Depuis que la Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Union Européenne en 2007, de plus en plus de Roms émigrent vers la capitale allemande. Et pour aider à leur intégration, à Berlin, des enfants peuvent suivre des cours d'allemand en été. Reportage.
En plein été, certains enfants berlinois sont très studieux. C’est notamment le cas d’une quarantaine d’enfants Roms, originaires de Bulgarie ou de Roumanie. Pendant leurs vacances, ils participent à l’école estivale organisée par le quartier de Neukölln, au sud de la capitale.
L’idée a été lancée par Franziska Giffey, conseillère municipale chargée de l’éducation pour la mairie de quartier.
Dans nos 66 écoles publiques, nous avons 650 enfants qui viennent d’Europe de l’Est, pour la plupart des enfants Roms. C’est un chiffre hors norme,
assure la jeune femme. D’autant plus que la plupart de ces enfants sont arrivés il y a moins de deux ans. "Et certains n’ont qu’une très faible expérience de l’école", ajoute la conseillère. Résultat : deux tiers d’entre eux ne parlent que peu, voire pas du tout allemand.
Dans le grand bain
Les débuts en classe ne sont donc pas des plus faciles. Pendant longtemps, les responsables politiques de la ville ont estimé que pour intégrer les enfants de migrants dans le système scolaire, il suffisait d’appliquer le principe du "Sprachbad" – autrement-dit de les plonger directement dans le "bain de la langue" de Goethe pour l’assimiler.
Mais ce n’est pas si simple, surtout dans le quartier de Neukölln. "Nous avons déjà dans nos classes 80 à 90% d’enfants issus de l’immigration, et dont la langue maternelle n’est pas l’allemand, précise Giffey. Dans ce contexte le concept de 'Sprachbad' ne peut pas marcher".
Voilà pourquoi Franziska Giffey a eu l’idée de cette école d’été. Sur la base du volontariat, une quarantaine d’enfants ont d'abord participé à trois semaines de cours dans l’école Hans-Fallada. "Nous avons choisi cette école car soixante enfants Roms y sont scolarisés et treize nouveaux sont inscrits pour l’année prochaine", précise Giffey.
Jouer… avec les mots
La suite du programme d’été est plus détendue. Après tout, il ne faut pas oublier que ce sont les vacances. Et même si ces enfants font preuve d’une motivation impressionnante, il ne s’agit pas non plus de les assommer à coup de déclinaisons pendant deux mois.
Au mois d’août l’école s’est donc transformée en centre aéré. Chaque matin, une bonne trentaine d’enfants, âgés de trois à onze ans, sont accueillis par une équipe d’éducateurs. La journée commence avec des comptines allemandes, un bon moyen pour apprendre la langue dans la bonne humeur. Suivent les récitations de poèmes, et la lecture des règles du groupe. Ce matin c’est Sara, jolie frimousse de dix ans, qui doit les lire à voix haute devant le groupe:
Nous parlons allemand. Nous restons dans notre classe. Nous levons la main. Nous ne nous moquons pas des autres".
La première règle est donc claire: ici il faut parler allemand. Que l’on joue à un jeu de société, que l’on fasse du découpage, ou que ce soit le moment de la collation, les enfants doivent s’exprimer au maximum dans cette langue. Et cela n’a pas l’air de les déranger, au contraire.
Educateurs roumains
Certains se font même un plaisir de corriger leurs camarades s’ils ont le malheur de mal conjuguer un verbe. Raïssa est une de ces perfectionnistes. La fillette de huit ans, pas peu fière de ses progrès, s’exclame en éclatant de rire: "Je sais tout en allemand".
Mais tous n’ont pas le niveau de Raïssa. Certains ne sont en Allemagne que depuis quelques semaines. Il était donc nécessaire de recruter des éducateurs parlant roumain. Ce qui n’a pas été un problème pour la mairie: ils se sont proposés spontanément.
C’est le cas de Dana Jelescu, coordinatrice de l’école d’été.
En mars de cette année j’ai lu un article dans le journal qui disait qu’à Neukölln le personnel éducatif avait de gros problèmes parce qu’il ne pouvait pas comprendre les enfants roms. J’ai donc écris une lettre au maire Buschkowsky en disant: ok, je ne suis pas une éducatrice de formation, mais vu que je travaille notamment comme traductrice roumain-allemand, si cela vous intéresse, je peux volontiers apporter mon soutien".
Une découverte Capitale
Apprendre la langue n’est pas le seul but de ce programme. En effet, beaucoup de ces enfants viennent de petits villages. Arriver dans une capitale de plus 3,5 millions d’habitants change donc quelques habitudes. Il faut désormais les aider à se familiariser avec leur nouvel environnement.
C’est pourquoi les éducateurs organisent une sortie une fois par semaine. Ils emmènent les enfants au musée, au parc, etc.
C’est important pour les enfants qu’ils sortent de temps en temps et qu’ils apprennent à prendre le bus ou le S-Bahn [L'équivalent du RER],
précise Crina, une des éducatrices. De cette façon ils apprennent comment on se comporte et ce qu’on doit faire. Et ils lisent toujours dans le bus comment se prononce chaque station".
Ce subtil mélange d'exercices de grammaires, de jeux et de sorties semble très bien fonctionner. Une impression confirmée par Dana Jelescu :
Ils sont toujours heureux de venir ici. Et le fait qu’ils développent ce rapport positif à l’école et au personnel éducatif, c’est un but dont on ne peut que rêver. Et pas seulement pour les enfants roms. Qu’un enfant aille volontiers à l’école et le dise à son professeur, c’est vraiment exemplaire.
Quant à Sara, elle a trouvé sa voie. Elle veut devenir enseignante. Un happy end qui masque malheurement une autre réalité. Bbon nombre d'enfants Roms venus de Roumanie et de Bulgarie ne connaissent pas le chemin de l'école en été comme en hiver.