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La justice allemande valide pour cette fois le plan d’aide à la Grèce

mardi, 6 septembre, 2011 - 16:10

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a finalement validé le premier plan de sauvetage de la Grèce, décidé en 2010, tout en exigeant un renforcement des pouvoirs du Parlement. Angela Merkel, en difficulté jusque dans son propre camp, peut respirer. Un peu. La décision de la plus haute Cour allemande risque en effet de compromettre les efforts futurs pour venir en aide aux pays les plus endettés.

La zone euro n'explosera pas aujourd'hui. La justice allemande a finalement validé le premier plan de sauvetage de la Grèce, décidé en 2010, tout en exigeant un renforcement des pouvoirs du Parlement.

La Cour de Karlsruhe a jugé les aides promises par l'Allemagne conforme à sa Loi fondamentale, ôtant une sacré épine du pied d'Angel Merkel qui s'échine actuellement à rallier l'ensemble de son camp à l'idée d'étendre les pouvoirs du FESF, le Fonds européen de stabilité financière, un outil destiné à jouer les pompiers pour les pays en difficulté. Vote prévu au Parlement le 29 septembre.

A l'avenir, les députés allemands devront toutefois  donner leur feu vert "au cas par cas pour toute mesure d'aide de grande importance" consentie par leur gouvernement. Rappelons que l'Allemagne, première économie européenne est aussi le principal bailleur de fonds de l'aide financière apportée à la Grèce puis à l'Irlande et au Portugal.

Un impératif juridique et une exigence démocratique qui risque cependant de compromettre les efforts futurs pour venir en aide aux pays les plus endettés. Au plus mauvais moment, la Grèce étant plus que jamais au bord du gouffre ; l'Italie et l'Espagne sur la corde raide.

Voici l'analyse que faisait hier le correspondant de MyEurop à Berlin sur les conséquences pour la République fédérale et la zone euro.

(De nos archives). Mercredi matin, tous les regards se porteront sur la deuxième chambre de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Elle doit dire si premier plan de sauvetage de la Grèce, adopté en mai 2010, est conforme à la Loi fondamentale allemande. En clair, les droits du Parlement allemand et ses prérogatives en matière budgétaire ont-ils été bafoués par les sommes astronomiques débloquées en urgence pour aider Athènes, et dans une moindre mesure Dublin?

Udo Di Fabio, l'un des juges de la Cour de Karlsruhe, avait déjà averti en juillet que le pouvoir de décision budgétaire représente les "joyaux de la couronne" du Parlement.

Les modalités du jugement seront également décisives avant le vote du 29 septembre prochain au Bundestag sur l’extension des pouvoirs du Fonds européen de stabilité financière (FSEF), décidée cet été, et la mise en œuvre du nouveau plan d'aide (21 juillet 2009).

Dilemme

Depuis plusieurs semaines, la tension monte en Allemagne et les critiques à l’encontre de la Chancelière Merkel fusent depuis son propre camp. Une frange de la majorité conservatrice (CDU-CSU) menace, notamment, de ne pas lui apporter leur soutien fin septembre. Vingt-cinq députés de la coalition au pouvoir ont refusé de soutenir le projet de loi visant à élargir les pouvoirs du Fonds européen de stabilité financière (FESF) lors d'un scrutin organisé lundi soir.

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe est face à un dilemme: elle se verra inéluctablement accusée, soit de sacrifier la souveraineté allemande, soit de plonger l’Europe dans une nouvelle crise aigüe et peut-être fatale: accorder un droit de regard trop important dans l'attribution des aides européennes pourrait paralyser les mécanismes de sauvetage.

Perte de souveraineté de l’Allemagne

Parmi les cinq plaignants qui ont saisi la Cour, figurent quatre universitaires, spécialistes en économie politique, politique monétaire et en droit constitutionnel et un dirigeant historique de Thyssen AG, géant allemand de la Sidérurgie. A Berlin lundi, ils ont réaffirmé haut et fort les enjeux et les dangers que porteraient un arrêt favorable au sauvetage d’un État membre de la zone euro.

Joachim Starbatty, professeur en Économie à l’université de Tübingen, accuse dans le Süddeutsche Zeitung, la Banque centrale européenne de "s’octroyer le droit central de déterminer le budget (de l’Allemagne ) au nom du sauvetage de l’euro".

