Cette initiative s’inspire de celles déjà mises en œuvre en Norvège ou en Finlande. Contrepartie: des heures de soutien scolaire pour les élèves à la traine. Quant à la France, elle reste championne du redoublement.
(De nos archives) C'est fait: à la rentrée 2012, le redoublement sera proscrit dans toutes les classes à Hambourg. L’expérimentation est d’autant plus suivie qu’elle pourrait bientôt faire école ailleurs en Allemagne. Selon l’hebdomadaire die Zeit, Berlin, Brème, la Thuringe et d'autres Länder s’apprêteraient à franchir le pas.
En Allemagne, 23,1 % des élèves redoublent pendant leur scolarité, ce qui coûterait selon les économistes de l’éducation près d’un milliard d’euros par an sans que cela n’améliore réellement le niveau des élèves concernés",
rappelle die Zeit, citant des travaux de pédagogues.
Un "non-sens"
Si la réforme adoptée par le Sénat de Hambourg est passée comme une lettre à la poste, ne suscitant pas de véritables débats entre les politiques, les professeurs sont beaucoup plus critiques sur ses conséquences.
Comment faire progresser l’ensemble de la classe si certains n’arrivent pas à suivre? Faut-il se focaliser sur les plus faibles quitte à frustrer les meilleurs ? Et comment arriver à combler des lacunes si les bases ne sont pas acquises ? Cette réforme est un non-sens!",
estime une enseignante de biologie du lycée de Braunschweig, une ville près de Hanovre, certes pas encore concernée par ces modifications, mais qui se fait déjà du souci à l’idée de devoir un jour enseigner sans pouvoir faire redoubler les élèves en difficulté.
Sur les bords de la Baltique, les enseignants réclament, au moins, une formation pédagogique spécifique permettant de s’adapter à cette nouvelle loi.
C’est la porte ouverte à la privatisation de l’éducation. Les plus fortunés n’hésiteront pas à retirer leurs enfants des écoles publiques."
commente, quant à lui, un lecteur sur le site de die Zeit.
Soutien scolaire indispensable
Ce qui est vrai au Nord de l’Europe ne le serait donc pas ailleurs? Si les résultats de l’OCDE sont incontestables, force est toutefois de remarquer que l’organisation internationale ne décrit pas dans les détails les dispositifs mis en place par les pays les plus performants pour éviter que l’absence de redoublement ne se traduise par une baisse du niveau général.
La solution? En Finlande où le redoublement est quasi inexistant, les élèves qui ont des difficultés bénéficient de cours supplémentaires dans les matières principales. Idem en Norvège, où chaque élève a la possibilité de bénéficier d’heures de soutien scolaire données par des assistantes qui interviennent parallèlement aux enseignants dans les établissements, souligne, pour sa part, le magazine die Zeit.
Ces cours supplémentaires mobilisent des ressources financières conséquentes qui atténuent les économies envisagées du fait des non-redoublements. A Hambourg, le sénateur en charge de l’éducation, Ties Rabe, a d’ailleurs prévenu : les sommes que souhaitaient éviter de dépenser la ville – un élève coûte en moyenne 6 000 euros par an – seront vraisemblablement affectés au soutien scolaire…
Lutter contre le décrochage
La communication de la Commission européenne publiée en 2008 "Améliorer les compétences pour le XXIe siècle: un programme de coopération européenne en matière scolaire" critique, elle aussi, la pratique du redoublement jugée inefficace et coûteuse:
Dans certains systèmes scolaires, jusqu'à 25 % des élèves redoublent une classe à un moment donné, alors que dans d'autres, cela arrive rarement. Cette technique coûte cher. Si certains redoublants rattrapent leur retard, la grande majorité d'entre eux ne le font pas".
Or, dans le cadre sa stratégie "Europe 2020", la Commission affirme vouloir faire passer en dessous de la barre des 10% le taux d’abandon scolaire précoce, c’est à dire avant l’obtention d’un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur. A présent, 14,4% des jeunes européens décrochent avant ce stade.
La France championne du redoublement
A titre de comparaison, 13% des élèves de 15 ans des 34 pays de l’OCDE indiquent avoir redoublé au moins une fois pendant leur scolarité, quand la France avec un taux de 37 % s’arroge la 5ème place du "podium" des champions du redoublement – après Macao (Chine), Tunisie, Brésil et Uruguay- avec 31,9% des élèves ayant déjà redoublé, d’après l’étude PISA de 2009.
Bien loin de ces tristes records, le redoublement n’existe pas dans un nombre croissant de pays européens. Ainsi, outre la Norvège et la Finlande, les écoliers devraient prochainement passer automatiquement dans la classe supérieure en Islande après la révision du programme national d’éducation. En fait, dans la pratique, le redoublement est déjà quasi inexistant. De même, la Bulgarie et le Lichtenstein interdit le redoublement à l’école primaire.
Quant au Royaume-Uni, il n’a pas de législation en matière de redoublement, mais le redoublement y est exceptionnel puisque le passage à la classe supérieure ne se fait qu’en fonction de l'âge des élèves.
D'après une étude du réseau Eurycide, observatoire européen pour l'éducation, publiée en janvier 2011, faire redoubler les moins bons élèves dénote "une culture où il est considéré que répéter une année apporte à l'élève des effets bénéfiques pour son apprentissage". Cependant, dans la pratique, les statistiques infirment cette analyse.
En effet, alors que le redoublement en Finlande ne concerne que 2,4% des élèves, le pays arrive en deuxième position du classement mondial PISA de 2009 en sciences et troisième en lecture, après Shanghai et la Corée du Sud.
Démotivation
En Belgique francophone, redoubler rimerait plutôt avec démotivation étant donné que pour l’année 2009-2010, 22% des élèves avaient redoublé et 30% avaient abandonné l’école entre 14 à 17 ans, selon l’association des parents d’élève luttant contre l’abandon et l’échec scolaire… ce qui permet au magazine pourtant francophone Le Vif d’affirme que le redoublement était "une indécrottable plaie francophone"