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Défendre le droit à la sieste n’est pas de tout repos

mardi, 19 juillet, 2011 - 11:12

Les syndicats allemands réclament une sieste, pause bénéfique pour la santé du travailleur et son efficacité. Mais, piquer un petit somme se heurte toujours à des stéréotypes… véhiculés par la Chancelière Angela Merkel en personne. Les Allemands font pourtant déjà plus la sieste que les Espagnols ou les Grecs.

Les Romains l’avaient compris: à partir de la sixième heure d’éveil, la circulation du sang est instable et la température du corps baisse. Le corps a alors besoin d’une pause de 20 minutes tout au plus, la sieste, du latin "sexta hora".

Du coup, comme l’affirme Jürgen Zulley, professeur de biologie psychologique à l’université de Regensburg, après une sieste, "nous réagissons plus vite, avec plus d’attention, notre mémoire est améliorée et nous sommes de meilleure humeur".

Selon le professeur, la sieste était la norme dans l’ensemble de l’Europe jusqu’à l’industrialisation avant d’être abandonnée au Nord et toujours pratiquée au Sud.

D’ailleurs, 85% des mammifères dorment plusieurs fois par jour, donc pourquoi pas les Allemands ?

Les syndicats pour la sieste

L’idée leur plaît. Pour preuve, la réaction d’Annelie Buntenbach, reponsable politique des Grünen, (les Verts)  et membre de la Direction de la confédération allemande des Syndicats.

La semaine dernière, à la question posé par le quotidien TAZ à ses lecteurs,  "l’Allemagne a-t-elle besoin d’une sieste ?", Annelie Buntenbach a répondu en expliquant qu'

une petite sieste réduit le risque d’infarctus et permet de refaire le plein d’énergie.

La syndicaliste déplore également que la sieste soit en recul même dans des pays comme l’Espagne où elle est censée est une sacro-sainte institution :

Même si la sieste ne va plus de soi dans beaucoup de pays d’Europe du Sud parce qu’on y travaille dans des salles climatisées, elle est en tout cas saine".

La sieste gagne le public et le privé

Déjà plusieurs entreprises allemandes acceptent que leurs employés piquent un petit somme et ont même aménagé des salles prévues à cet effet. Ainsi, qui travaille à Hornbach, BASF, Lufthansa ou Opel peut "siester".

De la même manière, petit à petit, les administrations ont suivi le mouvement. Par exemple, la ville de Vechta, en Basse-Saxe, a mis – dès 2000 – à la disposition de son personnel une salle où de relaxation. Selon Frank Käthler du département de l’encouragement de l’économie, la salle est utilisée par presque tous les employés municipaux, convaincus qu'un petit roupillon leur fait du bien.

Depuis, l’administration du quartier de Charlottenburg, à Berlin, permet elle aussi à ses employés de piquer du nez au milieu de la journée.

"Mauvaise image"

La sieste ne fait pourtant pas encore l’unanimité. Erwin Heller, président de l’association autrichienne pour la décélération du temps (sic) affirme ainsi que si les travailleurs faisaient la sieste,

il en résulterait une journée patchwork qui détruirait le rythme et le vivre-ensemble familial de manière irrémédiable.

Bigre! La famille serait ainsi menacée par une pratique quotidienne de la sieste… Tous les arguments, même les plus fallacieux semblent bons pour les anti-sieste.

Ainsi, certains n’ont pas réussi à faire accepter la sieste dans leurs bureaux. Par exemple, le maire de Peine, en Basse-Saxe, un adepte de la sieste, est bien à…la peine. Comme il a l’habitude de piquer un somme, les pieds sur son bureau après le déjeuner, il a voulu inciter ses employés à faire de même. Pourtant ces derniers se sont opposés à l’installation de chaises longues car, explique-t-il, "ils avaient peur de véhiculer une mauvaise image".

Madame Merkel, une petite sieste ?

N’en déplaise également à Angela Merkel, une étude de 2002 de la revue Neurology affirme que 22% des Allemands font la sieste au moins trois fois par semaine contre 16% des Italiens, seulement 9% des Portugais et 8% des Espagnols, contre toute idée reçue.

Des chiffres que la chancelière ne devait pas connaître quand elle a explicitement sous-entendu que le Sud de l’Europe était paresseux comparé à un Nord besogneux:

Nous ne pouvons pas avoir une monnaie si l’un a beaucoup de vacances et l’autre très peu. Ça ne marche pas ensemble sur la durée.

Là aussi, Angela Merkel a dû revoir sa copie car comme le montre une étude OCDE parue l’année dernière, alors qu’on travaille en moyenne 1 430 heures par an en Allemagne, ce chiffre s’élève à 2 120 heures en Grèce et 1 647 heures en Espagne.

De quoi faire réfléchir à la prochaine récré Juri, 5 ans, qui avait commenté au Taz que la sieste c’était "pour les nuls".

 




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