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L’armée suisse, combat de toute une nation

jeudi, 15 septembre, 2011 - 13:38

La Confédération helvétique veut réduire ses troupes à 100 000 hommes (contre 188 000 aujourd’hui) et se doter d'une flotille de 22 avions de chasse. Une décision qui rappelle à ceux qui l’auraient oublié que, oui, la Suisse a une armée. Mais pas n’importe laquelle. Une armée de citoyens.

La décision fait jaser au pays des horlogers. La Suisse, par la voix de son Conseil national (la Chambre basse du Parlement), vient d’entériner la réduction des effectifs de son armée, qui devrait passer de 188 000 à 100 000 hommes. Dans le même temps, elle fait le choix d’investir dans 22 nouveaux avions de combat. Coût de la manœuvre, 600 millions de francs suisses (497 millions d’euros), des débats houleux et de beaux pamphlets dans la presse suisse ce jeudi matin.

Que voilà un bien beau débat! Il n’aura pas dit grand-chose du fond: à quelles menaces doit-on se préparer, avec quels outils et dans quel délai ? Que pourra faire cette armée de 100 000 hommes à qui l’on n’indique ni cap ni direction et encore moins d’ennemis ? Sous les drapeaux, les soldats dépriment, nous dit-on, inquiets de ne servir à rien ni à personne. Nous avons enfin les réponses militaires. Mais quelle était donc la question ?"

s’interroge ainsi la Tribune de Genève.

Un tiers du budget suisse

Quelle est donc cette armée suisse pour susciter tant d’émotions ? Alors que la Suisse affiche sa neutralité depuis près de 200 ans, le budget de la défense pèse encore 5 milliards de francs suisses par an (4,1 milliards d’euros), quand celui du voisin autrichien atteint tout juste les 2 milliards d’euros [la France est à 31 milliards d’euros] ? On peut raisonnablement douter que les menaces soient plus sérieuses d’un côté que de l’autre.

Et encore, il n’y a pas si longtemps, l’armée absorbait le tiers du budget total de la Suisse ! C’était la Guerre Froide, époque où planait l’ombre du bolchévisme sur les paisibles montagnes helvètes. Depuis, les finances des militaires vont sans cesse décroissant, jusqu'à l'absurde comme le déplore le ministre de la Défense, Ueli Maurer:

Les soldats doivent utiliser les autobus de la Poste suisse pour se rendre aux exercices de lance-mines dans la montagne."

Des soldats qui sont loin de l’image toute hallebarde dehors du garde suisse vaticanais.

Un pays de soldats

En effet, la Suisse a pour caractéristique d’être un pays de soldats, puisque tous les hommes âgés de 18 à 35 ans – outre le service militaire obligatoire de 260 jours – sont d’office considérés comme militaires de la Confédération, membres de cette armée de milices (chaque canton ayant sa ou ses milices). Ce qui explique en partie l’émotion que suscite le moindre débat ayant trait aux forces suisses.

Cette règle de la conscription a été adoucie en 1996 par la possibilité d’effectuer un service civil, et non militaire, mais aussi par la réforme "Armée XXI" de 2003, approuvée par référendum. Cette dernière a ainsi fait passer les contingents de 524 000 à 220 000 hommes, dont 80 000 réservistes, en quelques années, tout en opérant des coupes drastiques dans les budgets. Depuis, les effectifs ont encore été réduit de moitié sans pour autant résoudre l'épineuse question qui secoue les esprits économes: à quoi sert cette armée ?

Une neutralité à géométrie variable

Toute à sa neutralité, la Suisse oeuvre à sa défense sans intervenir (en théorie) sur les terrains extérieurs. Ce qui ne l’a pas empêché pendant la Guerre Froide de solliciter, en vain, l’aide de la France afin d’acquérir l’arme atomique

Selon son ministre de la défense, le rôle de la Suisse au niveau géopolitique est notable:

Un petit pays neutre peut contribuer à la sécurité, notamment dans le domaine de l’instruction, de l’équipement…"

Une "neutralité armée perpétuelle" érigée en credo national depuis le congrès de Vienne en 1815, qui lui permit notamment de ne pas subir d’invasion lors de la Seconde Guerre Mondiale, mais dont les contours se sont affaiblis à mesure que se multiplièrent les "opérations de maintien de la paix".

La Suisse a ainsi contribué, de façon marginale certes, à pacifier la frontière entre les deux Corée, ou plus récemment à stabiliser le Kosovo. Sans tirer le moindre coup de feu. Parfois sans armes.

Dès lors, on comprend mieux la sensibilité que peuvent avoir les questions de défense en Suisse, où se pose la question de l’utilité des dépenses engagées dans des avions de combat qui, selon certains, ne serviront qu’à parader au moment du Forum économique mondial de Davos.




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