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La Guerilla Gardening passe à l’offensive à Paris et Berlin

jeudi, 21 juillet, 2011 - 10:06

Sous l'étendard de la Guérilla Gardening, des guérilleros se battent avec pelles et bêches pour des villes plus vertes. Nos reporters de guerre potagère sont montées au front à la reconquête de l'espace public par les plantes. Une campagne menée, fleur au stylo, à Paris aujourd'hui et demain à Berlin.

Sylvain a une après-midi pour me faire comprendre ce qu’est la Guerilla Gardening. Dès ma première question, je cerne une lueur de consternation dans ses yeux : "La Guerilla Gardening c’est plutôt un mouvement, une initiative populaire ou du jardinage politique ?"

Bon alors, pour bien commencer, c’est re-questionner l’espace public, se réapproprier les lieux à l’abandon sans demander l’autorisation et, part là, reverdir la ville et créer du lien social. Mais la Guerilla Gardening c’est totalement apolitique, ça se passe au quotidien".

OK, je vais zapper la question sur ce qu’il pense de Nicolas Hulot.

"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"

La visite de la jungle parisienne commence au QG des Guérilleros, dans le 20ème, au croisement de la rue des Orteaux et la rue Vitruve. C’est à l’extérieur d’un atelier d’artistes, le C’est pointé, que les jardiniers ont posé leurs pelles et leurs pioches, il y a deux ans. La nature a repris sa place dans cet ancien garage dont la surface bétonnée a été retournée, bêchée et plantée à la volée. Maintenant, un abricotier de plus de trois mètres a remplacé une place de parking.

Ici, les guérilleros expérimentent et construisent en appliquant à la lettre la maxime de Lavoisier : les palettes de livraison deviennent des bancs, les vieux ordinateurs, des cafetières et même du lino retrouve une seconde vie en pot-de-fleurs. Au-delà du terreau et de leurs outils, rien n’est acheté dans les circuits traditionnels : les graines sont récupérées, séchées pour être ensuite replantées grâce au compost utilisé par  les habitants du quartier qui le souhaitent.

 

La visite du QG se termine lorsque mon guide me montre fièrement leur chariot, lui aussi fabriqué de toutes pièces : 

Tu vois, à chaque action on l’emmène avec les végétaux et tout le reste dessus".

D’ailleurs, je sens l’impatience de Sylvain : ces fameuses actions, il est temps d’aller les voir.

Travail d'équipe

Sylvain m’emmène au jardin du 56, où l’Amap Saint-Blaise (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) fait son marché bio deux fois par semaine. La Guerilla Gardening y a construit des structures en bois. Ces coopérations, que les Guerilleros aiment réaliser avec d’autres organisations comme les jardins partagés, deviennent un relai pour la Guerilla Gardening. Et chacun y trouve son compte en s’échangeant, par exemple, des plantes ou des conseils.

       

La Guerilla Gardening de Paris a ainsi aménagé avec l’association Vert à soi le jardin partagé Beaudélire, rue Beaudélique, dans le quartier de Clignancourt. C'est un jardin éphémère car, dans quatre ou cinq ans, un immeuble sera construit à sa place. Mais désireuse de ne plus avoir un terrain en friche truffé de détritus, l’association a fait appel aux Guérilleros qui ont alors aménagé un système de potager afghan en pente. A présent, les riverains souhaitant profiter d’un peu de verdure peuvent s’y rendre de 15h à 18h30. 

Un vert pas seulement esthétique

Mais retour dans le 20ème, rue Saint-Blaise car à quelques mètres du jardin 56 se trouve une installation récente des Guerilleros assez révélatrice de leurs intentions : le contour de l'arbre n’étant pas grillagé comme il en est coutume à Paris, ils y ont  semé quelques graines et fabriqué une structure pour le protéger. Un mois après, l’installation est toujours là et des coccinelles ont élu domicile dans ce triangle vert.

