelques semaines déjà, a été, de fait, l’objet de maintes négociations et marchandages au sein de la coalition de droite.
Redonner confiance
Le journal économique Ilsole24ore cherche, de son côté à regarder plus loin que la crédibilité fort abimée du président Berlusconi ou du Ministre des Finances Tremonti, entrainés dans les scandales financiers et de corruption à répétition.
S’il faut reconstruire "confiance et crédibilité" c’est bien sur le long terme. Les deux experts Luigi Guiso et Luigi Gonzales prennent l’exemple de De Gasperi, l'un des pères fondateurs de l’Union européenne, qui, lorsqu’il s’est installé aux tables des négociations en 1946 était surtout admiré pour son aura personnelle de militant antifasciste emprisonné pendant la guerre.
Hors, l’Italie manque de De Gasperi dans son monde politique, comme dans son monde de l’entreprise. Selon un enquête Eurobaromètre qui a interrogé les principaux hommes d’affaires européens, les Italiens sont les moins crédibles, derrière leurs collègues grecs. "Sans un regain général de confiance et de crédibilité", concluent les deux auteurs de Ilsole24ore, "l’Italie ne pourra pas survivre en Europe".
Honte, exaspération donc, qui se résume dans la phrase de clôture de l’éditorial de Deaglio dans La Stampa:
A 150 ans de la formation de l’état italien, l’Italie a encore beaucoup de choses à dire au plan mondial et ne devrait pas avoir besoin d’un coup de téléphone de la chancelière allemande pour savoir quoi faire.