Depuis l'année dernière, les travailleuses du sexe de Bonn doivent prendre leur ticket à l’horodateur pour pouvoir exercer. C’est 6 euros par nuit. Cette "Sex Tax" a rapporté 250.000 euros en 2011. Un bilan satisfaisant pour la ville qui a décidé de pérenniser le système.
Le nouveau type d’horodateur installé depuis l'année dernière à Bonn, dans la rue Immenburg, le quartier rouge de la ville, a fait ses preuves. L'appareil indique l’heure, le tarif et délivre un ticket, mais n’a rien à voir avec le stationnement des voitures. Il est réservé aux prostituées qui achètent le droit d’exercer leur métier. Le ticket est à 6 euros la nuit, et la nuit c’est précisément de 20h à 6h du matin.
Pendant cette période, des contrôles sont effectués par les autorités de la ville. Les prostituées sans ticket auront un avertissement. Au deuxième, la travailleuse du sexe devra payer 100 euros d’amende.
Impôt de "l’équité"
La prostitution et les maisons closes étant légales dans toute l’Allemagne depuis 2002, la plupart des Länder prévoient des taxes pour les prostituées travaillant dans les bordels. Ainsi, à Berlin, chaque péripatéticienne donne 30 euros par jour à la gérante de l’établissement.
Bonn compterait au total 200 prostituées, la moitié travaillant dans des lieux contrôlés comme les maisons closes, les bars ou sauna et l’autre dans la rue.
Si les premières payaient déjà un forfait quotidien, les prostituées racolant dans la rue étaient jusque-là exemptées. C’est pour "rétablir une équité devant l’impôt" que le Conseil de la ville de Bonn a décidé de mettre en place cette taxe quotidienne, explique Monika Frömberg, la porte-parole de la ville, au Süddeutsche Zeitung.
Pour Monika Frömberg, l'horodateur est la meilleure solution, car, selon elle, la plupart des travailleuses du sexe ne parlent pas assez bien allemand pour remplir une déclaration d’impôts. "De plus, il y a de la fluctuation", affirme-t-elle, expliquant que toutes les prostituées ne travaillent pas sur tout le mois, d’où la solution au jour le jour.
Renflouer les caisses municipales
Avec cette "taxe-trottoir", la ville de Bonn espèrait lever 300 000 euros par an, ce qui en période de rigueur budgétaire n’est pas négligeable pour une municipalité. Ce sont finalement 250.000 euros qui ont été apportés dans les caisses de la ville, qui a un budget de 1,2 milliard d'euros pour 2011 et 2012. Monika Frömberg affirme qu’une bonne part de la somme récoltée sera utilisée pour la sécurité des prostituées. De plus, des contrôles intensifs ont été mis en place, générant un coût supplémentaire pour la ville, amortis par ces recettes.
Le premier horodateur avait d'ailleurs été installé près d'un parking original : le Verrichtungsgelände, littéralement "terrain d’exécution". Sous la pression des habitants de Bonn, la municipalité y a bâti six box en bois, chacun assez grand pour y faire rentrer une voiture. Les prostituées peuvent donc venir avec leurs clients et disposent d’installations sanitaires ainsi que d’un système de sécurité qu’elles peuvent déclencher à l’aide d’un bouton. Coût de l’opération : 240 000 euros. Zürich compte installer des "parkings-box" similaires dans les prochains mois.
Modéle à suivre?
Uwe Zimmermann, porte-parole de la fédération des villes et communes allemandes, expliquait au Frankfurter Rundschau que l’horodateur "intéressera sûrement d’autres villes".
De fait, si Bonn n’est pas la première ville allemande à avoir instauré une "Sex Tax "pour les protituées qui font le trottoir, elle est la première à l’avoir automatisée. En effet, depuis 2004, les prostituées qui exercent dans les rues de Cologne payent, elles aussi, une taxe. Elles versent à la municipalité 150 euros par mois ou 6 euros par jour si elles travaillent moins de 25 jours. En 2009, cet impôt avait rapporté 800 000 euros à Cologne.
Pompe à fric et régle d'or
A Dortmund, les prostituées achètent, elles aussi, un ticket pour six euros, mais dans une station-service à proximité de leur lieu de travail.
En 2010, dans une étude intitulée "Prostitution, le facteur économique méconnu", les professeurs de l'Université de Nüremberg, Richard Reichel et Katrin Topper avaient calculé qu'en 2003, les 80 000 prostituées présentes en Allemagne avait réalisé un chiffre d'affaires de 700 millions d’euros.
Ainsi, si on appliquait le régime d’imposition prévu pour les autres métiers en Allemagne, l’Etat récolterait quelques 170 millions d’euros par an. De quoi arriver à l’équilibre budgétaire au nom de la future "règle d'or" un peu plus vite !
Article actualisé le 24 janvier 2012