Pour l’ancien patron de Thyssen AG, Dieter Spethmann, les "gadgets" successifs mis en place pour trouver l’euro ne peuvent régler durablement le problème. Selon lui,

la zone euro est malade dans son ensemble. Les gens ne peuvent pas payer aujourd’hui, comme ils ne le pourront pas demain et après-demain.

Défaite probable

Les plaignants affectent de se placer sur un terrain exclusivement juridique. Pour Karl Schachtschneider, professeur de droit,

[les mesures de sauvetage décidées par Angela Merkel] violent les règles de base des traités européens et les principes structurels de l'union monnétaire.

Ils dénoncent l'évolution de la zone euro vers une "union de transfert" au sein de laquelle les pays les plus riches – en clair, l'Allemagne – paieraient pour les "mauvais élèves". Ces euroscpetiques se basent notamment sur une clause du traité européen interdisant aux pays de la zone euro d'acquérir mutuellement leur dette publique [principe du "no bail out clause"].

Mais, le discours se fait souvent plus dur, plus politique. Wilhelm Hankel, ancien professeur à Harvard et spécialiste des questions monétaires, assure que l’hétérogénéité des économies qui composent la zone euro la condamne inéluctablement. Il est également persuadé que "sans le sauvetage de la Grèce par l’Europe" la Grèce aurait été contrainte d'abandonner l'euro et "serait déjà sur le chemin de la guérison", grâce à une dévaluation de la monnaie grecque qui relancerait sa compétitivité et donc sa croissance.

Les plaignants mettent également en avant

tous les pays d’Europe de l’Est ayant conservé leur propre monnaie – Pologne, République tchèque, Lettonie et Slovaquie – [et qui] se portent bien mieux".

S’ils croient à leur combat, ils sont, en revanche, conscients de leur probable défaite au point de mettre en cause une Cour constitutionnelle qui "bride le courage politique en matière de finance".

Conséquences immenses

Il est, en effet, assez peu probable de voir la Cour bloquer le sauvetage de la Grèce et ainsi remettre en cause le dernier plan d’aide voté le 21 juillet 2011. Elle devrait choisir de ne pas insulter l'avenir et donner satisfaction à la fois au Parlement et à l'Europe en demandant un droit de regard supplémentaire pour le Bundestag pour toute aide future.

Le problème du temps des politiques est également fondamental: face à l’urgence de la situation, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy s’étaient engagés à faire voter par leurs Parlements respectifs, dans un temps record: deux mois…

Face à des marchés hyper-sensibles et ultra-réactifs, une remise en cause de cette promesse aurait des conséquences immenses et pourrait sonner le glas de l’euro, comme l’a sans cesse répété Angela Merkel.

Vers un "Oui, Mais…"

S’il est donc difficilement envisageable d'assister à un désaveu clair de la politique du gouvernement allemand (et de ses homologues européens), les modalités de l’arrêt et les recommandations des "sages" seront analysés à la loupe. "Le diable est dans les détails", dit le dicton allemand. Juges ne manqueront pas d’y entrer.

A cet égard, il est d’ailleurs intéressant de revenir sur l’arrêt rendu en 2009 par cette même Cour. Elle devait alors statuer sur la conformité du traité de Lisbonne à la loi Fondamentale allemande. Le texte avait été jugé constitutionnellement conforme… dans ses grandes lignes. Mais, la Cour avait également requis que les droits de regard ou de co-décision du Parlement allemand soit expressément explicités.

Déficit structurel de démocratie

Elle n'avait également pas ménagé l’Union européenne, accusée "(d’) appliquer le principe de subsidiarité à l’envers" (les Nations restent souveraines en dernière instance). Enfin, elle pointait le "déficit structurel de démocratie" en Europe. Pas moins.

La question du droit de regard des députés allemands sur l’attribution des aides européennes sera tout aussi fondamentale. Un droit de regard trop large (et donc chronophage) pourrait paralyser le mécanisme du FESF. Angela Merkel qui doit se présenter au Parlement juste après la décision publique de la Cour, sait que son destin politique se jouera demain (7 septembre 2011) à 10h00… Celui de l’Europe aussi.




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