Angela Merkel a finalement choisi de sauver le Grèce, alors que de nombreuses voix suggéraient d’abandonner le maillon faible de la zone euro. Explications d’une décision cruciale au faîte de la crise européenne.
Mercredi soir, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et George Papandreou, se sont entretenus lors d’une vidéo-conférence au sommet. Le communiqué final est clair et a fait taire temporairement les rumeurs: pas de faillite de la Grèce si Athènes met rapidement en place les réformes promises. Merkel et Sarkozy ont, par ailleurs, décidé de venir en aide aux grandes banques européennes si leur survie était menacée.
Merkel veut aller au bout
Angela Merkel – car c’est bien elle qui décide à présent – avait deux options.
- La première était de sortir la Grèce de la zone euro. Cela aurait permis à Athènes de dévaluer sa monnaie pour relancer l’économie en forte récession (7% estimés pour 2011 !). Avec le risque d’augmenter la panique des marchés: si la Grèce sort, alors pourquoi pas l’Espagne et l’Italie, qui représentent ensemble près de 30% du PIB européen ?
- La seconde option était celle de soutenir la Grèce une nouvelle fois tout en imposant un discours de rigueur, quitte à être accusée de "jusqu'au-boutisme", par tous ceux qui croient – à raison ? – que la Grèce ne peut pas s’en sortir en restant dans l’euro. Cette solution finalement retenue a au moins le mérite de la cohérence tant réclamée par les "marchés".
Pas de générosité aveugle
Reste à savoir si Angela Merkel, qui n’est pas Mère Thérésa, pourra tenir cette ligne de conduite encore longtemps. Sa décision de soutenir coûte que coûte la Grèce pourrait bien lui coûter son titre de Chancelière, en pleine année électorale (9 élections régionales en 2011 !). Son propre ministre de l’Economie, Philipp Rössler (FDP- libéraux) avait ainsi mis lundi la Chancelière en porte à faux en affirmant que
La faillite de la Grèce n’est plus un tabou"
Mais dans l'immédiat, elle n'avait pas d'autre alternative. La Deutsche Bank et la Commerzbank sont, elles aussi, exposées aux dettes des pays européens malades et donc menacées de banqueroute en cas de faillite du maillon le plus faible de la zone euro qui risquerait d'engendrer la rupture d'autres chaînons guère plus solides. Angela Merkel a aussi pris note de la dégradation, en France, de la note du Crédit Agricole et de la Société Générale par une des grandes agences de notation (Moody’s).
Si l’euro tombe, l’Allemagne tombe aussi
Pour avoir assisté impuissante à la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, la Chancelière sait mieux que personne que l’Allemagne plongera avec le reste de l’Europe en cas de panique générale. Elle ne s’en est d’ailleurs pas cachée:
Si la Troïka BCE-FMI-UE n’accorde pas la prochaine tranche à la Grèce, de nombreuses grandes banques auront immédiatement besoin d’argent"
Enfin, elle sait parfaitement que l’Allemagne vacille déjà malgré le redémarrage en trombe de son économie en début d’année. Destatis, l’INSEE allemand, l’a dévoilé il y a quelques jours, l’Allemagne voit son économie se rétracter au second semestre 2011. Le Financial Times Deutschland parle d’ailleurs d’une "mini-récession". Si les grands établissements bancaires perdent confiance et cessent de se prêter entre elles, le financement des entreprises se grippera et l’économie allemande pourrait replonger pour de bon.
Pour toutes ces raisons, elle a conclu qu’elle ne pouvait pas, face à l’Histoire, prendre le risque de laisser l’euro se désagréger. Pas tout de suite du moins, pas avant de savoir précisément si l’Etat grec joint les actes à la parole pour redresser les finances du pays ; pas avant de connaître les expositions réelles des banques européennes et allemandes à la Grèce…
Diktat européen
A la tribune du parlement européen, Nicholas Faradge, député euro-sceptique britannique, très critique du plan d’aide à la Grèce, a pris la défense des Grecs et de ce qu’il considère comme un Diktat européen:
Votre Troïka a volé aux Grecs leur démocratie, en leur dictant ce qu’ils ont le droit ou non de faire et en les sommant de s’exécuter".
Si le peuple grec n’est pas en cause, sa classe politique est, elle, responsable de la déroute des finances publiques. La levée de l’impôt, le travail au noir et les largesses de l’administration sont autant d’obstacles au redressement du pays…
9 000 centenaires
La constitution grecque exempte toujours de tout contrôle fiscal les armateurs grecs, considérés historiquement comme l’un des moteurs de l’économie. Les exemples de la sorte sont légions et témoignent de l’étendue du travail qui attend l’exécutif grec…
A titre d’exemple, la TVA sur la restauration relevée à 23% (+10%) n’est pas appliquée dans les faits, le paiement est généralement exigé en cash, plutôt que par carte bleue.
Plus de 9 000 centenaires sont répertoriées en Grèce, et des journalistes du FT ont établi qu’au moins 500 personnes décédées continuaient de percevoir leurs retraites.
Enfin, alors que 376 foyers fiscaux grecs paient leur taxe sur les piscines privées, des journalistes anglais ont dénombré, grâce à GoogleEarth, 18 000 piscines dans la seule région d'Athènes…