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Après la France, le voile intégral interdit en Belgique

vendredi, 22 juillet, 2011 - 13:36

L'interdiction du port du voile intégral, qui entrera ce samedi 23 juillet en vigueur en Belgique, stigmatisera encore davantage les femmes qui portent la burqa ou le niqab, plutôt que des les aider à se libérer, a estimé le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, dans un récent communiqué.

La loi qui vise à interdire le port sur la voie publique de "tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage" a été publiée au Moniteur Belge le mercredi 13 juillet.

Visage découvert, sauf pour carnaval

La Belgique est ainsi devenue, après la France en mai dernier, le second pays européen à interdire le port du voile islamique intégral dans les espaces publics, c'est-à-dire "l'ensemble des rues, chemins, jardins publics, terrains de sports ou bâtiments destinés à l'usage du public où des services peuvent lui être rendus".  Des exceptions sont toutefois prévues pour les événements festifs comme les carnavals, s'ils ont été au préalable autorisés par décision municipale. 

Les personnes qui violeraient cette loi pourront être condamnées à des peines allant jusqu’à 7 jours de prison et 137,5 euros d’amende. Selon des estimations, il y aurait en Belgique quelques 270 femmes portant la burqa.

Devant la justice des hommes

Ce vendredi, deux femmes portant le voile intégral vont déposer un recours en annulation et en suspension de la loi "anti-burqa" devant la Cour Constitutionnelle. L'une des deux plaignantes a déjà obtenu gain de cause devant le tribunal de police de Bruxelles, où elle contestait une amende infligée pour le motif du port du voile intégral. Elle invoquait sa liberté de culte et le respect de la vie privée et avait été suivie par le juge saisi du dossier, qui avait estimé qu’il n’était pas démontré "qu'une restriction d'une telle ampleur était nécessaire pour assurer la sécurité de l’ordre publique".

Les plaignantes reprennent aujourd’hui cet argument pour saisir la Cour constitutionnelle et lui demander d'annuler la loi, qui doit entrer en vigueur demain, samedi.

Sécurité et dignité de la femme

Lors des débats à la chambre, deux arguments principaux avaient été avancés à l’appui de la proposition de loi : la question de la sécurité – il faut que chacun soit identifiable en tous lieux – et celle de la "dignité de la femme" et du respect des "principes démocratiques fondamentaux".

Toutefois cette la loi, votée à la quasi-unanimité si l’on exclut l’abstention des Verts, se heurterait au principe du « respect de la vie privée et de l’identité personnelle", selon Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. 

Nous nous indignons, à juste titre, contre les régimes qui imposent le port du voile intégral aux femmes ; cette attitude tyrannique est en effet totalement inacceptable. Mais ce n’est pas en s’en prenant aux femmes et en les sanctionnant qu’on résoudra le problème. Il se pourrait fort bien que cette interdiction constitue une violation des normes européennes des droits de l’homme et en particulier du droit au respect de la vie privée et de l’identité personnelle. En principe, l’Etat devrait s’abstenir de légiférer sur la manière dont les gens s’habillent".

"L'exemple" français

Dans son communiqué, le Commissaire aux Droits de l’Homme revient sur le bilan des quelques mois d’application d’une loi similaire en France, pays qui a été le premier à interdire le port de la burqa dans les lieux publics en Europe en avril dernier.

Une trentaine de femmes ont été verbalisées depuis l’entrée en vigueur de la loi. Se référant par ailleurs à un rapport des Fondations pour une société ouverte sur le port du voile, M. Hammarberg a souligné que sur les 32 femmes interrogées lors de l’enquête, 30 déclaraient avoir été victimes d’agressions verbales ou physiques depuis l’ouverture du débat en France, préférant ainsi limiter le temps passé à l’extérieur de chez elles.

Loi inapplicable ?

Le gouvernement français, qui a fait passer la loi en octobre, avait pourtant lancé une campagne publicitaire pédagogique pour expliquer aux Français l’utilité de cette nouvelle loi. Mais les dépliants, affiches et autres textes explicatifs disponibles sur le site du gouvernement étaient loin d’être convaincants.

Les protestations se sont, en effet, faites entendre dès le premier jour de l’application, au premier rang desquelles les syndicats de police qui dénoncaient "une loi inapplicable". En dépit de la circulaire spécifique dans laquelle ils avaient reçu les consignes strictes d’application de la loi, les policiers sont persuadés qu’il leur est impossible de la mettre en oeuvre sur le terrain. Et ils n'ont pas l'intention de faire du zèle.

Au-delà du contrôle d'identité déjà difficile à mettre en place, faire appliquer l'interdiction totale du voile islamique dans des quartiers où il y a souvent une grosse communauté musulmane, c'est presque impossible",

expliquait au Monde, Philippe Capon, secrétaire général du syndicat UNSA-Police.

Quelle nécessité ?

Paradoxe pour le moins génant, les policiers ne sont pas autorisés à faire procéder au retrait du voile pour l’identification de la personne en cas de vérification d’identité. Seule exception, lors des contrôles routiers pour lesquels le code de la route stipule que rien ne doit gêner le conducteur.

De son côté, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant restait confiant et assurait que "la loi sera respectée" estimant que la période pédagogique avait été suffisante. Les policiers parlaient de leur côté d’une application a minima face à une loi dont personne ne semble, toujours pas, vraiment comprendre la nécessité.


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