Le but du collectif  n’est pas seulement  de faire joli en aménageant un jardin clef en main avec pelouse verte et plants de géraniums. Comme me l’explique Sylvain, l’un des propos de la Guerilla Gardening "est même de dénoncer les jardins uniquement contemplatifs. Nous préférons celui où tu peux venir planter des végétaux : un massif de framboisier par exemple, c’est joli et c’est utile".

La preuve en image quelques minutes plus tard, rue des Vignoles, à l’entrée d’un immeuble. Ici, les Guerilleros sont venus bêcher un terrain d’une quinzaine de mètres carré pour y planter salades, oseille et autres plantes potagères. Cette parcelle était laissée à l’abandon alors qu’une dizaine d’appartements donne sur cet espace, devenu vert grâce à leur travail.

Impliquer pour responsabiliser…

Si elle cherche à embellir l’espace, la Guerilla Gardening veut avant toute chose "interpeller les gens, essayer de faire bouger les choses pour que les riverains voient l’espace se transformer, et ensuite en prennent soin". De fait, les jardiniers militants ne laissent pas les plantes à l’abandon et souhaitent "responsabiliser les habitants".

C’est d’ailleurs pour cette raison que la Guerilla Gardening n'a pas de statut associatif. Le collectif préfère ne pas avoir de hiérarchie.

Il n’y a pas de chef, seulement des personnes plus ou moins impliquées".

Ainsi, chacun peut venir et mettre la main à la pâte même sans y connaître grand chose aux végétaux, les Guérilleros sont là pour aider les novices.

… ça marche

Fidèles à leur slogan "Tôt ou tard, nous nous manifesterons dans votre quartier", les "révolutionnaires des jardins" cherchent à faire connaître leur action, encore plus que mystérieuse pour la plupart des gens.

Carte Google des différentes actions de la Guérilla Gardening à Paris

Ils agissent avec un souci de pédagogie en essayant toujours d’expliquer leur action aux habitants. Et souvent, les réactions sont encourageantes. Sylvain me raconte ainsi que plusieurs passants sont venus prêter main forte ou apportent du terreau.

Mais on a aussi des réfractaires. Le pire qu’on ait eu c’est des gens qui ne s’intéressent pas et qui nous disent 'Allez-y, si ça vous amuse. Mais on s’en occupera pas!' ".

De fait, les Guérilleros ne sont jamais sûrs que leurs actions ne seront pas détruites quelques jours après.

Quand on fait quatre ou cinq heures de bêchage en plein hiver en sachant que le résultat est incertain, ça peut être difficile, mais c’est aussi notre optique. Nous sommes dans l’optimisme et la spontanéité".

Laisse béton

Pour la Guerilla Gardening, avoir des espaces verts est une nécessité : "On a besoin de jardins car une ville est très minérale. Si on n’arrête pas de construire, il va manquer quelque chose aux citadins et il y aura des dommages sur le long terme". Sylvain me raconte ainsi une après-midi à la Ferme du Bonheur de Nanterre, dans laquelle ils ont une parcelle, où beaucoup d’enfants se sont familiarisés avec la terre qu’ils n’ont plus du tout l’occasion de côtoyer :

On aurait dit que c’était la première fois qu’ils touchaient la terre. C’est fou, dans les écoles maintenant il y a du béton autour des arbres".

Fin de la balade, retour à la case départ, devant l’Atelier. Je fais remarquer à Sylvain que la quasi-totalité de leurs actions se trouvent dans le 20ème.

Le 20ème est l'un des quartiers avec le plus d'espace dans Paris. Le 11ème, par exemple, est le quartier le plus dense de la capitale : on n’y trouve pas de place".

La Guerilla Gardening ne veut pas être cataloguée "bobo-écolo": elle dénonce le Greenwashing et la récupération des politiques pour se donner une caution verte, "le pire qui puisse arriver à la Guerilla". refusent parfois de participer à des conférences ou évènements qu’ils jugent trop surfé. Non vraiment, la question sur Nicolas Hulot ne passera pas !




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