Ils n’avaient que 7 ou 8 ans au moment des attentats du 11 septembre 2001, n’ont à l’époque pas perçu la portée de l’événement mais en ont ressenti les conséquences diffuses durant la décennie qui a suivi. 45 lycéens de Seine-Saint-Denis seront ce week-end sur la scène du théâtre de la Ville, à Paris, pour la pièce "11 septembre 2001".
Chaque personne a sa propre histoire du 11 septembre 2001. Dans le cas de celles suffisamment âgées pour mesurer l’ampleur de la tragédie, le récit bégaie souvent : des images en boucle à la télévision, le choc, les appels téléphoniques aux connaissances, la crainte, la certitude qu’une guerre était enclenchée, l’incompréhension.
Pour qui ne dépassait alors pas la dizaine d’années, que l’on nomme aujourd’hui la "génération 11 septembre", cette journée fatidique se raconte plutôt en impressions :
On est petits, il passe à la télé des scènes qu’on ne voit d’habitude que dans les films, nos parents ont l’air effrayés. C’est sans doute choquant ce que je vais dire, mais pour moi cela avait quelque chose de fascinant,"
confesse Sabrina, lycéenne de 17 ans à Aulnay-sous-Bois.
Un an de travail pour cette « troupe éphémère »
Sabrina fait partie, avec 44 autres jeunes de trois lycées de Seine-Saint-Denis, de la "troupe éphémère" qui jouera ce week-end, au théâtre de la Ville à Paris, la pièce de Michel Vinaver, "11 septembre 2001". L’œuvre est un collage de paroles directement issues de l’événement : celles de journalistes, de rescapés, de politiques ou encore de victimes du crash de Pittsburgh. Le tout servi par une mise en scène sombre et ironique d’Arnaud Meunier. C’est à lui que ces jeunes de 17 et 18 ans doivent leur présence sur scène: l’un campe Donald Rumsfeld, l’autre George W. Bush, le troisième Oussama Ben Laden.
Lorsque l’on parle du 11 septembre, tout le monde évoque le passé. Avec ces jeunes, j’ai choisi d’interroger le futur : où en sommes-nous dix ans après ?"
Discuter avec ces apprentis comédiens illustre le propos du metteur en scène : la plupart ne connaissaient pas parfaitement la chronologie des événements du 11 septembre avant de se pencher sur la pièce. Ils ne semblent pas plus enclins à aborder le sujet aujourd’hui. C’est déjà l’Histoire. Une histoire sur laquelle ils ont travaillé durant un an, à raison d’une séance par semaine, en compagnie de cinq comédiens professionnels qui ont participé à leur initiation théâtrale.
Le 11 septembre, c’est déjà hier
Le propos se fait plus volubile lorsqu’il s’agit d’évoquer le "plaisir de jouer ensemble", "la découverte du théâtre", l’"envie de tous se revoir". L’esprit fixé sur aujourd’hui, le regard sur demain, avec l’art comme moyen de dépasser le quotidien. Dans un département où un tiers des habitants ont moins de 25 ans
La Seine-Saint-Denis c’est le territoire de tous les fantasmes, on n’en parle qu’en cas d’émeutes. Cette pièce est une formidable occasion d’abandonner les préjugés."
explique Arnaud Meunier. Et de poursuivre :
La moitié de ces jeunes sont de confession musulmane, ce qui n’est pas le moindre des symboles lorsque l’on sait que le 11 septembre représente le début de la doctrinisation de l’islamophobie."
Un mal dont souffrent nombre de jeunes musulmans en France, victimes des préjugés liés à l’extrémisme religieux et aux attentats. A la question de savoir si le fait de donner une image différente de celle véhiculée habituellement pourrait changer les mentalités, la réponse de Soumail, 18 ans, se fait laconique : "Non".
Non pas de l’indifférence. Seulement une volonté de ne pas se laisser parasiter pendant les instants de répit. Et puis le 11 septembre, cela n’est déjà plus qu’une histoire que l’on se raconte. Ou que l’on joue.
"11 septembre 2001", une pièce de Michel Vinaver, mise en scène par Arnaud Meunier. Représentations le 10 septembre (20h30) et 11 septembre (15h et 20h30) au Théâtre de la Ville. Représentation le 7 octobre au forum du Blanc-Mesnil.