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Sexe, politique et vidéo: le mauvais exemple belge

jeudi, 25 août, 2011 - 13:11

Enorme buzz sur la toile belge depuis hier après-midi. Filmée à son insu en train d’avoir un rapport sexuel dans un lieu public en Turquie, une élue flamande assume et estime qu'il s'agit d'une "scène d’ordre privé".

Le scénario semble être celui d'un mauvais film porno. La bourgmestre de la ville d'Alost, Ilse Uyttersprot, s'est fait piéger en Turquie par un vidéaste amateur dans une position pour le moins originale pour une Chrétienne démocrate. Ceci au sommet d'une tour d'un château! L'élue municipale pensait être à l'abri des regards indiscrets, mais avec un zoom puissant, le touriste et sa caméra ont tout vu et tout filmé!

"C'est une scène d’ordre privée avec mon fiancé et cela date d'il y a quatre ans. La situation n’a rien à voir avec mon engagement politique", s’insurge l’intéressée victime de ce "towergate". Après un moment d’hésitation, l'hebdo "Le Vif L’Express" a lâché en premier l'info, suivi instantanément par l’ensemble de la presse belge. Et c’est parti pour le buzz.

Mise en ligne il y a déjà près de 4 ans sur un site turc, cette vidéo des exploits de la bourgmestre est aujourd'hui sur Dailymotion.

S'’il est vrai que l’exhibitionnisme sexuel est réprimé par le Code pénal belge, la publication de ce film en ligne pose la question de l’atteinte à la vie privée et de la limite trouble entre vie politique, et donc publique, et vie privée.

Vie privée ou exhibitionnisme involontaire?

Une question mérite toutefois d’être posée: la goupille de sécurité médiatique n’aurait-elle pas une nouvelle fois sauté face au côté trop "croustillant" de l’information ? Mais y a-t-il vraiment, en l’espèce, "information" ?

Que risque-t-on lorsqu'on s'exhibe ainsi en public en Belgique? Selon l'article 385 du Code pénal belge : "Quiconque aura publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de vingt-six euros à cinq cents euros".

Et selon le Code pénal turc, puisque les faits se sont produits en Turquie, à l'article 225:

Quiconque aura eu des rapports sexuels en public ou aura fait preuve d’exhibitionnisme sera puni d’une peine d’emprisonnement de six mois à un an".

D’un autre côté, en droit des médias, la vie privée des intéressés doit être respectée sauf s’il y a un intérêt dit "public" à ce que certains aspects "privés" des personnes soient révélés, rappelle l’article 5 de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de la FIJ (International Federation of Journalists).

Tranche de rire ou de honte?

Qu’en est-il donc pour cette vidéo ? Quel est réellement l’intérêt pour le public, si ce n’est de se payer une bonne tranche de rire, tout en générant une bonne tranche de honte pour la bourgmestre, qui risque bien, par ailleurs, de devoir démissionner.

Faut-il dès lors jeter sur la place publique la vie sexuelle des politiques, réduisant ainsi leurs vies privées à des pseudo-scandales sexuels, alors même il s'agit le plus souvent de choix et de goûts personnels qui n'interfèrent pas sur l’exercice de leur mandat politique?

Ainsi dans l'affaire DSK, si Nafissatou Diallo avait été consentante, il n'y avait pas plainte et procès. Restait seulement à chaque citoyen de se prononcer dans les urnes en connaissance de cause. Mais qui aurait alors évoqué de l'hyperactivité sexuelle de DSK? Un appel du désir quasi permanent qui pose indubitablement problème quand on brigue la magistrature suprême.

Mais selon Jean-Jacques Jespers, professeur de journalisme de l'ULB, ces intrusions dans la vie privée sont des "non-informations people et anecdotiques". Elles trouvent leur origine dans l’une des fonctions premières dévolues aux médias: créer des connexions sociales à travers des infos qui "ne mangent pas de pain" et qui suscitent du dialogue au bureau, dans le train, en famille, bref, qui maintiennent les liens.

Les ébats publics de l'élue flamande font suite au récent buzz sur la "maîtresse d’Yves Leterme" (le Premier ministre démissionnaire depuis plus d'un an a été accusé d'écrire en permanence des tweets jugés "coquins").

Des affaires certainement pas susceptibles d'aider la Belgique à sortir de son récurent marasme politique. Mais qui a intérêt à ressortir des placards une vidéo qui dormait dans un coin poussiéreux du web? Déjà, une élue libérale flamande (OpenVLD), Vera Van der Borght, affirme qu'Ilse Uytterprot serait à Alost "réputée dans son fief pour d’autres frasques".




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